Si vous avez commencé à touchotter à quelque discipline artistique en même temps qu’internet est apparu par chez vous, et que vous n’avez pas lu I will not delete my games de Sweetfish, allez-y. Sûr qu’une part de vous s’y reconnaîtra.
J’ai fait mes premiers dessins à la maison, auprès de ma maman, qui loin de se soucier de la qualité de ma production souhaitait simplement que je passe un bon moment. Puis j’ai continué à l’école maternelle. Avec un faux départ tout de même. Quand ma mère a su que je m’étais fait durement réprimandé pour avoir dépassé en coloriant le loup en gris, elle m’en a retiré jusqu’à l’année suivante. La maîtresse détestait les enfants. Sur la dizaine de jours que j’ai dû passer dans cette classe, j’ai pu assister à la fessée cul nul debout sur une table et devant toute la classe d’un camarade avec un retard mental, parce qu’il avait fait caca dans la classe. Ah, la bonne époque.
Plus tard, avec les copains, à l’école primaire, on s’enregistrait. Soit improvisant des chansons, soit des sketchs « comiques » sur des cassettes, sur les chaînes hi-fi de nos parents, avec des micro de karaoké dénichés en brocante j’imagine.
Bon et puis il y a eu les premiers poèmes de pré-adolescence, les petites chansons fades, les trois accords de guitare…
Tout cela ne s’est jamais retrouvé sur internet. Et j’en suis fort heureux voyez-vous, que des millions de personnes ne nous aient pas entendus, ou pire vus, chanter « Mario, il court, il saute, il fait des flips à l’envers. » Notre scolarité n’en aurait pas été facilitée. Si la cassette est sans doute encore au fond d’un tiroir ou d’une malle, chez l’un de nos parents, la bande magnétique doit être collée et irrécupérable. Et si je suis soulagé que ce n’ait jamais été diffusé au grand public, j’avoue trouver un peu dommage que tout cela n’existe plus que dans mes souvenirs.
Internet n’est arrivé qu’en 1998-99 pour moi, quand mon frère nous a légué son ordinateur et son modem à la fin de son stage chez IBM à Montpellier. J’avais 11 ans. Je m’en servais alors uniquement pour télécharger et imprimer des images Dragon Ball ou South Park, en les cherchant sur Copernic. Ensuite, c’est devenu ma source des paroles de musiques anglophones auxquelles je ne pigeais pas grand chose. J’imprimais tout Eminem, The Offspring, Korn, Metallica… (si je dis Blink-182 et Sum 41 je devrais effacer cet article plus tôt que prévu alors excusez-moi de ne pas les mentionner)
Ce n’est qu’en 2006, que j’ai commencé à mettre ce que je faisais sur internet, si l’on ne compte pas ce que je partageais directement avec les amis sur AIM ou MSN. Les blogs, MySpace et le tout début de Facebook faisaient qu’un utilisateur cazu qui n’y connaissait encore rien en programmation ou en méthodes d’hébergement pouvait désormais facilement publier en ligne et gratuitement.
Que reste-t-il de mes chefs-d’œuvre de la période 2006-2022, en ligne, sur CD ou disque-dur ? Pour ce qui est des dessins, je dirais 80%, pour le textes sans doute 40%, pour la musique pas loin de 100%. Les textes en disent long sur ce que vous pensez, et j’ai toujours honte de ce que je pense. C’est donc ce que j’ai le plus effacé. Voyez, je suis en général assez convaincu de ce que je pense, mais cette conviction ne perdure qu’une minute ou deux après que ma pensée s’est manifestée par l’entremise de mes cordes vocales, et avec le soutien non-négligeable de mes dents, ma langue et mon palais. Une fine équipe qui ne manque jamais une occasion de me mettre dans l’embarras.
Les dessins et les morceaux de musique, s’ils ne sont pas associés au texte, me gardent au moins de cette honte. Honte de penser mal ou de dire mal ce qu’on pense bien. Ils me font simplement honte de n’avoir pas assez travaillé, ou d’avoir des goûts très discutables.
Il y a donc tout à parier que je ferai, un jour ou l’autre, disparaître ce blog d’internet. Mais effacerai-je tout, même mes backups ? Pour moi qui ai si mauvaise mémoire, ne serait-il pas utile de conserver quelques notes, pour me souvenir, à l’occasion d’une relecture, des évènements que j’aurais traversés quelques années auparavant ? Des personnes que j’aurais rencontrées ? Sans doute que si. Ce serait utile. J’oublie trop vite trop de choses. Il me faut des aide-mémoire.
Y’a deux choses que je me rappelle avoir effacé/détruit volontairement.
Un carnet que j’avais rempli durant un trip psyché. Je l’ai gardé longtemps tout de même, puis un jour je me suis dit « non vraiment ça n’a aucun intérêt, si j’ai un accident il me faut non seulement un caleçon propre mais aussi la certitude que personne ne lira ça en pensant que je trouvais ces gribouillis intelligents ». En gros.
Et une série de nouvelles qui étaient sur un ordi portable que j’avais apporté chez une ex pour le lui prêter. Elle voit des fichiers texte qu’elle ouvre, et hop ce sont des nouvelles à moi qu’elle commence à zieuter. Mais il s’agissait de textes cathartiques que j’avais pondu lors de ma transition religio-philosophique. Je lui ai tt de suite interdit de lire ça et je les ai supprimés, en pensant avoir une copie quelque part. Après j’ai regretté de les avoir perdus. Aujourd’hui ça ne compte plus trop. Au final ça ne change pas grand chose, je me rappelle des notions qu’ils abordaient et je les écrirais mieux aujourd’hui si nécessaire.
Pour le carnet, pas vraiment de regrets non plus.
Mais pour tout le reste, j’essaie de conserver tout ce que je peux. J’ai quand même perdu mal de choses de l’époque pré-internet, puis de l’époque où je sauvegardais sur des CD-ROM en espérant que ça survivrait aux déménagements et à l’usure. De tout ça, ce qui me manque le plus ce sont mes maps réalisées pour Doom et Duke Nukem 3D, je pense =)
Il y a quand même des vielleries que j’ai su garder, j’en ai posté certaines sur mon blog mais ça ne servira pas à 100% car il s’agit notamment de dessins, qui ne seront pas conservés par archive.org… Je me console en me disant que dans 100.000 cela n’aura plus d’importance.
Du coup, tu n’as consciemment supprimé définitivement que ton carnet de trip ! Ça me donne terriblement envie de le lire maintenant ah ah, au moins pour savoir ce qu’un archiviste dans l’âme comme toi a trouvé si mauvais que pour une fois tu as jeté.
Le reste c’est plutôt une série d’accidents au final. Mais c’est vrai qu’en ne prenant pas soin de conserver quelque chose, c’est aussi quelque part accepter une perte définitive.
Dommage pour les cartes ouais, c’était le truc que tu m’avais expliqué où c’était des cartes au format .txt ?
archive.org je sais pas comment ils fonctionnent en fait, faudra que je me renseigne. Je sais qu’il y a déjà quelques choses à moi dessus et franchement je sais pas trop comment je me sens par rapport à ça. C’est pas moi qui les y ai mises en tout cas, et déjà ça c’est un peu chelou.