La fille
Nous sommes une foule à observer, hagards,
Cette fille en nuisette en ce matin de givre
Qui, d’arrière en avant, dodeline, comme ivre,
Sans que jamais ses yeux ne croisent nos regards.
Elle semble insensible à nos tendres égards ;
On l’appelle, espérant que nos voix la délivrent,
Que nos incantations lui rappellent de vivre
Malgré les mots amers de quelques sots languards.
Mais sa transe est profonde, elle s’est emmurée ;
Qu’importent les douceurs qui lui sont murmurées
Par les passants inquiets au visage livide.
D’un petit pas gracieux que les danseuses font,
Elle prend son élan et, tournée vers le vide,
Sans un regard pour nous, elle saute du pont.