La journée d’hier ayant été bien complète, aujourd’hui on va pouvoir parler d’art sous toutes ses formes : expo, théâtre, concert. Ah, que j’aime quand je n’ai pas à me fiche le cerveau sens dessous dessus pour trouver une façon amusante de vous dire que je n’ai rien à vous raconter. Allez, c’est parti on y va. Ça va être long. Est-ce que ça va être bon ? Rien n’est moins certain.
Exposition d’art contemporain, pour commencer. Devinez où, devinez quand ? En fin d’après-midi à la Panacée, bien sûr. À celles et ceux qui diront que pour le où, okay, mais pour le quand pouvaient pas savoir, j’ai envie de dire estimez-vous heureuses·x que je n’aie pas ajouté : devinez avec qui ? Parce que là c’était la colle et vous seriez encore passés·es pour des branquignoles. La réponse ça aurait été : avec Will, qui s’appelle Billiam dans la vraie vie, comme les Bobert Rob, Dickard Rich, et Pegaret Mar. Donc, direction la Panacée où nous avions rendez-vous. C’était l’exposition Crash Test, dont tout le monde parle, énorme succès. À mon tour d’en parler, à moi les dollars.
Je suis arrivé un peu en avance sur Will, ce qui était prévu. Je me suis donc rendu à l’accueil pour y glaner de la doc en l’attendant. Une dame à l’air assez âgé et aux cheveux d’un rouge très rouge toute habillée de noir vêtue des pieds à la tête, sauf ses cheveux qui étaient découverts puisque je vous ai dit qu’ils étaient rouges et son visage qui était découvert aussi puisqu’il avait l’air âgé, donc plutôt toute de noir vêtue habillée des pieds aux épaules (je me fatigue, pas vous ?), m’a donné tous les papiers dont elle disposait, en m’expliquant les principes de l’exposition, mais elle tentait également de l’expliquer à d’autres personnes, qui, elles, étaient arrivées après moi, elle intercalait donc des éléments d’explications que j’avais déjà entendus à leur intention, entre deux éléments d’informations qu’ils n’avaient pas encore eues, eux, pour moi, tout ça en même temps qu’elle répondait au téléphone. J’ai pris les prospectus et je suis allé les lire à la table basse dans l’entrée en attendant Will. Là, une autre dame habillée toute de noir vêtue des pieds aux épaules, accompagnée par un monsieur de la sécurité, est venue s’asseoir à côté de moi. Elle s’était sans doute fait mal quelque part, au dos ou à la cheville, ou au mollet, parce que le monsieur de la sécurité lui a touché le mollet du bout du doigt, mais j’ai pas bien entendu ce qu’ils se disaient, ou alors c’était autre chose, mais en tout cas elle travaillait au musée, et là ne travaillait plus pour cause d’un quelconque accident ou d’une maladie. Le monsieur de la sécurité a aussi tiré un fil qui trainait de sa veste à elle, à mesure qu’il tirait le fil s’allongeait, elle a dit que c’était pas grave. Ensuite il n’a pas arrêté de faire des allers-retours entre l’intérieur du musée et elle, il venait lui raconter tout ce qui se passait, comment un enfant avait un peu marché sur une œuvre d’art et que le chargé de médiation de la salle s’était mis à sermonner la mère et que ça avait commencé à monter dans les tours, mais que ça s’était calmé, ouf. Ou que unetelle était dans telle salle, et que untel était là-bas qui faisait ça. Tout ça en faisant des va et vient musée-hall, toutes les cinq minutes. Je me demande s’ils étaient en couple, les deux. La dame aux cheveux rouges est également venue la voir, la plaindre et lui passer une main consolante dans le dos. Ensuite William est arrivé, on a fait le tour du musée puis on a pris lui un jus de poire, moi une limonade au bar et on s’est quittés.
Là, j’ai foncé aux Aubes, je suis arrivé pile à temps à la Maison pour Tous George Sand, à l’angle du Parc Rimbaud, quartier les Aubes. Oui, les Aubes. Allez-y. Dites-le à voix haute, faites bien la liaison, riez un bon coup une fois et on y va, on va pas passer la journée là-dessus. C’était une soirée Playback Théâtre. Aucun rapport avec les gens qui chantent sur bande pré-enregistrée. Là, celles·eux qui le veulent parmi les spectatrices·eurs racontent l’une de leurs expériences sur le thème de la soirée, ici les histoires de voisinage, et les différents·es comédiens·nes présents·es la jouent. D’abord on détermine une certaine forme contraignante (favorisante, selon le point de vue) avant de se lancer : en épisodes, en cinq parties, en paires, en transformatif (ça veut dire une seule scène avec un évolution du jeu)… et puis place au jeu, comme ils·elles disaient. L’un·e des comédiennes·s fabrique la bande son en direct à l’aide d’instruments posés sur un tapis d’un côté de la salle. La troupe, c’était Magma, la délégation ce soir-là se composait d’Anne Berchon, François Bousquet, Sandrine Dury, Marianne Grison, Élisabeth Loubat, Cathy Lumale et Pascal Menut. Voilà, ça c’était pour l’aspect technique, l’aspect matériel et matériel humain. Maintenant qu’est-ce qu’on peut en dire ? Que je ne me suis pas ennuyé une seconde, que je suis reparti avec le sourire, que j’ai beaucoup ri, que j’ai ressenti comme une envie de se rapprocher les unes·s des autres, comme une envie de se voir montrer des émotions partagées par toutes et tous mais trop souvent gardées pour soi. Je pensais tout de même, au vu de la population présente tendance quinquagénaires et plus, qu’il y aurait beaucoup plus d’histoires à raconter tout de suite, ça a mis un moment à venir, comme quoi, l’âge n’efface pas la pudeur. Les comédiens et diennes étaient inventifs et tives, parfois mimaient les gestes, parfois les personnages, parfois jouaient les émotions, parfois répétaient les mots mêmes qu’ils et elles avaient entendus. Tous et toutes et tout ensemble, c’était foisonnant d’impressions. Chacun·e un petit tableau en formant un grand. Maintenant, une chose que je n’avais jamais remarquée : le renforcement d’une émotion par deux personnes jouant la même chose au même moment. Exemple : une femme est inquiète du fait que son bébé est toujours malade. Sandrine Dury (si je ne me trompe pas) entre en scène, faisant mine de tenir un bébé dans ses bras et d’être inquiète en le berçant vivement, ça marche mais c’est un peu bateau, on attend la suite. Les autres tardent à entrer, petit moment de manque d’inspiration, ça arrive, ça fait bien une heure qu’ils et elles jouent. Avant que Sandrine Dury n’ait eu le temps de s’essouffler totalement seule sous les regards, Anne Berchon arrive en renfort et copie chaque geste de derrière sa co-troupière (hum). Une vrai sensation de tension se crée, on a l’impression d’une réelle nervosité, on ressent l’émotion mieux. On a pas l’impression de voir deux fois le même geste, on a l’impression de voir ce geste plus fort. C’est assez indescriptible. Ça pouvait sembler n’être pas grand chose, c’était en fait très efficace. Que dire d’autre ? J’ai encore un concert à vous raconter. La prochaine fois que vous entendez parler de Playback Théâtre en tout cas, allez-y. Et de Magma, la troupe, pas le groupe, allez-y aussi.
À 22h30 à la louche j’arrive au Bric À Brac, je tombe en plein concert de Gneiss Rock. J’ai dû rater bien une heure et de toute façon je ne pense pas être le plus calé pour en parler bien, je n’avais jamais entendu quoi que ce soit du genre. En arrivant, j’ai même demandé au mec devant la porte si c’était pas encore commencé parce que j’entendais rien et que depuis les images de la caméra projetées à l’étage on voyait le public assis sur scène semblant attendre que quelque chose se passe. C’était commencé et chut qu’il m’a répondu. C’était du bidouille noise, selon moi. Un mec appelé Ozzy Keller tripatouillait des instruments musicaux-ou-pas vintage qu’il avait semble-t-il bidouillés lui-même. J’étais bien incapable de déterminer à quel moment il faisait ce qu’il voulait et quand c’était un bruit dû à un faux contact. Tout était à base de bruit blanc filtré (à peine) et de samples overdrivés sous-mixés. Super chelou, c’est le moins qu’on puisse dire. Les gens, assis par terre, semblaient plutôt concentrés. En tout cas personne ne se foutait ouvertement de la gueule du musicien comme on pourrait s’y attendre devant un spectacle aussi inhabituel et des sons aussi peu agréables, bien que pas mal cherchaient des regards complices dans le public un sourire en coin, et qu’une bonne partie de la salle se soit barrée avant la fin. On a au moins évité la grosse moquerie crasse. Peut-être était-ce en partie dû au photographe à moustaches du XIXè siècle qui faisait douter les gens avec son allure hipsterisante : pouvait-il rire à gorge déployée et hurler au scandale, le public, ou se dévoilerait-il, en agissant ainsi, en pauvre masse rétrograde incapable de reconnaître une révolution artistique quand on la lui mettait sous le nez ? Ou alors les gens sont devenus plus corrects que dans mes souvenirs.
Le second groupe c’était Moteur! C’était psyché dans l’idée, jazzizant sur les bords, un peu rock dans le fond. Impros, compos, on aurait pas su dire. Tant mieux. Avec une bière dans le gosier et un joint dans les bronches, j’aurais sans doute réussi à me laisser porter par le tout, mais là j’avoue que sobre la sauce n’a pas pris. Ça manquait de jouer ensemble, je trouvais. Malgré l’effet recherché, je pense, de chacun dans son coin qui fait un tout et crée des effets par un hasard semi-contrôlé, y avait moyen de donner plus en s’écoutant mieux. En plus on voyait bien que les musiciens étaient tous bons, c’était le plus râlant. Tant pis, ça arrive. Au moins ils ont le bon goût de ne pas essayer d’accrocher le public par des genres aimés d’avance, par des mélodies ciselées pour le tube, de ne pas faire une musique démago quoi, et que le tout ne soit pas désagréable pour autant. Parce que c’était quand même très agréable, juste, y avait pas le truc pour m’emporter que l’étiquette psyché jazz qu’ils s’étaient collée m’avait fait espérer.
C’est trop long !!! Je suis d’accord. À demain.