Aujourd’hui est un jour d’angoisse. Non seulement mes parents arrivent pour trois jours à Lyon, et nos rapports sont, disons, tendus, mais en plus de ça j’ai un rendez-vous pour justifier mes droits RSA auprès d’un organisme mandaté pour me trouver un travail dont je ne veux pas. Je me retrouve, mais vous en avez l’habitude, sans savoir quoi dire. Hein ? Non, pas ici, pour une fois, mais sans savoir quoi dire ni à mes parents ni à l’organisme décrit ci-dessus.
Pour vous donner une idée de mon niveau d’angoisse, ça fait trois jours que je n’ai pas bandé. Ben oui. Ça peut vous paraître anecdotique, mais c’est un signe qui ne trompe pas. Même pas un peu le matin au réveil, même pas en caressant le corps nu de mon amie. Rien. Que dalle. Mon sang est trop occupé à irriguer les glandes de la peur et l’estomac là où il lui faut du sang pour se nouer comme se nouent les estomacs quand un canon est posé sur la tempe de leur propriétaire. J’ai juste envie de me cacher dans un coin en attendant que le monde s’effondre.
Si je n’ai rien a dire à mes parents, c’est que le dialogue a longtemps été rompu et que nous sommes maintenant quasiment des étrangers l’un pour l’autre. Si je n’ai rien à dire au fâcheux organisme, c’est que je n’ai jamais véritablement pensé à élaborer de discours justifiant mon droit à la survie. Poète contemplateur que je suis. Même si j’y avais pensé, je n’aurais sans doute pas accepté d’utiliser les termes clés qui sont de bon ton à notre époque de broyage des individus au profit du profit. Je ne suis pas proactif comme garçon, plutôt amateuractif.
Je crois que famille et travail sont les deux concepts qui me posent le plus de soucis dans la vie de tous les jours. Hein ? Ah oui, patrie aussi, puisque je ne suis pas patriote pour un sous, mais enfin, là, pour une fois, je me dis que je suis né à la bonne époque puisque personne n’exige de moi que je le sois. C’est marrant comme quand on cite travail et famille le troisième terme vient toujours immédiatement en tête, hein ? Ouais, ben là j’ai pas la tête à me marrer.
Bref, c’est une journée de l’angoisse. C’est pas la mort, mais il faudra bien laisser passer trois jours avant que mon organisme l’ait intégré. Dans le cas où l’on me fiche la paix pour mon rendez-vous.
Comme je te comprends. Comme je suis d’accord avec toi. C’est à cause de ce genre de rendez-vous que je n’ose pas dire à mon taf que j’en ai marre. J’ai peur de devoir me justifier pour toucher des indemnités chômage auxquelles j’ai droit, pour lesquelles j’ai largement cotisé, et donc pour lesquelles j’estime avoir le droit d’en faire ce que je veux (je sais pas si c’est bien français cette tournure mais bon ^^). Je voudrais les utiliser pour avoir du temps et de l’énergie disponibles pour trouver vers quelle nouvelle activité je dois me tourner pour « gagner ma vie » (quelle expression détestable). Pour être à ma place dans ce monde. Mais si mon temps et mon énergie se retrouvaient usées à devoir me justifier auprès de tel organisme et tel conseiller, bah j’ai envie de dire, à quoi bon…
Je te comprends aussi pour la famille, même si maintenant j’ai trouvé la mienne, que j’ai choisie, je sais combien les rapports avec la famille qu’on subit peuvent être pesants.
Bref, courage, force et lumière, pense à ce et celleux qui te donnent du baume au cœur le temps de passer cette période de turbulences, ça ira sûrement mieux après, et tu banderas quand tu auras envie de bander comme dirait l’autre 🙂
Ah oui, dans ton cas ce serait encore plus rageant. Devoir faire des cabrioles et sauter dans des cerceaux en feu au rythme des claquements de fouet d’un·e conseiller·e pour un chômage auquel tu as cotisé pendant des années… D’autant que le Pôle-E. est vraiment le plus inutile et le plus flic de tous les organismes de suivi des personnes sans emploi. (Et ça ne va pas s’arranger : https://www.bastamag.net/Cela-va-vraiment-etre-tres-violent-des-agents-de-Pole-emploi-reagissent-aux ). Courage à toi aussi donc dans ce dilemne, bosser sans envie ou chômer sans en profiter. Et merci pour les petits mots de réconfort. 😉
Y’a de bonnes chances pour que « l’organisme mandaté » ne soit là que pour pomper les sous de l’état en rendant un service minimum. Tant que tu les aides à justifier que leur boulot est à peu près utile et que tu signes une super évaluation de leur taf en fin d’accompagnement, tout va bien dans leur monde.
Et si tu tombes sur des bons samaritains qui veulent vraiment t’aider… bah… soit c’est en effet vraiment relou, soit ils pourront te trouver un taf de compositeur de musique baroque pour une nouvelle église Néo-Protestante de la Singularité (pour faire de l’orgue 8 bits).
Je confirme qu’il n’est là que pour ça.
Le premier rendez-vous n’était en fait qu’une présentation de cette association et un rapide tour d’horizon collectif des nouveaux RSAëliens dont ils doivent s’occuper. Le mec à côté de moi, 50 ans, 1 BTS, 2 Licences, 1 Master (informatique, math, mécanique, commerce international), ils lui ont proposé de l’aider à rédiger son CV. Trop cliché le sketch, j’ai même pas ri. Moi, ils m’ont dit « mettez que vous cherchez dans l’interim pour l’instant ». Du coup soulagement. En fait eux s’en tapent, comme tu dis, tant qu’ils peuvent envoyer un rapport à la métropole, quel qu’il soit.
Ils doivent s’occuper de 60 personnes par an minimum pour toucher les sous de la métropole. Du coup, de combien de personnes ils s’occupent à ton avis ? Hein ? Ben ouais, 60. Tout pile. Voilà. 😀
Bon, enfin, ils vont me reconvoquer pour un 1er « vrai » rendez-vous bientôt, on verra si le ton est le même…