Les grands artistes, c’est-à-dire ceux qui sont très productifs ou qui font beaucoup parler d’eux, sont-ils tous de grands angoissés ? Et là, plutôt que de coller de l’inclusive à tous les mots je recommence au féminin : les grandes artistes, c’est-à-dire celles qui sont très productives ou qui font beaucoup parler d’elles, sont-elles toutes de grandes angoissées ? (Vous voyez qu’il nous manque un vrai neutre.) Je me pose la question. Je n’ai jamais passé autant de temps à composer, à dessiner ou à écrire que dans les périodes où j’étais au plus bas. Dans les moments où ça va plutôt bien, rien ne me pousse à fabriquer quoi que ce soit. Enfin, rien… L’ennui, parfois. Mais l’ennui produit des petits gribouillis sur un coin de feuille, trois notes sur un projet Logic qui dormira au fin fond d’un dossier jusqu’à la mort du disque-dur sans jamais être ré-ouvert, ou, au hasard, une note de blog qui explique qu’on ne sait pas quoi raconter… Rien de grand, rien de merveilleux, rien qui dise : regardez, j’existe, youhou ! Regardez-moi, regardez-ça, comme c’est beau hein, si, c’est beau ce que j’ai fait, ou en tout cas c’est impressionnant, c’est indéniable, ça veut dire que vous devez m’aimer. Regardez, j’ai pris des belles couleurs, choisi de belles harmonies, enfilé les plus beaux mots que je connaissais les uns après les autres pour que vous m’aimiez, alors soyez pas vache !
Voilà, c’est ça. J’ai comme l’impression que l’ennui produit l’art pour l’art, l’art pour soi, et que l’angoisse produit l’art pour affirmer son existence, l’art pour le regard de l’autre. Il me semble que là, si j’étais dans un PMU, j’aurais eu droit aux applaudissements de la salle. Oui, d’accord, faut vraiment que j’arrête de faire comme si le PMU était LE lieu de la philosophie à deux ronds, c’est vieux jeu. Et puis j’oublie l’art pour le pognon, aussi. Démerdez-vous pour le faire rentrer quelque part dans ce schéma, moi j’en ai déjà marre.
Toutefois, cette réflexion n’était pas anodine. Si je me la pose aujourd’hui, c’est que je ne sais pas quoi raconter, justement. Ce matin je me suis réveillé naturellement à 9h et, malgré l’absence de soleil, j’étais plutôt de bonne humeur. Sans me laver, j’ai enfilé mes fringues de la veille pour aller faire un petit tour en ville. J’espérais prendre quelques photos pour le blog et m’acheter un truc à grignoter. Pas prendre un café ; depuis que j’ai arrêté de fumer (pour la vingtième fois en trois ans, je crois), le café, c’est trop dur. Eh ben je me suis bien baladé, malgré la pluie, et je n’ai rien pensé à photographier. J’étais juste… bien. Je pensais à des choses et d’autres… Pas d’angoisse de l’après, celle que je ressentais souvent fut un temps et qui me faisait me dire : okay, là on s’amuse, mais après, qu’est-ce qui va se passer, hein, on va déprimer de s’être autant amusé, on va se sentir tout seul, tout nu dans un grand vide émotionnel, ça va être la grande descente, non, on ne peut pas se reposer, il faut vite préparer la suite. Ce matin, rien de tout ça. Je me baladais, et c’était suffisant.
Là, vous vous dites sans doute que je suis en train de bien me foutre de votre gueule puisque je vous colle un photo sous le nez alors que j’ai dit ne pas en avoir prise. Vous êtes vraiment pas malins, hein ? C’est une que j’avais en stock d’un matin où je me rendais à l’association dans laquelle je fais un peu de bénévolat. Il était 8h du matin, et j’ai toujours rêvé de visiter Silent Hill, alors clic-clac, j’en ai pris quelques clichés avec mon téléphone. Ça n’avait pas vocation à se retrouver sur le blog, mais puisque je n’ai rien à raconter, autant balancer deux trois images pour faire illusion.
On m’avait dit qu’à Lyon il y avait souvent du brouillard avant que j’emménage, et c’est vrai qu’il y en a. J’adore ça. La pluie me fait chier, mais un gros brouillard bien dense (chose étrange, sur les photos que j’ai prises on voit mieux que ce que j’y voyais moi-même, je ne sais pas à quoi c’est dû. Le brouillard était très blanc, très proche. Du genre, de mes propres yeux, je ne voyais pas plus loin que le petit panneau jaune, lui-même bien voilé par la brume. Si quelqu’un sait à quoi c’est dû, je serais curieux de le savoir.), même super humide, qu’est-ce que c’est beau ! J’en boufferai bien tous les jours. L’imagination peut enfin venir se superposer au réel, et sans artifice hautement technologique. Quel bonheur de ne pas savoir ce qui pourrait surgir de la brume à tout moment et à moins de dix mètres de nous. Tant que ce n’est pas une voiture sortie de la route, bien entendu.
Hein ? Elle commence à être longue cette note de blog ? Oui, je suis d’accord, je vais la terminer rapidement. C’est qu’à force d’écrire pour rien je commence à trouver quoi vous dire, c’est rageant. Bref, faisons vite. Si vous aimez les ambiances à la Silent Hill, vous aurez sans doute déjà vu des images de la ville réelle qui a inspiré la fiction, Centralia, en Pennsylvanie aux États-Unis. Avant c’était froid, très austère. Maintenant les fans du jeu vidéo et des diverses adaptations taguent à tours de bras les routes et certains bâtiments, ça ne gâche pas vraiment le côté étrange et inquiétant du lieu, mais ça change la nature de l’ambiance. Je ne saurais pas dire si c’est dommage ou pas. Et là j’allais faire mon malin en vous filant deux, trois liens vers les comptes twitter de photographes d’urbex Français et Japonais dont le travail vous plonge dans des lieux qui furent un temps aménagés par l’homme mais sur lesquels la nature à repris le contrôle, seulement, je me rends compte que je les suivais depuis le compte que j’ai supprimé il y a un an… donc c’est raté. Je chercherai ça et je vous les balancerai ici si je les retrouve. En attendant, vous pouvez aller fureter du côté du bien maigre subreddit r/SilentHillPorn, collection de photos de villes dans la brume ou d’intérieur d’immeubles en ruine. Ouais, y a pas grand chose, du coup ce serait pas mal de l’alimenter si vous avez de quoi dans vos fonds de tiroir.
Si j’écoute de la musique quand je me balade dans le brouillard ? Très bonne question, bravo. Eh bien oui, s’il se trouve que j’ai mes écouteurs sur moi, j’écoute le plus souvent l’album Damnation, de Opeth, mais ça peut également être Blackwater Park, du même groupe. Je conseille à tout le monde d’essayer ça avec le premier des deux albums cités, et à ceux qui ont une bonne tolérance au métal je conseille d’essayer avec le second. Allez, sur ce, je vous laisse, et je vous souhaite qu’il fasse bien gris par chez vous en ce premier dimanche de décembre. La bise.