On ne m’a jamais interviewé. Entretenu oui, mais interviewé jamais. Pas une seule fois un journaliste n’est venu, avec son micro ou son petit carnet, me faire parler de moi ou d’autre chose. Je n’y avais jamais pensé jusqu’à aujourd’hui, mas je dois avouer que cela me trouble.
Évidemment, je me doute qu’aucune personne sensée ne tomberait sur ce site sans me connaître d’abord. Je n’ai pas de statistiques, mais j’imagine que nous sommes à une visite tous les trois jours si l’on ne prend pas en compte celles de mon amie. Combien y a t’il de chances que cette personne tous les trois jours, donc, soit journaliste ? Pas beaucoup.
Mais même sans qu’on m’interroge sur l’ensemble pourtant riche et génial de mon œuvre, jamais aucun journaliste n’est venu non plus recueillir mes impressions, mon opinion, sur tel ou tel aspect de la vie, évènement, catastrophe…
Quoi alors, j’ai pas la tête à pouvoir parler des inondations, d’art contemporain, de la rénovation de ma rue, des déclarations du ministre, de la reformation de ce groupe de rap ou de la jeunesse que c’est plus ce que c’était ? Pourtant j’en connais, des amis, des oncles, des parentes éloignées, des copains d’une copine, qui sont passés à la télé, à la radio, à l’occasion d’un reportage ou d’un micro trottoir ! Et pas moi. Injustice.
Serait-ce parce que dès que je vois une caméra en ville, je passe illico dans son angle mort, sur l’autre trottoir ou dans une rue parallèle ? Ou parce que j’évite le regard des tendeuses de micro comme des distributeurs de prospectus ? Je veux bien que ça joue mais enfin…
Cela dit, en y réfléchissant, quand on me demande ce que je fais de ma vie, comme travail ou artistiquement, je me mets à balbutier, je baisse les yeux et je change de sujet très vite. Quand on me demande mon opinion, je réponds que je ne sais rien, ou alors quelque chose de très déprimant qui ne laisse que peu de place à l’espoir et à un quelconque développement.
Non, non, vous avez raison. En vérité, c’est très bien qu’on en m’ait jamais interviewé.