Ce matin, 10h, en allumant mon ordinateur, je découvre un tweet de la branche internationale d’un journal japonais au sujet d’une explosion à Paris. Bon. Je mate les deux-trois conneries qui ont été postées dans la nuit et je passe à reddit. On y cause d’une explosion à Paris. Bon. En fait on en parle dans tous les journaux étrangers. C’est un véritable drame, pour les journalistes je veux dire, car il ne s’agissait que d’un accident suite à une fuite de gaz. C’est en premier lieu un véritable drame pour les victimes et leurs proches, évidemment, soyez pas bêtes. Mais pas d’attaque terroriste quoi, pas un coup des hordes en jaune. Zut alors, il a dû y en avoir des rédacteurs et -trices en chef sans scrupules pour se frotter d’avance les mains et s’écrier « wouah, génial ! » à la manière d’un David Pujadas découvrant les premières images des avions s’écrasant sur le World Trade Center (vous aviez oublié ? Si si, et ça a été filmé, cherchez), sans même encore savoir de quoi il s’agissait. Eh oui, car en France pas plus qu’ailleurs on ne manque de « journalistes » davantage intéressés et -ssées par leur salaire, et donc par le tarif auquel ils et elles vont pouvoir vendre l’espace publicitaire qui ensandwiche leur actualité sensationnelle, que par l’utilité publique et la qualité des informations qu’ils et elles proposent.
Quoi ? Je suis de mauvaise foi ? Si ça s’était passé à Vesoul un jeudi soir, vous pensez qu’on en aurait parlé moins de cinq minutes après l’évènement à l’international ? Non, car personne n’aurait suspecté un évènement susceptible de faire tenir des milliers de téléspectateurs et d’internautes devant leurs écrans à consommer l’écœurante bouillie de réclames des heures durant. Et vous en entendez souvent parler, vous, des explosions suite à des fuites de gaz dans les autres pays du monde ? Non. En tout cas, on sait ce qui intéresse les journaux à pub, les journaux qui cherchent à faire exploser leur taux de profit, et c’est pas les fuites de gaz. Une heure plus tard, une fois les causes de l’accident connues, on n’en parlait déjà plus (dans la presse étrangère). À peine continuait-on de mettre à jour le nombre de morts et de blessés. Les compteurs morbides, ça attire toujours un peu de monde.
Ah la la, ils ont vraiment dû râler dans les salles de rédac, une belle explosion comme celle-ci, à Paris, un samedi matin de manifestation ! J’imagine sous quelque cervelle de journaliste s’amorcer déjà l’écriture d’un article en cas d’attentat : « Ils se sont attaqués au symbole Français par excellence, la boulangerie ! Demain, partisans de la chocolatine et du pain au chocolat marcheront pour la première fois main dans la main par toutes les rues du pays pour une manifestation hommage aux victimes. Nous ne devons pas céder à la peur, car c’est ce qu’ils cherchent, nous devons donc continuer à manger les quignons de nos baguettes encore chaudes dans la rue en rentrant des commissions, parce que c’est ça, être Français-e ! »
Bon, ben non on vous dit, c’était un accident. Dommage pour la presse à sensation, tant mieux pour le reste du monde. Car on en est là.