Il y a un peu plus de dix ans, je tenais un blog BD. Je me rends compte avec le temps d’à quel point ce que j’y mettais était inintéressant. Ça me fera sans doute la même chose avec ce blog-ci. Déjà la plupart du temps ce n’était pas de la BD. Plutôt des dessins pas très réussis. Mais bon, il y avait des gens pour venir voir, c’était la mode. On était une belle bande d’amateurs·rices à se suivre et se soutenir les uns·es les autres. Les jours où c’était vraiment de la BD, c’est-à-dire au minimum une suite de quelques images qui racontent une histoire, c’était du genre minimaliste et rien à dire. Des gags, quelques strips, des trucs comme ça, des personnages qui parlent d’être des personnages. Le genre de trucs qu’on fait quand on ne sait pas quoi raconter. À l’époque ça me semblait compliqué de trouver quelque chose à dire juste quand j’avais envie de dessiner. Je voulais dessiner là, maintenant, sentir la page sous le pinceau ou le feutre, et pas passer une semaine à monter un scénario pour ne jamais le dessiner parce que bof, plus envie. Alors comme ça il faudrait prendre des notes dès qu’on a la moindre petite idée et se les garder pour quand on a envie de dessiner ? Oui, c’est ce qu’il faudrait. C’était pas mon genre. Ça l’est toujours pas.
Lewis Trondheim a souvent dit qu’il improvisait ses histoires tout en dessinant, ce qui lui permettait de conserver l’envie de dessiner en se surprenant lui-même. C’est une autre facette du même problème. Ça ne me botterait pas plus que ça non plus de concevoir une histoire dans ses moindres détails pour me taper du dessin pur au service du scénario pendant des jours par la suite. Seulement voilà, on est pas tous·tes aussi doués·es pour improviser de l’intéressant, du substantiel, que Lewis Trondheim. Si vous ne connaissez pas les BD de Lewis Trondheim, qui par hasard habite à Montpellier, je vous conseille d’aller à la médiathèque la plus proche et de vous vautrer dans les fauteuils les moins inconfortables pour les dévorer. Les BD, pas les fauteuils. Même si vous avez dépassé la cinquantaine et que vous vous dites : « les BD… », aucun problème. L’auteur aussi a dépassé la cinquantaine. Ça arrive même aux gens biens. Alors n’hésitez pas, ouvrez Les formidables aventures de Lapinot, Les formidables aventures sans Lapinot, les Donjon, Les cosmonautes du futur, ouvrez Mildiou, Désœuvré, Les petits riens, ouvrez, lisez, zieutez, riez, retenez une larmichette à l’occasion. Lewis Trondheim, c’est mes meilleurs souvenirs de médiathèque.
Ceux et celles qui n’ont pas décollé dans les blog BD ont depuis arrêté. Quasiment tout le monde (je vous ferai peut-être une liste de mes chouchous un jour). Celles et ceux qui ont décollé n’en sont pas restées·s au blog, même si certaines·s ont continué. Z’ont été éditées·s. Pensez Bagieux et Boulets. C’était pas de la chance. C’étaient, en plus d’être des gens talentueux, les plus bosseuses·eurs. Les persévérantes·s. Les qui ont adopté une attitude professionnelle. Quasi obsessionnelle vis-à-vis du dessin. La BD, c’est un métier, je pense, où il faut aimer dessiner, raconter, inventer au point que le plaisir de faire permette de se crever chaque jour le cul à bosser en patientant sereinement qu’« on » vous découvre, même si ça fait dix ans que le frigo a du mal à se remplir.
Finalement, j’ai bien fait d’ouvrir simplement un blog BD le temps qu’il ma plu de le tenir, et de ne pas avoir absolument voulu en faire un métier. Artiste professionnel, c’est beaucoup trop dur.