…on bouffe des huîtres.
Enfin, elle bouffe des huîtres, ma famille. Moi j’aime pas ça.
Ça fait trois ans que je n’ai pas fêté le réveillon avec elle. Piégé par le travail à l’étranger que j’étais. Je n’aime pas fêter Noël. Je n’aime pas… je n’aime plus. Je suis content de voir la famille, ce sont des gens que j’aime. Mais je ne sais pas comment me comporter avec 20 personnes autour de moi, surtout des gens qui comptent. Je repartirai en ayant eu l’impression coupable de n’avoir pas assez parlé à untel, de ne pas avoir su quoi dire à unetelle.
Et puis cette année s’ajoute à ça la honte de mon état. Cette dépression qui me colle, qui ne me laisse pas une journée sans être plusieurs fois à ça de fondre en larmes. Le décalage entre ceux qui sont heureux de faire la fête et moi qui suis malheureux quoi qu’il se passe autour de moi promet d’être marqué. Je déteste faire semblant. J’aime répondre honnêtement aux questions posées. Mais ce n’est pas le genre de soirées pendant lequel on peut dire qu’on préfèrerait ne jamais avoir vécu. Pas le genre de soirées pendant lequel on peut répondre « bof » quand on nous demande si ça va, ou même « ça va » mais sur le ton qui laisse entendre que bof. Alors je me prépare à mentir. À rire forcé. À me surveiller, ne pas avoir le regard qui va se perdre de la vide en suivant la pente naturelle de mon humeur. Et puis plus je vois des gens qui m’aiment s’inquiéter pour moi et plus je me déteste. D’un autre côté, si je veux m’en sortir, je suis supposé ne surtout pas m’isoler. Parler de mes soucis… Mais pas ce soir.
Ce soir, on mange des huîtres. Enfin, pas moi. Moi j’aime pas ça.