Écrivouille, dessinouille et musicouille depuis 198x
Auteur/autrice : Écrivouilleur
Écrivouilleur (ex-Montpelliérien, ex-Lyonniais). Je bave ce qui me vient, comme ça vient. Y en a à qui ça plaît, y en a à qui ça plaît pas. Qu'y peux-je ?
Pas besoin de cannabis quand on ne dort que trois heures par nuit. C’est la découverte que je viens de faire. Je me demande ce qui est le plus nocif pour la santé, mais comme je ne suis pas en état de réfléchir, je ne vais pas perdre de temps à essayer de trouver une réponse. En tout cas je sais lequel des deux procédés coûte le moins cher.
Ne pas dormir, la plupart du temps, c’est ennuyeux. Oui, mais ça c’est dans le cas où l’on voudrait bien fermer les yeux et se reposer. Ce n’était pas mon optique ce week-end. C’est que j’ai trouvé un nouveau joujou. Un nouveau joujou qui me motive à créationner comme ça faisait longtemps que je n’avais pas été motivé. Avec ça, je ne vois pas les heures passer, et comme mon amie n’est pas là, pourquoi donc est-ce que je me coucherai, hein ? Je n’embête personne en faisant mes machins toute la nuit. Je marche en chaussettes pour les voisins du dessous.
Quoi ? Vous voulez savoir ce que je fabrique? Ben non, je vous l’ai dit hier, je peux pas vous en parler, c’est top secret. Oh, rien de dangereux, rassurez-vous. C’est juste que j’ai pas envie d’en causer ici. Voilà ce que j’y gagne à compartimenter mes loisirs créatifs ainsi, à me choisir des identités distinctes pour chaque domaine et pour qu’aucune n’interfère avec l’autre, ou le moins possible. Je suis contraint à garder le silence. Tant pis. Tant pis pour vous surtout, qui vous tapez la note de blog la moins intéressante depuis la création de Montpelliérien. Moi, je m’amuse comme un petit fou. Je suis dans un état second addictif et sans additifs. Ça ne m’arrive pas souvent. J’adore.
Bon, sauf que là, d’écrire cette note de blog, ce qui ne m’enchante pas, ça me fait retomber complètement à plat, et ça c’est pas bon. Après une nuit de six heures en sandwich entre deux nuits de trois heures, j’aime autant vous dire qu’il me vaut mieux rester actif si je ne veux pas m’endormir sur mon clavier. C’est que je ne veux pas me pieuter avant 22h ce soir, histoire de reprendre un rythme à peu près normal pour la reste de la semaine. Cet état de défonce naturelle va me manquer.
Allez, débarrassons-nous de cette note de blog comme on se met à la vaisselle ; plus tôt se sera fait, moins on y pensera en se disant qu’il faut le faire. Ce matin je suis sorti acheter du tabac et une baguette. J’ai dit ce matin ? Je voulais dire à 13h. Ce matin j’ai dormi. Pas longtemps, en fait. Je me suis couché à 4h30 après avoir bossé sur un truc dont je peux pas vous parler (c’est dommage ça, hein, la seule chose qui aurait pu être intéressante). Hier, je vous l’ai dit, je m’étais levé à 5h30 du matin après une nuit de trois heures, ça fait donc très léger tout ça. On peut pas dire que je sois retapé. Le japonais ? J’ai lâché à 20h. J’ai pas fait les dix phrases, pour ceux et celles qui suivent, ça commençait à me rendre fou.
Donc, à 13h, je suis sorti m’acheter une baguette et du tabac, et je me suis pris un de ces coups de vent ! Nom de nom ! Sur le site de la météo il est écrit « rafales à 45 km/h », mais c’était au moins le double là. J’ai dû me pencher pour avancer pendant quelques secondes. Ou alors c’est bien 45 km/h et je suis tellement crevé que je n’arrive plus à avancer quand il y a un peu de vent. Mais je suis quand même né dans une région où le vent souffle fréquemment dans les 75 km/h et que les rafales qu’on craint un peu (mais sans plus) sont celles qui soufflent à 120 km/h, alors j’arrive à peu près à me faire une idée de ce que je reçois dans la gueule. J’ai une sorte d’anémomètre intégré, si vous voulez. Donc, deux solutions : soit je me suis acclimaté plus que je ne l’aurais aimé au pays lyonniais, soit météofrance dit des conneries. Je vous laisse choisir la réponse qui vous paraît la plus crédible.
« Bon, que vous vous dites, il nous parle de ses heures de lever, de coucher, de la météo, et puis quoi encore ? De ce qu’il a mangé ? » Des tartines de purée de cacahuètes avec de la confiture de framboise, merci d’avoir posé la question. Allez, plus sérieusement, puisque je ne peux pas vous parler de ce que j’ai fait d’intéressant hier et que j’ai dormi jusqu’à maintenant à part pour aller faire les courses et manger, je manque un peu d’inspiration… Ah ! Dans la rue où se trouvent les supermarchés et épiceries de produits asiatiques, ainsi que quelques autre commerces dans lesquels ont peut entendre des accents venant de diverses régions d’Asie, j’ai vu qu’on a installé des lampions de papier rouge entre les façades, à la manière de décorations de Noël. Je n’ai aucune idée du pourquoi. Je vais chercher ça et je reviens vous voir.
C’est fait. Comme on pouvait s’y attendre, le 5 février 2019 (du calendrier grégorien), ce sera le Nouvel An chinois (nónglì xīnnián) selon le calendrier chinois, de type luni-solaire, et donc également le Nouvel An vietnamien (Têt Nguyên Dán), qui se base sur le même calendrier. Une énigme de résolue. Pour celles et ceux qui voudraient participer à la petite fête, il y aura des animations dans le quartier de la Guillotière le dimanche 10 février, comme c’est expliqué sur ce site. Pourquoi le 10 février ? Parce que le Nouvel An chinois, qui se fête donc le premier jour du premier mois lunaire, ne fait que marquer le début de la fête du printemps qui s’achève le quinzième jour du premier mois lunaire (19 février du calendrier grégorien pour 2019) avec la bien connue fête des lanternes. On a donc tout le temps qu’il faut pour faire la nouba. Youpi.
Ouf, c’est bon, j’ai tapé un paragraphe de pas trop con. Je peux vous laisser en toute sérénité. À demain.
On va la faire courte. Hier, je n’ai pas réussi à trouver le sommeil avant au moins 2h du mat. Ce matin, je me suis levé à 5h30 car mon amie prenait le train pour Paris où elle va passer quelques jours. Je comptais me recoucher mais finalement non. À 10h, j’ai commencé à me plonger dans le japonais. J’ai trouvé un site sympa où je compte héberger mes musiques mais il me faut au moins écrire une courte description pour mon profil. Je n’en suis pas sorti depuis. J’ai réussi à écrire cinq phrases grammaticalement correctes. Enfin je crois. Sept heures, cinq phrases, c’est comme ça quand vous ne connaissez ni le vocabulaire qu’il vous faut, ni les règles de grammaire nécessaires à former des phrases un peu plus complexes que « Salut, ça biche ? Je suis Français, j’aime les croissants. » Je ne désespère cependant pas de savoir dire un jour « Qu’est-ce qu’elle est dure votre putain de langue ! » à la forme polie, en conjuguant putain bien comme il faut.
En attendant, vous comprenez que je ne suis pas bien frais. J’ai acheté du café soluble, ça m’aide à garder les yeux ouverts, et je n’ai pas pris de douche, ça… me garde au chaud ? Non, mais ça va, ça va… Je vais la prendre cette douche. De toute façon vous ne risquez aucun accident olfactif majeur de l’autre côté de l’écran, alors criez pas au scandale. Bon, où j’en étais ? Ah oui. Je vais pas rester plus longtemps ici. C’est que, d’une, j’ai les neurones trop englués les uns aux autres pour écrire une note de blog intéressante et, de deux, je compte en arriver à dix phrases avant minuit. Ça déconne pas hein ? Oui, je crois qu’il ne faut pas avoir peur de viser haut dans la vie.
Je vais pas vous la faire façon mauvais stand-up. Quoi que… Allez, si. Version mauvais stand-up : « On a tous vécu ça, le moment où on t’appelle par ton nom de famille et ton prénom… » *rires* « [imite un vieux professeur] M’Rabet Jérémie !! » *rires* « On sait que ça va chauffer pour notre cul quand ça commence comme ça. » *rires* *rires* (oui, deux fois, le comédien a dit « cul »). C’est presque aussi nul que ce genre de stand-up, de se moquer de ce genre de stand-up. C’est comme si je vous disais : on a tous vu, un jour, un comédien commencer ses phrases par « on a tous vu, un jour, … » Alors j’arrête là. Cela dit le comédien n’aurait pas tord. Quand une personne que vous avez l’habitude de côtoyer se met à vous appeler par votre nom de famille suivi de votre prénom, ça va généralement chauffer pour votre cul, ou c’est du second degré.
Pourtant, il y a pire. Être appelé·e uniquement par son prénom, mais par un·e parfait·e inconnu·e. C’est ce qui m’est arrivé aujourd’hui. Je vous l’ai dit, je suis bénévole dans une association quelques heures par semaine. Quand je ne suis pas occupé à récupérer des livres ou à les mettre en rayon, je les vends au profit de l’association. À ces moments, je suis donc derrière une caisse enregistreuse. Et je porte un petit badge de bénévole. Un petit badge avec mon prénom écrit dessus.
Eh bien ça n’a pas manqué. On m’a appelé par mon prénom. Aujourd’hui-même, encore une fois. Mon cerveau a mis un petit moment à connecter les deux neurones qu’il fallait l’un à l’autre. Quand j’ai entendu « Merci Enrico » (oui, oui, je vous ai avoué m’appeler Enrico dans cette note autobiographique certifiée 100% véridique), j’ai d’abord regardé à droite et à gauche pour voir qu’elle ancienne connaissance m’avait retrouvé ici, avant de comprendre que je portais le badge et que c’était la femme juste devant moi, de l’autre côté du comptoir, à qui je venais de donner son livre qui m’avait ainsi remercié. Un peu gêné, je lui ai répondu quelque chose du genre : « ah oui, j’oublie toujours. » On a un peu ri, puis elle s’est en allé. On ne peut pas dire que ça m’a franchement agacé. Elle était à peine plus âgée que moi, et son copain était juste à côté. Ils souriaient tous les deux de l’effet de sa petite blague et de ma réaction, mais c’était clairement pas méchant. Vraiment gentillet même. Et puis y a le cadre aussi, c’est une association. Ambiance décontractée, en tout cas au rayon des livres.
Toutefois, je l’ai dit, sur le coup je me suis senti gêné. Gêné de n’avoir pas compris qui m’appelait alors que la personne était juste devant moi, d’accord, mais aussi gêné tout court parce que je ne me suis jamais présenté à cette personne. Je porte le badge pour m’identifier en tant que bénévole, pas pour qu’on m’appelle par mon petit nom. On pourrait pas vraiment me qualifier de sauvage, mais je vouvoie beaucoup, par exemple. Le tutoiement ne m’est pas toujours naturel. J’aime garder une certaine distance avec les gens que je rencontre pour la première fois, et il me semble que ça se respecte. Vous même je vous vouvoie souvent, d’ailleurs.
Donc, comme je le disais, dans le cadre de l’association, fait sans mauvaise intention, c’est passé. Mais, quelques minutes plus tard, j’ai repensé à cet article lu je ne me souviens plus où sur le port de l’uniforme et du badge en entreprise, et tout particulièrement pour les caissières·caissiers. On pouvait y lire que le fait qu’un client vous appelle par votre prénom pouvait vite tourner au harcèlement. Déjà, par le port du badge, la relation devient asymétrique, l’autre connaît votre prénom, vous ne connaissez pas le sien. La plupart des clients·es qui s’en serviront le sentent bien. Que répondre à « Alors, Enrico, elles viennent ces frites ! » ? Rien, vous vous la bouclez. Allez pas risquer de l’appeler par un prénom au hasard, ça ferait mauvaise moquerie. Au mieux vous répondez « Tout de suite monsieur. » Si vous tenez à votre emploi, vous vous écrasez. Comment justifier de s’emporter, même si le manque de respect est flagrant, quand votre prénom figure sur votre badge. Ce serait même fait un peu pour ça, le badge. Bon et je ne parlerai même pas des tentatives de drague par des lourdingues, voire des cinglés·es, qui maintenant savent comment vous vous appelez. Une histoire à vous faire détester entendre votre prénom.
Bref, je ne porterai plus mon badge. J’aime pas bien ça. Au fond, se faire appeler par son prénom par des gens qu’on ne connaît pas est un peu l’équivalent de se faire appeler par son nom de famille et son prénom par des proches. Dans les deux cas, on peut s’imaginer que les minutes qui vont suivre seront à rajouter à la longue liste des vexations qui jalonnent l’histoire de nos interactions ratées avec d’autres membres de notre espèce.
Mais allez, ne nous quittons pas sur cette note un peu triste, rions plutôt un bon coup avec la condition des femmes. Deux vieilles publicités vues à l’association dans une revue de 1949. La première est un classique, la deuxième un régal de bon goût.
Il faut que je vous dise un truc. Non, vraiment. Il faut que je vous dise un truc mais je n’ai aucune idée de sujet pour aujourd’hui, ça m’exaspère. Mmm… Alors… Ah ! voilà : si on veut savoir d’où vient le vent, il suffit de fumer une cigarette et d’observer dans quel sens part la fumée quand on la recrache. Le vent vient alors du sens opposé à celui dans lequel s’en va la fumée. Malin, hein ? Me voilà rassuré, quoi que j’écrive ensuite, vous pourrez pas dire que vous êtes venu·e pour rien. Rassuré mais pas trop, car j’ai grillé une cartouche. Non, je ne viens pas de fumer dix paquets de cigarettes, je veux dire par là que c’était un truc que je gardais dans le coin de ma tête pour les jours où je n’aurais rien à raconter. Maintenant il va falloir que je recommence à réfléchir pour la prochaine fois. C’est que de bonnes idées comme ça on n’en a pas tous les quatre matins.
Hein ? Vous ne fumez pas ? Allons donc. Vous êtes de ces deux personnes sur trois ? À moins que vous ayez entre 18 et 34 ans, dans quel cas vous feriez partie de ces une personne sur deux qui ne fument pas ? Eh bien tant mieux pour vous. Cela dit, le jour où vous aurez un cancer des voies respiratoires vous passerez un sacré mauvais moment à vous demander d’où ça vient. Ne le prenez pas mal, c’est juste que ceux qui fument s’imposeront une question sans réponse de moins que vous, c’est tout. C’est comme ça, chacun fait ses choix dans la vie. Si vous développez un cancer du poumon, ce que je ne vous souhaite pas, vous ferez partie de ces un·e malade sur deux qui ne fumaient pas. Bon, là j’en inquiète vicieusement certains·es pour rien. Vous pourriez seulement faire partie de ces une personne sur dix qui n’ont jamais fumé. Vous êtes rassuré·e ? Pas vraiment hein. Ben non, je comprends bien. Je vous comprends d’autant mieux que je n’arrive pas à arrêter de fumer moi-même.
Bon, ben qu’est-ce que je voulez que je vous dise, hein ? Si vous préférez ne pas avoir de cancer au risque de n’être jamais capable de dire d’où vient le vent, ça vous regarde. Si au contraire, vous vous dites que, cancer ou non, la vie ne vaut d’être vécue sans pouvoir discerner le marin de la tramontane, c’est pareil, ça vous regarde. Moi, je propose des solutions comme ça, pratiques, accessible à tous et à toutes. Vous en faites ce que vous voulez. Prenez vos responsabilités un peu.
Je me suis remis à jouer à un petit jeu en ligne gratos depuis quelques semaines. Fractal, que ça s’appelle. Le principe de base est simple : le monde a pété, il n’en reste rien, juste quelques survivants·es et des épaves. Pas de règles, libre à vous de tenter de survivre ou pas dans ce monde ravagé. Il n’y a que des joueurs·ses. C’est-à-dire aucun personnage programmé, aucun scénario pré-établi non plus. C’est à vous et aux autres joueurs et joueuses de fabriquer l’histoire.
Comment ça se joue ? C’est du tour par tour, à raison de deux tours par semaine. À chaque tour vous pouvez vous déplacer d’un certain nombre de cases sur la carte constituée de… ben de cases, hexagonales. Vous avez également un jeton d’action principale à dépenser par tour, ainsi qu’un jeton d’action sociale. Comme dans beaucoup de jeux de rôle, votre personnage dispose de points de caractéristiques. Points de production d’eau, de nourriture, de matière, points d’artisanat, points d’exploitation. C’est à ça que peut vous servir votre jeton d’action principale par exemple, produire pour survivre. Mais il peut également vous servir à attaquer pour tuer, grâce aux points de combat, et voler des vivres sur un cadavre encore chaud, voire vous servir en chair directement, miam miam. Vous commencez le jeu avec quelques maigres réserves qui ne vous permettront pas de tenir bien longtemps, alors vous faites comme vous pouvez.
Le jeu ne dicte aucune voie à suivre, aucune morale. Vous pouvez tuer, voler, violer, réduire en esclavage les plus faibles que vous, consommer différentes drogues, baiser avec qui vous voulez de manières diverses et variées. Mais vous n’y êtes pas obligé·e. Vous pouvez tout aussi bien former un petit groupe de survivants·es si vous avez assez de points de commandement, ou en rejoindre un déjà créé sinon, et faire marcher la solidarité, l’entraide, la coopération, ou même fonder une communauté en dur à plusieurs si vous vous sentez les reins assez solides et disposez des ressources et des compétences nécessaires pour vous assurer de n’avoir pas simplement creusé une grande tombe collective. Si vous n’êtes pas prêts·es à tout pour survivre ou n’avez pas les moyens de le faire pacifiquement et que tuer, même en dernier recours, vous, jamais, vous pouvez très bien décider de vous laisser mourir plutôt que de vous livrer à des atrocités. Encore une fois, c’est vous qui choisissez.
Les actions possibles sont plus variées que celles que je viens de vous lister. Vous pourriez choisir de vous installer quelque part au bord de l’eau dans un nid presque douillet malgré les puces et la dysenterie, et vous mettre à fabriquer des barques pour gagner votre vie, car il est possible de développer, entre autres, une compétence de fabrication de barques. Bon, par contre pour les vendre à bon prix, voire ne pas vous les faire braquer, là, il n’y a pas de points de compétence qui tiennent, va falloir interagir avec les autres et vous montrer convaincant·e. Sinon, vous pourriez alternativement, et ce n’est encore qu’un exemple parmi une infinité de façons de jouer, choisir de mener la vie de cartographe et vous farcir toute la carte à arpenter pour découvrir les limites du monde connu, libre à vous. Ce n’est pas codé dans le jeu, cartographe, mais rien ne vous empêche de le faire. Vous pourriez le faire à pieds, à cheval, ou dans une vieille épave de caisse que vous auriez retapée si vous arrivez à trouver de l’essence (ça c’est codé), à poil ou armé·e jusqu’aux oreilles. Enfin, en vrai, je ne vous le conseille pas. Beaucoup l’on tenté, peu en sont revenus·es.
Mais la chose à savoir avant de se lancer, c’est que si vous ne faites pas vivre votre personnage par écrit, alors vous risquez fort de vous ennuyer. La moelle de ce jeu, c’est les interactions entre personnages sur les différents forums disponibles. Intrigues politiques, histoires d’amour et de haine (surtout), de confiances accordées puis trompées, simples conversations pour rompre la solitude par l’intermédiaire de vieilles radios encore opérantes (on fait, comme si, tout passe par le texte)… Tout est bon pour développer votre histoire, et donc l’histoire commune. Vous avez vu la capture d’écran que je vous ai mise plus haut ? Dites vous bien que l’immersion ne viendra pas des graphismes, ni des musiques puisqu’il n’y en a pas. Tout est dans votre personnage, ce que vous lui ferez faire et la façon dont vous raconterez ce que vous lui faites faire. Il y a les forums du jeu, les forums propres à chaque communauté, et maintenant les serveurs discords qui viennent s’ajouter à ça… autant de lieux d’écriture collaborative.
Donc jeu assez original, en français, gratuit, plein d’une ambiance entre grosses maraves et grosses marrades, le tout peuplé de joueuses et de joueurs qui se régalent d’écrire, de lire les histoires des autres et d’interagir entre elles·eux. Moi, tout ça me botte grave.
Attention : aujourd’hui, c’est long. Très long. Trop long.
Hier, je suis tombé sur le site d’un mec qui sortait tout juste de trois mois de ce qu’il a appelé sa « déconnexion ». Un gars qui lui aussi tient un blog, mais qui, lui, ne s’était jusque là jamais senti gêné semble-t-il de faire la publicité de ses articles sur les réseaux sociaux. Ayant pris conscience, à la suite de sa petite expérience, qu’il se sentait lui-même mieux sans la sollicitation constante des diverses notifications sous lesquelles on a tôt fait de se noyer lorsqu’on est abonné·e à ce type de services, il en vint à se poser la question de la présence soutenue de ses propres contenus sur ces plateformes et de l’effet négatif qu’elle pouvait potentiellement produire sur les autres utilisateurs·trices. N’ajoutait-il pas lui-même au brouhaha abrutissant dont il lui fut si plaisant de s’extraire un moment ?
À cette question, il semble qu’il réponde lui-même plutôt par l’affirmative. Face à cette problématique, il prend donc la décision de ne plus reposter ses anciens articles de multiples fois sur les réseaux les jours où il n’en écrit pas de nouveaux, de ne plus insérer de titres putàkliks en entête de ses liens, de ne plus forcément répondre aux commentaires intégrés sur ces plateformes, bref, de prendre des disposition visant à réduire sa contribution à la pollution informationnelle qui participe à notre besoin grandissant de stimulation constante, et donc à saboter notre capacité à porter longuement notre attention sur un sujet. Capacité nécessaire à une réflexion de qualité. Réflexion nécessaire à… hmm… Réflexion nécessaire afin de pas ne se rendre totalement esclave des injonctions à consommer du marketing, par exemple, ou à comprendre une situation donnée en prenant le temps d’en analyser les détails à tête reposée, plutôt que de balancer notre opinion telle qu’elle vient et, surtout, aussitôt qu’elle surgit de notre machine à réflexes idiots et idées prémâchées, ce qui est souvent dommageable à la société comme à l’individu, mais très profitable aux entreprises de réseaux sociaux, raison pour laquelle leurs systèmes sont finement réglés pour nous y pousser. Le blogueur en question propose également à ses lectrices·teurs de passer par les flux RSS pour consulter ses textes, c’est-à-dire par des marque-pages dynamiques dans son navigateur, ce qui permet d’être au courant des nouveautés sur des sites qu’on a soi-même soigneusement choisis, quand (et seulement quand) on décide de les consulter, sans être sollicité en cours de route par une multitude d’informations non désirées et de réclames.
Dans ses articles, il était également question d’ego. Être lu, ne pas l’être, voire, plus difficile à encaisser, ne plus l’être. Je me garderai bien de manipuler le terme d’ego, ayant très peu de connaissances en psychologie, mais comme je ne suis pas à une contradiction près, je vais tout de même me risquer à un peu de psychologie de comptoir. Je pense qu’on peut ici parler de :
désir d’être vu·e. Donc d’exister, car on n’existe pas seul dans le néant, ou alors on ne s’en rend pas compte. Comme disait Cavanna : « Pour savoir qu’on est Dieu, il faut être deux : Un qui est Dieu, et l’autre qui Lui dit : « Mon Dieu ». » Je pense que ça marche pour tout être capable de se penser.
désir d’être reconnu·e. Autrement dit de savoir qu’un·e autre que soi accorde de la valeur à notre travail. Avoir donc la sensation qu’on est accepté dans une sorte de groupe. Le sentiment, et semble-t-il le désir, d’appartenance étant fortement développé chez tout animal dit social.
besoin de rétroaction (feedback, chez les anglophones) ; lorsqu’on agit sur notre environnement, on attend une action de notre environnement en retour qui nous permet de nous assurer qu’on a bien agit sur lui. En l’absence d’un quelconque retour, on se désintéresse peu à peu, puis on cesse d’agir. Ce besoin de rétroaction est une préoccupation centrale dans la conception des réseaux sociaux ou des jeux vidéo. Ils permettent de garder l’utilisateur·trice engagé, comme on dit. Dans le cas des blogs : vues, likes, commentaires.
envie du toujours plus ou du pas moins. Car il me semble qu’on a toujours tendance à chercher à renforcer la sensation de plaisir qu’une action ou situation nous procure, ou du moins à vouloir la retrouver d’intensité égale à sa précédente manifestation.
Évidemment, tout cela a fortement fait écho en moi. Si vous avez lu les billets #039 et #040 vous savez que je me pose moi-même des questions assez proches thématiquement parlant.
La publicité me faisant depuis très longtemps l’effet d’un gros mollard bien vert craché en pleine gueule de la raison, d’une tentative de kidnapping de notre aspiration au bonheur en vue d’une rançon bien juteuse mais jamais satisfaite de la part de diverses industries canailles assoiffées de pognon, je me surveille énormément pour être bien sûr de ne pas reproduire ces techniques manipulatoires et intrusives afin de promouvoir mes gribouillis, écrivouillures et musicouilles. Que fais-je donc, vous demandez-vous, pour indiquer que je viens de fabriquer ceci ou cela ? Durant quelques années, j’ai posté des liens sur gazouilleur accompagnés d’une petite phrase pleine d’auto-dénigrement. Comme pour dire c’est là, mais franchement, moi je serais vous, je n’irai que si j’ai vraiment du temps à perdre. Cela dit c’était déjà trop pour ma conscience fragile. J’ai plusieurs fois arrêté et repris cette manière de faire. Aujourd’hui ? Eh bien… je ne fais rien. Je me contente de poser ça quelque part sur l’internet et d’attendre bien sagement que quelqu’un y tombe dessus. Tout autre démarche me paraît trop radicalement prosélyte, me donne l’impression de me transformer moi-même en marque, en produit de consommation, et en publicitaire. Dans ces conditions, vous vous en doutez bien, personne ne voit ce que je trafficote. Alors je continue à rêver du hasard qui fait que qui a des angoisses et des joies qui convergent finissent pas se trouver, du bouche à oreille, des abonnements au flux RSS de la part de ceux et celles qui ont accroché, et des petits réseaux non-centralisés entre fabricoteurs·euses de machins qui apprécient chacun·e le travail de l’autre.
Lorsque je tenais mon blog BD, entre 2007 et 2009, mes amis·es venaient d’eux·elles-mêmes consulter ce que je faisais tous les jours et commenter, et, entre blogueuses et blogueurs, on se suivait les uns·es les autres. Aujourd’hui, tout ça est bien fini. Trombinoscope a sans doute sa part de responsabilité dans l’affaire, et la nature humaine, main dans la main avec la culture marchande, a dû faire le reste. Deux réflexions, rapport à ça et aux différents désirs cités plus haut.
La première, c’est que j’ai personnellement toujours été assez attentif à ce que faisaient mes amis et amies, en matière de créativité. Je trouve fascinant que des personnes proches de moi fassent de la musique, dessinent, prennent des photos, filment, montent, jouent ou écrivent. J’aime les voir développer leurs techniques, évoluer dans leurs réflexions, leurs styles, leurs obsessions, leurs goûts, leur petite musique intérieure, leur pagaille et leurs tentatives de canaliser ça. Ça me file la pêche, ça me donne moi-même envie de fabriquer, ça me fait rêver à des projets communs dingues et pleins de fantaisie et d’inventivité, et de rires, et de discussions, et de rapports humains chaleureux et… et… je sais pas. Ça crée en moi un fabuleux bouillonnement d’envies et d’espoirs. J’aime encourager, porter de l’attention à ça. Pour moi, c’est là qu’est la vie, et c’était également comme ça que j’imaginais pouvoir organiquement montrer et voir sans imposer.
Hélas, j’ai tôt dû me rendre à l’évidence : cet engouement pour l’art brut, ou en amateur disons, et de proximité, n’est pas franchement partagé par le plus grand nombre. J’ai la triste impression, sans doute faussée par ma frustration, que si ça ne ressemble pas à du déjà connu, si ça n’est pas bien empaqueté par des pros du marketing, si ça n’est pas déjà valorisé par un assez grand nombre d’individus, si ça n’est pas vu dans les endroits où il faut être vu, la bonne vitrine du magasin qu’il faut, personne ne semble avoir la curiosité de venir voir de plus près ou de s’attarder sur vos créations de non-professionnel·le, même pas les amis·es proches. Dans mon entourage, par exemple, je connais une personne qui partage vraiment cet amour de l’artisanal de proximité, mon ami Feldo. C’est d’ailleurs, depuis la reprise du blog à Lyon, la seule personne présente dans les commentaires, à tel point que je pense parfois arrêter le blog et simplement lui écrire un e-mail par jour. J’exagère, mais c’est la personne qui a nourri avec le plus de constance cette envie, au fond un peu déçue, de continuer à fabriquer des machins, en portant de l’attention aux choses que fabriquaient les gens qui l’entourent, dont moi. Le fait qu’il n’y ait, parmi tous les gens que je côtoie, que lui dans lequel je reconnaisse vraiment cette façon d’entretenir la petite flamme, la petite envie de faire chez l’autre en y accordant tout simplement un peu d’attention, me fait dire que c’est une chose assez rare.
Mais c’est ainsi, il faut bien accepter cet état de fait, sans quoi on se met à en vouloir à son entourage, et ce n’est franchement pas cool pour eux. Je le dis d’autant plus honnêtement et honteusement que ça m’est arrivé par périodes, et que j’en ai encore parfois de petits relents de rancune injustifiés (sinon j’en parlerai sans doute pas ici). C’est que vraiment j’en ai rêvé très fort, de cette émulation créative et collective entre amis et -mies, et je mettrai certainement un petit moment à me défaire totalement de cette chimère. Voilà peut-être également une des raisons pour lesquelles les créationneuses et -neurs se tournent majoritairement vers les réseaux sociaux pour promouvoir leurs œuvres, ne trouvant pas public dans leur entourage proche. Après tout, quand on ne naît pas dans un milieu artistique, ça n’a rien d’étonnant.
La deuxième chose, c’est que ce réseau de blogueurs et de blogueuses qui se suivaient les uns·es les autres avait déjà certains défauts des réseaux actuels, mais il avait l’avantage de n’être pas centralisé. Les défauts ? D’un, la fauxculssité. Je commente chez toi pour attirer des gens chez moi, même si ce que tu fais, au pire me déplaît, au mieux m’ennuie profondément. De la publicité déguisée. Aujourd’hui, ça arrive sans doute encore mais les blogs non-présents sur les grosses plateformes de réseaux sociaux ne marchant pas des masses, les assoiffés·es de vues en déficit d’intégrité se sont déportés·es sur trombinoscope, gazouilleur et consorts. Beaucoup d’interactions remarquées sur gazouilleur me font penser à ça, et même les bots s’y sont mis aussi pour vous attirer vers des nids à malwares, sur nuagedeson notamment. Heureusement, tout le monde n’était pas malhonnête, et chacun·e avait d’ailleurs, sur son propre site, sa colonne de liens vers les blogs de celles et de ceux qu’il ou qu’elle appréciait vraiment. Bien que cette colonne ne soit pas expurgée de toute intrigue politique. De deux, on n’arrivait pas forcément à attirer grand monde d’autre que des blogueuses et des blogueurs, excepté pour ceux et celles qui étaient déjà connus·es avant leur blog, et des quelques génies qui ne manquèrent pas de se professionnaliser très vite. Mais, les blogueurs et blogueuses, c’était un vrai public ! Et un public de fabriqueurs et -queuses aussi, donc, de gens avec qui on pouvait, au moins théoriquement, partager beaucoup. On était donc 1) vu·e, et 2) reconnu·e par des pairs.
Pour ce qui est de l’avantage majeur de ne pas avoir un réseau centralisé sur une seule plateforme hyper-populaire, c’est que ça n’invisibilisait pas tous ceux et toutes celles qui ne se trouvaient pas sur cette plateforme. On avait alors encore l’habitude de voguer de lien en lien, et ainsi on se donnait plus de chances de tomber sur n’importe qui et n’importe quoi, du point de vue du public. Du point de vue des auteurs et autrices, on avait quand même un poil plus de chance de faire découvrir ses travaux. Aujourd’hui, que ce soit pour faire voir vos œuvres ou pour organiser des évènements, si vous n’êtes pas sur trombinoscope ou toitélé, vous n’êtes nulle part. Et ça, ça me chagrine un peu.
Bon. Je commence à fatiguer un peu d’écrire là, je vais bâcler. Je voulais reprendre point par point les désirs et besoins que j’avais catégorisés plus haut et les mettre en rapport avec la façon de les retrouver satisfaits sur les réseaux sociaux, et comment aujourd’hui un blog, sans passer par un réseau social, ne peut, lui, que très mal les satisfaire. Mais je sature. Alors, gloubi-boulga :
Quand tout roule, on ne se pose pas de questions. Je veux dire que quand nos désirs d’être vu·e, reconnu·e, nos besoins de rétroaction et de toujours-plus-ou-pas-moins sont satisfaits, on n’a pas besoin de remettre en question l’intérêt ou l’objectif de nos actions. On nage dans le sens du courant, qu’importe où il nous mène, on y est bien. Par contre, quand vous passez des heures de votre vie à fabriquer des choses sans jamais avoir un retour, ou trop peu à votre goût, alors viennent frapper à votre porte tout un tas de points d’interrogation. Pourquoi je me casse le cul à faire ça ? Pour moi ? Oui mais, pour moi et c’est tout ? Pourquoi je le publie quelque part alors ? Pourquoi est-ce que ça me déçoit toujours un peu quand personne n’est venu y jeter un coup d’œil ? Pourquoi si peu ? Pourquoi aucune réaction malgré toutes ces vues ? C’est si nul que ça ? C’est moi qui comprends rien, ou c’est les autres qui ne peuvent ou ne veulent pas comprendre ? Qu’est-ce que je pourrais faire pour changer ça ? Est-ce que ce serait bien moral de faire de la pub alors que moi ça m’agresse ? Est-ce que ça vaudrait bien le coup de dépenser de l’énergie à ça ? Est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux faire autre chose ? Et pourquoi je veux que ça soit vu ? Pourquoi j’aimerais être reconnu comme quelqu’un qui fait des trucs cools ? Pourquoi si c’est lui qui me reconnait je m’en fous et si c’est elle ça me plait ? Par qui je veux être reconnu ? Qu’est-ce que ça peut me foutre au fond qu’on me reconnaisse alors que je prends des pseudos exprès pour qu’on sache pas qui je suis ? Dix vues et ça me suffit pas ? Et un like, c’est mieux ? Des commentaires, ça ce serait chouette ! Mais si c’est des insultes ? Je cherche vraiment tant l’interaction que ça alors que dans la vie hors-écran je la fuis plutôt ?
Toussa toussa…
Bon je vous rassure : tout ça ne m’atteint pas autant que ce que vous pourriez le penser. Après plus de deux cent billets quotidiens si l’on comptabilise Montpelliérien et Lyonniais ensemble, et une cinquantaine de textes sur quelques autres blogs anonymes, à m’adresser à un lectorat quasi-inexistant, après douze années et quelque deux cent morceaux de musique postés anonymement et (presque) sans publicité dans les recoins les plus sombres du net, plus les dessins, textes et jeux jamais publiés nulle part, si je n’y trouvais pas une quelconque satisfaction, j’aurais déjà abandonné tout ça définitivement depuis longtemps. Donc, je m’y retrouve d’une manière que j’ai moi-même du mal à analyser.
En tout cas, le fait de ne pas passer par les réseaux les plus empruntés, et, du coup, l’absence quasi-totale de retours, ou de succès, appelez ça comme vous voulez, amène à se poser de bonnes questions pour qui a envie de se connaître un peu mieux. Je pense que, de toute façon, dès qu’on est dans le créatif, l’artistique ou le divertissement (pareil, appelez ça comme vous voulez), on est un jour ou l’autre amené·e à douter de l’intérêt de ce qu’on fait et à se questionner sur les bienfaits réels des compromis qu’on a accepté de faire pour atteindre son but. Et ce but ? Lequel est-il d’abord ? Hein ? Hmm… Méditons.
On s’anonymise, on s’anonymise, et l’humanité s’y perd. Des noms sans histoires, des histoires sans noms, c’est ce qu’internet a fait de nous. Alors voilà, aujourd’hui, je vous dis tout. Des révélations que beaucoup attendaient. Je vais enfin dévoiler ma véritable identité. Bas les masques et fini les pseudos.
Je m’appelle Enrico et je suis né en 1789 dans le port de Whangaroa, en Nouvelle-Zélande. Fils d’une pêcheuse naturellement recouverte de laine des pieds à la tête et d’un berger aux pieds palmés et muni de branchies, je naquis fort laid. Aussi, mes parents ne prirent pas le temps de me baptiser et me rejetèrent à l’eau aussitôt sorti de la matrice de ma mère. Ils auraient très bien pu me rejeter aux pâturages sans que je m’en porte plus mal car —et ça beaucoup l’ignorent— je suis amphibie, mais il aurait alors fallu que je sorte plutôt de la patrice de mon père quand lui était au travail. Or, c’était ma mère qui travaillait à ce moment-là, mon père vivant de l’argent que l’assurance lui versait pour compenser la perte de ses bêtes qu’il allait dévorer chaque soir à la nuit tombée quand personne ne regardait afin de survivre, car l’assurance ne lui versait pas assez de sous pour qu’il puisse se nourrir décemment.
Très tôt, j’ai donc dû apprendre à distinguer les poissons des mammifères marins, ce qui me permit, outre le fait de briller auprès de mes camarades de classe lorsque je réussis à me faire scolariser malgré ma forte odeur d’iode, de naviguer à dos de baleines à bosse —qui sont un peu les dromadaires des océans— et non à dos d’espadons —qui sont en quelque sorte les Cyrano de Bergerac des mers, ils ne parlent qu’en alexandrin, c’est très agaçant—. C’est ainsi qu’en 1848 je fus repêché par un baleinier japonais, non loin des côtes angolaises. Le monde est petit. Un colon Français qui passait par là, me prenant pour un raisin sec tant ma peau était fripée d’être resté des années sous l’eau, décida de me ramener à la métropole pour me vendre au marché des Arceaux, à Montpellier, sur son stand de fruits secs et à coque qu’il tenait tous les mardis et samedis matins. Ne sachant trop quel argument lui opposer, tant il était vrai que je ressemblait à un raisin sec, ou tout au mieux à une datte, j’acceptais sans faire de manière de m’y laisser vendre.
Ce colon, qui ne s’appelait pas Christophe, me vendit donc à un certain Francisque, Collomb de son nom. Ce dernier, las d’attendre sa propre naissance en 1910 et son élection comme maire de Lyon en 1976, avait décidé de passer ses vacances dans le sud. Aussitôt m’avait-il acheté qu’il me glissa dans sa poche, pensant me réserver pour le dessert du pique-nique qu’il comptait bien se taper sur le sable après une bonne baignade dans les eaux de Palavas, mais, hélas, il m’oublia là durant d’interminables années. Ce n’est que très récemment, bien après sa mort, lorsqu’un autre Collomb, Gérard, lui, passa l’habit officiel de maire et mit les mains dans ses poches alors qu’il s’ennuyait à l’inauguration d’une quelconque salle des fêtes, que je fus retrouvé. « Qu’est-ce que c’est que cette dégueulasserie ? l’entendis-je vociférer, le maire, allez, jetez-moi ça dans le 7ème, c’est tout ce que ça mérite. » Deux grands gardes du corps se saisirent alors de moi et me balancèrent par dessus le pont de la Guillotière. Heureusement, je suis amphibie, je vous l’ai dit, et je pus donc facilement me hisser sur les berges, aidé par quelques étudiants qui y buvaient des bières un samedi soir. Et me voici, aujourd’hui, à vous raconter ma vie depuis mon petit studio au bord du Rhône.
Je sais, on est rentré dans le très intime, mais c’était le jeu. Maintenant vous me connaissez un peu mieux, vous saisissez sans doute également un peu mieux mes coups de gueule et mes passions en sachant par quoi j’en suis passé. J’espère que tout cela aura permis de créer un lien d’humain·e à humain, de lectrice-lecteur à écrivouilleur, entre vous et moi. Car c’est de ça, au fond, qu’on a le plus besoin : s’ouvrir les uns·es aux autres en toute honnêteté.
Les uns·es ont commencé, les autres ont suivi. À moins qu’ils ou elles se soient concertés·es, mais franchement ça m’étonnerait. En tout cas les premiers·ères ont bien dû s’apercevoir que les autres les avaient copiés·es à un moment. Ça la fout mal. Je ne sais pas qui s’est lancé d’abord, mais c’est allé très vite. Les suiveurs·ses ont certainement eu un peu honte. Je les imagine : « -T’as vu ça ? Il nous faut la même chose, c’est super ingénieux. -Oui, mais on va quand même pas les copier juste après ! Ça fait un peu con tu trouves pas ? -Et toi, t’as pas l’air un peu con à t’occuper de ce que vont penser les autres ? En tout cas, le rebord de leur fenêtre est impeccable. » Ou alors, peut-être que ça a donné quelque chose du genre : « -Oh non, c’est pas vrai ! Viens voir. – Quoi ? Ah, mais je t’avais dit de le faire y a une semaine déjà ! Maintenant si on fait la même chose on va passer pour des cons. -Pas question que j’abandonne. C’était notre idée en premier. » Quoi qu’il en soit, de part et d’autre de la cour intérieure, séparés d’une centaine de mètres, des CD, suspendus à des ficelles, volètent maintenant tranquillement à la fenêtre des deux appartements qui se font face. Stratagème pour éloigner les pigeons sans doute. Nous, à équidistance des deux, on n’a pas de pigeons. Pourtant on n’a pas attaché de CD à notre fenêtre, on a même un bon espace sur le rebord et des cadres métalliques pour mettre des pots de fleurs, ce serait parfait pour eux. Mais ils viennent pas. Par contre maintenant j’ai deux fois plus de flashs éblouissants quand j’y fume ma clope, à la fenêtre. Je me demande de quels CD il s’agit. CD audio genre vieux single de Zebda ou d’Eiffel 65 ? CD-ROM du genre Adi : Français Maths 6e ou Versailles 1685 ? J’irai pas leur demander. Finalement, les CD, aujourd’hui, c’est sans doute encore à ça qu’ils sont le plus utile.
J’ai des yeux de gobi, comme on dit dans le coin où je suis né. Mais j’aurais tout aussi bien pu écrire que j’ai des yeux en couilles d’hirondelle, ce qui revient au même. C’est qu’il y a de belles expressions comme ça dans le sud. Bon, mais pour que tout le monde comprenne bien : j’ai les yeux éclatés, gonflés. Je suis crevé, le dos brisé, le cul qui me fait mal d’être resté collé à ma chaise devant mon ordinateur. Pourquoi ? Ben parce que j’ai changé d’adresse e-mail, pardi. Comme je vous l’ai dit hier, fini toitélé, mais fini gcourrier également. J’ai donc passé la journée à changer mes mots de passe sur tous les sites que je fréquente pour être sûr de ne pas être bloqué, puis j’ai ensuite modifié l’adresse e-mail avec laquelle j’y suis inscrit, sur ces sites. Trente-sept sites, en tout. Ouais, ça m’a pris un bon moment. J’ai également sauvegardé tous mes e-mails depuis 2013 sur mon disque dur. Pour quatre adresses différentes. Et j’ai recopié à la main les adresses et les noms de toutes mes connaissances vers mon nouveau carnet de contact. Ça m’a pris neuf heures en tout. Une vraie journée de travail. J’attends simplement la confirmation de changement d’e-mail de ma banque pour pouvoir supprimer mon adresse principale comme j’ai supprimé les trois autres. Là je vais manger, je finirai ma journée en envoyant mes nouvelles coordonnées à tous mes amis. Je ne m’attarde donc pas plus ici. Mon nouveau fournisseur d’e-mail ? Posteo. Ah oui, c’est de la pub et je déteste la pub, mais bon, je vous l’ai dit, je suis inconséquent. Allez, à demain.