#263 – L’ordre ou la paix ?

Combien d’années que je n’ai pas quitté le pays ? Ça commence à faire. La dernière fois c’était en octobre 2009. Je partais pour neuf mois en Angleterre. Études. Erasmus. Alcoolisme. La totale. Bientôt dix ans, donc. Cette fois ce sera pour une durée bien plus brève. On part pour une vingtaine de jours en République Tchèque. Vacances. Visite à la belle-mère. Sobriété.

Enfin. Sobriété… Va quand même bien falloir que je m’en fasse couler une, de ces fameuses bières tchèques. Pas mourir idiot. Et puis nous avons des amis qui nous rejoignent là-bas et qui vont faire la gueule si je ne trinque pas au moins un coup avec eux. Hein que vous allez faire la gueule ? Bon.

Nous partons demain soir. Dix-huit heures de bus avec escale à Munich.


Mais c’est pas de ça qu’on va causer aujourd’hui. Non. On va causer du nom donné à la nouvelle ère du Japon qui devrait s’ouvrir le 1er mai prochain, date à laquelle le futur empereur (Naruhito), fils de celui qui abdiquera la veille (Akihito), montera sur le trône. Selon les lois japonaises actuelles : un nouvel empereur, un nouveau nom d’ère. Je vais pas vous la jouer Stéphane Berne, hein, les dynasties, les empereurs… je m’en tape. Je passe donc sur les détails-pourquoi-comment de la transmission de pouvoir, du rôle et du symbole de l’empereur au Japon.

Alors quoi ? Ben il se trouve que le prochain nom d’ère a été révélé aujourd’hui même :

令和

Reiwa, ça s’écrira officiellement par chez nous, et ça peut vouloir dire plusieurs choses.

Vous le savez peut-être, les Japonais utilisent dans leur système d’écriture, entre autres, des idéogrammes chinois (parfois un poil modifiés) qu’on appelle kanji sur le petit archipel. Ce nouveau nom est composé de deux kanji : 令 et 和.

Selon le mot dans lequel il se trouve, ou s’il est isolé, un kanji peut se prononcer de différentes manières et porter différents sens. Pour fabriquer ce mot, reiwa, les experts chargés de trouver le nouveau nom d’ère sont allés à la pêche aux kanji à deux endroits différents du manyōshū, la plus ancienne anthologie de poésie japonaise compilée autour de 760 après le crucifié le plus célèbre de l’histoire.

Ils ont donc choisi :

  • 令, à prononcer « rei » (le « i » marque juste l’allongement du « e » qui se prononce « é », prononcez donc plutôt « réé »), pour signifier « bon, bien, beau, belle » à un endroit de l’anthologie où il apparaissait dans le mot reigetsu : « de bonne augure »
  • 和, à prononcer « wa », pour signifier « harmonie, paix », de la phrase kaze yawagaru (yawagaru, autre prononciation possible de ce kanji) : « un vent paisible »

Les critères pour la sélection de ce nouveau nom étaient au nombre de six :

  • signification porteuse d’un idéal approprié pour public Japonais
  • composé de deux kanji
  • facile à écrire
  • facile à lire
  • jamais utilisé comme nom d’ère ou nom posthume d’empereur
  • ne pas être un mot utilisé dans le langage courant

On peut noter également que pour la première fois de l’histoire les deux kanji ont pour source un texte japonais et non chinois. De quoi faire se tripoter la nouille aux patriotes de l’archipel un petit moment. Certains suspectent ce choix d’avoir été effectué pour prendre en compte la montée de l’hostilité des Japonais à l’égard de la Chine. En vérité, on n’en sait rien. Remarquez, on le saura peut-être un jour si ce n’est pas coupé au montage, car il paraît que tout le processus de sélection du nom a été filmé pour la postérité. Grande première également. Champagne !

En français, donc, la traduction la plus élégante serait sans doute :

« belle harmonie »

Seulement.

Seulement les kanji sont farceurs. Prononciation mise à part, ne gardons que les idéogrammes. 令 peut signifier « ordre » ou « ordonner » ou encore « règle, loi » et 和 peut signifier « japonais, à la manière japonaise. »

Alors, « belle harmonie » ou « l’ordre à la japonaise » ? L’avenir le dira.

Takamura Kaoru, célèbre romancier, craint par exemple que le nom ne soit interprété comme « contrôler le peuple pour harmoniser », rapporte le Mainichi.

Une typographie bien choisie peut vous aider à clarifier votre interprétation du mot Reiwa.

La population japonaise a quand même l’air d’accueillir le nouveau nom sereinement ou de juste s’en foutre.

C’est-à-dire qu’à quoi sert-il, ce nom d’ère ? Pas grand chose en vérité. Calendrier pour paperasse officielle et amoureux·ses des vieilles traditions. Selon ce système de datation nous sommes actuellement en l’an 31 de l’ère Heisei. Et si tout roule selon le plan, au 1er mai 2019, le Japon entrera dans l’an 1 de l’ère Reiwa. Dans un autre article du même journal, on apprend que seulement 34% des personnes interrogées par le quotidien déclarent préférer le système des ères au calendrier occidental.

Tout ça valait bien la peine.

Allez, à bientôt.

mise-à-jour 02/04/2019 : au vu des questionnements suscités par le nouveau nom d’ère, le gouvernement japonais vient d’annoncer que la traduction officielle en anglais de reiwa était : « beautiful harmony ».

#262 – Le cahier de la mort

Avant-hier, alors que je bénévolais tranquillou pour l’asso dont je vous causais dans cet article, voilà que je suis tombé sur un curieux cahier. J’étais en train de vider les caisses que l’on prépare à l’atelier pour mettre tout le fourbi qu’elles contenaient en rayon. Remplies à craquer d’articles de papeterie, les cagettes-plastique. Feutres à 1€ la trentaine, stylos à 0,50€ pour le même nombre, classeurs, carnets, cahiers à 0,50€ ou 1€ l’unité selon la qualité… Je triais donc tout ça et le déposais dans la bonne étagère, quand, au milieu de ce bordel, un cahier tout noir me chope l’œil.

Ouais, ouais.

« Oh putain ! » que je me dis. Oui, je suis assez aride en vocabulaire sous le coup de la surprise et les grossièretés moralo-sexistes bien franchouillardes m’échappent encore malheureusement assez vite. J’y travaille, mais enfin, c’est des choses incrustées depuis l’enfance. Bon, combien qu’il coûte ? 1€ ? Pas cheros. Je prends, par curiosité.

Pour ceux et celles qui ne connaitraient pas, j’essplique : un Death Note est un cahier d’un genre un peu spécial. Inscrivez le nom d’une personne sur l’une de ses pages type papier-lettre, visualisez bien son visage dans votre petite caboche meurtrière, et la personne clabote d’un arrêt cardiaque dans les 40 secondes qui suivent si vous n’avez pas été assez pervers·e pour spécifier la cause et l’heure du trépas programmé. En gros. C’est tout le concept du manga du même nom (by le mystérieux Ōba Tsugumi au scénar et le fameux Obata Takeshi au dessin). Je vais pas vous décrire tout ça méticuleusement. C’est paru il y a 16 ans déjà, facile à trouver et sans doute à bon prix. Si ça vous intéresse je vous conseille la version manga, c’est assez long et rébarbatif passé le premier quart, mais l’animé est pire et toutes les adaptations filmiques sont absolument mauvaises. Je vous pousse pas à l’achat, les divers wiki de fans consacrés à vous narrent l’intrigue dans le détail.

Enfin bref. Ayant lu ce manga, justement, je ne pouvais pas moi-même ne pas me questionner sur l’utilisation que je ferais d’un tel objet si je mettais un jour la main dessus ? Un vrai, hein. Propriétés magiques et tout le bazar. Sans doute n’oserais-je pas écrire le moindre nom. Un tel pouvoir, ça doit faire gamberger sévère, détruire une vie, la sienne, en plus de celles des malheureuses et ·reux que vous avez pris·es en grippe. Qui tuez-vous ? Hein ? D’un simple coup de bic, à distance, bien planqué·e. Un dictateur sanguinaire ? Et si celui·celle qui le remplace est pire, vous recommencez ? Combien de temps ça va durer ? Peut-on s’arrêter une fois qu’on a commencé ? Serait-ce-t-y pas vous qu’êtes rendu·e sanguinaire autocrate en fin de compte ? Dissertez.

Bon, j’ai de la chance. Ce n’était pas un vrai. Ai-je inscrit un nom et constaté qu’on n’annonçait nulle part sur les réseaux, pourtant prompts à colporter les détails scabreux de l’existence, que ladite personne avait calanché ? Non. Pas si gogo, je suis. Et quand bien même j’aurais été un demeuré total, les différents logos de la série présents à chaque coin de page, les noms déjà inscrits à l’intérieur, ceux que le personnage principal de l’histoire originale est supposé avoir notés, typographiés, m’auraient aiguillé quant à la nature merchand-merdeuse du machin. Machin de bonne facture tout de même, faut l’avouer. Y a des clairefontaine autrement plus minables. Autre détail, et c’est ce qui me fait vous en causer aujourd’hui : j’ai remarqué que les textes, typographiés dans une police imitation écriture manuscrite, n’étaient pas écrits en japonais, mais en chinois.

Ouép, c’est du chinois.

Cherche une explication à ça CanardCanardVa, cherche. Trouve. Voilà qu’en 2005, deux ans après son lancement, un certain engouement pour la série s’est développé en Chine chez les écoliers·lières et collégiens·giennes. La mode prit alors d’avoir chacun·e son Death Note. Pas forcément manufacturé comme celui que j’ai trouvé. À tel point que dans certaines écoles de Shenyang on a fini par interdire l’usage de tout cahier type papier à lettre. Lorsque les enfants avaient fini leurs devoirs, certains s’amusaient paraît-l à inscrire les noms des profs qui leur hérissaient le poil. Enfin, le duvet, à cet âge-là.

Bien malin, un fabricant de jouets et outils s’est mis à en produire et à les distribuer à grande échelle dans les environs de Shenzhen. Le 20 mars 2007, un article de presse rapportait la présence de cahiers de la mort dans les écoles et les chaumières. Le 22 mars, 187 Death Notes avaient été confisqués dans les magasins de jouets et de fournitures scolaires. Le bureau administratif chargé de superviser le marché culturel déclare les Death Notes illégaux et les font interdire à la vente. Prétexte ? Outre les plaintes alarmées des parents qui retrouvent jusque sous les oreillers de leurs enfants de tels cahiers, aucune mention légale ni information quant au fabricant ne sont visibles sur l’objet. Pas un ISBN, pas un code barre, pas une adresse, pas un nom, rien. Illégal donc. Pratique.

Dans les boutiques du coin, on constate que cette mode a fait grimper les ventes de carnets en tous genres comme le mercure sous verre au cul de l’enfiévré·e. Les mômes ont-elles et -ils pris goût à fomenter les pulsions assassines qui sommeillent en chaque être ? Sans doute pas. La plupart n’écrivaient apparemment rien là-dedans, le gardaient comme un objet collector. Se pavanaient avec. Leur donnait l’air cool. L’air aussi de petits moutons facilement manipulables par les marchands sachant marchander sans chiens de berger, mais, ça, ne s’en rendront compte qu’avec le recul, dans quelques années. Sans doute comme moi se posaient-ils la question : qu’est-ce que j’en ferais si c’était un vrai ? Mais c’était pas des vrais. Jeunes, d’accord, mais pas plus abrutis·es que leurs vieux. Moins, peut-être, au vu de la réaction disproportionnée desdits adultes. Les ado arborant aujourd’hui fièrement leur cape attaque des titans seraient-ils prêts à se sacrifier au combat comme en 14-18 pour la défense d’un territoire si la guerre éclatait ? Revêtir la cape aiguise-t-il leurs penchants nationalo-patriotiques ? J’ose espérer que non et je ne le pense franchement pas. D’autant que les capes, pour le combat, c’est clairement pas la bonne idée. Un coup à s’étrangler sans l’aide de personne dans un mouvement de fuite.

La seconde question que je me pose maintenant c’est : mais qu’est-ce que je vais foutre de ça ? Comme si j’avais pas assez de conneries entassées dans ce minuscule 20 m2 qui nous sert de logement à mon amie et moi, et dont nous allons sans doute déménager très bientôt… Troisième question : Lyon compte une forte population sinophone, est-ce que je ne laisserais pas malencontreusement tomber le Death Note, mine de pas m’en apercevoir, devant la première personne de moins de 20 ans causant l’une des treize langues et dialectes de Chine ? Mmm… Honnêtement, je préfère me perdre en rêveries à ce sujet plutôt que de me demander qui j’aimerai bien zigouiller d’un coup de feutre.

Allez, à bientôt.

Ah oui, pardon. Les sources : ici et .


#258 – Lyonniais #083 – L’établissement de nationalité, ça n’est pas une science exacte.

C’est fou ce qu’il y a comme migrants, hein ? Ils sont partout. Sur terre, en mer, dans les champs, dans les rues, à la télé, dans les journaux, et jusque dans ma famille. Ben oui.

Ce matin, mon amie et moi avons raccompagné mes parents à la gare, et en buvant notre café à la brasserie du coin, j’ai pu apprendre, grâce aux questions posées par mon amie, un peu l’histoire de ma famille. Ouais, comme je vous disais quelques articles auparavant, la communication entre mes parents et moi n’étant pas forcément au beau fixe, je n’ose pas bien leur demander d’étancher ma curiosité vis-à-vis des ancêtres quand il est déjà difficile de se demander « Comment ça va ? ». Mais, puisque mon amie posait quelques questions, j’en ai profité pour demander d’éclaircir certains détails.

Que ce soit du côté paternel comme maternel, mes grands-parents ont fui la misère espagnole et la violence d’une dictature militaire. Quelque part dans les années 30-40.

Du côté de ma mère. L’un de mes arrières grands-pères, passé la frontière, a dû séjourner, bien forcé, quelques mois (années ?) dans le camp de concentration de Rivesaltes, quelque part entre 39 et 45. Quand il en est finalement sorti, il a fait venir son fils (mon grand-père) et sa petite-fille (ma tante) la plus grande pour travailler aux champs du côté de Gignac. Puis il a fait venir sa belle-fille (ma grand-mère) et sa deuxième petite fille (mon autre tante). Enfin, tout ce beau monde s’est établi dans un autre village où ma mère est née. Première de sa famille, donc, ma mère, à naître en France. C’était au début des années 1960. Mon arrière grand-mère, elle, ne les a rejoint que bien plus tard. De ce même côté, mon autre arrière grand-père faisait sans doute encore gentiment ses années de tôle dans les prisons de Franco, communiste qu’il était. Celui-là, je ne sais pas ce qu’il est devenu, sa femme non plus. Ah oui, je dis l’Espagne, pour pas rentrer dans les détails, mais tout ce côté maternel est plus précisément Catalan. Autant dire qu’à l’époque ils fuyaient autant la misère qu’un régime qui les menaçait de les foutre au trou pour avoir osé parler leur langue natale. Toujours est-il que quand ma mère était petite, on disait des Espagnols dans les journaux qu’ils étaient sales, qu’ils mangeaient par terre. Ils finissaient par constituer parfois plus de la moitié de la population des villages où ils s’installaient. Une véritable « invasion » hein ? De ce côté-là, à force de travail (car il y en avait en ce temps) et après des décennies, un terrain fut acheté, des vignes aussi, et une petite maison fut construite. Aujourd’hui, ma grand-mère, toujours vivante, compte aux noëls huit arrières-petits-enfants dont l’ADN, s’il parlait, raconterait autant l’Espagne que la France profonde et l’Algérie.

Du côté de mon père. L’histoire est à peu près la même. Mon grand-père, s’il est né du côté français des Pyrénées n’y est né que de justesse car sa famille Espagnole tenait une épicerie à la frontière. Ma grand-mère, née en Espagne, au centre-centre, elle, fit la rencontre de mon grand-père dans le coin de Carcassonne après. Les deux avaient fini par fuir la guerre civile. Pourquoi Carcassonne ? Car là-bas il y avait des vignes, des champs… Bref, du travail. Mais il ne s’y rendirent pas seuls. Oh que non ! Les sœurs, les frères, les tantes, les oncles et les cousins, les cousines, furent embarqués eux aussi. À l’époque pourtant, pas de regroupement familial tel qu’on l’entend aujourd’hui, mais comprenez, déjà qu’on avait quitté le pays, on tâchait au moins de rester en famille quand on le pouvait. Surtout, on allait tous là où on avait entendu dire qu’il y avait de quoi bosser. « – Eh, tu sais pas où y a du taf ? – Si, dans ce coin là-bas, nous on part la semaine prochaine, vous nous suivez ? – Oh, tu veux pas attendre encore un petit mois ? Il faudrait que je fasse venir la famille, ils sont en train de crever la gueule ouverte au pays, ça se fait pas de s’en sortir tout seul. – Okay. Mais qu’ils se grouillent, à ce qu’il paraît y a plein de migrants qui sont en train de prendre tout le travail, ils le disent dans les journaux. – T’es con ou quoi ? C’est nous les migrants. – Ah merde, ouais. Bon ben qu’ils prennent leur temps alors. De toute façon il paraît que les migrants sont mal accueillis. » C’était un extrait de Ma famille de migrants envahisseurs, épisode 2. Mon père est né un an avant la fin de la seconde guerre mondiale à Carcassonne, d’un père Français par hasard, donc, et d’une mère Espagnole. Quand il était petit, on l’appelait l’Espagnol ou le barraquet, surnom occitan qu’on donnait aux immigrés Espagnols et qui signifierait « haricot ». Ses petits camarades dont les parents étaient Italiens, eux, on les appelait les spaghettis.

C’est tout ce que je sais, tout ce que j’ai appris. Vous voyez, c’est bien maigre, mais ça me suffit pour me/vous rappeler que la migration des peuples n’est qu’un processus continu, sans origine, sans fin. Que les étrangers d’hier engendreront les autochtones de demain, jusqu’à une prochaine guerre, alors ces autochtones-là iront faire les étrangers chez d’autres. Mais aussi que, étant moi-même de la deuxième génération et demie née en France, je dois me rappeler que si je vis aujourd’hui dans cette partie du monde ma foi pas pire que d’autres, c’est un peu grâce à Franco. Alors merci Franco. Hein ? Oui, okay, c’est bizarre.

Et sinon, je vous ai parlé du Papy de Fourvière ? Que j’ai rencontré hier ? Lui est arrivé d’Espagne à Lyon en 1951 et… Hein ? D’accord, vous en avez marre, je comprends. On va garder ça pour demain.

#239 – Lyonniais #065 – Discussions

Hier, mon ami Feldo m’a dit qu’il n’avait pas pu poster de commentaire sur l’un de mes articles. Il aurait eu un message comme quoi il lui fallait créer un compte, ou un truc du genre. C’est la deuxième fois qu’on me rapporte ce problème. Mon amie Gwlad (qui prenait des photos pour mon ancien blog), elle non plus n’a jamais réussi à poster de commentaire ici. Voilà qui est bien fâcheux. Pourtant, les commentaires sont autorisés pour tout le monde sur chaque article, je reçois même assez de spams. Je ne demande même pas à ce que les commentaires d’un·e utilisateur ou -trice soient validés manuellement une première fois par moi pour qu’ils soient ensuite validés d’office. Je viens donc de retirer la dernière couche de protection anti-spam possible, c’est-à-dire que vous n’avez même plus besoin de fournir un pseudo et une adresse mail pour pouvoir commenter. Mais franchement, je ne vois pas ce que ça va changer, puisque nulle part je n’ai coché une option qui demanderait d’avoir un quelconque compte pour commenter.

Donc, si vous aussi vous recevez un message du genre, s’il vous plaît, faites une capture d’écran ou copiez-collez-moi ça, et envoyez-moi le tout dans les comment… heu, non, envoyez-moi ça par la rubrique contact, en haut à droite. Que je sache de quoi il s’agit et que je puisse trouver une solution. Franchement, je commence à en avoir ma claque de wordpress. Vraiment.

Bon, voilà pour les détails du fonctionnement. Des endroits où l’on peut discuter tranquillement en tout cas, ce sont les serveurs discord. Oh, non, je ne vais pas créer un serveur discord lié à ce blog, ça n’aurait aucun intérêt. Par contre ils fleurissent bel et bien dans tous les domaines : musique, langages, jeux vidéo, pâtes à crêpes… Tous, je vous dis. Tous. Pour celles et ceux qui ne connaitraient pas encore, ce sont des salons de chat ([TshaT] comme disent les phonétistes) écrit, vocal, et même vidéo maintenant. Chacun·e peut créer ses serveurs, et salons sur ses serveurs, et inviter qui il ou elle le désire à le ou la rejoindre pour converser.

Ça tombe bien car j’avais pris, très récemment, la décision de quitter reddit. Non seulement parce que j’y ai passé assez d’années comme ça, l’ambiance commence à me déplaire, mais surtout parce qu’ils ont reçu cent cinquante millions de dollars d’une des principales entreprises chinoises responsable de la censure de l’internet dans leur pays. N’en étant plus à mon coup d’essai, je prends mes responsabilité d’internaute : un service qui se prétend l’étendard de la liberté d’expression et qui empoche une somme colossale de la part d’une telle entreprise, je le quitte. Puisque c’est mon seul pouvoir en tant qu’utilisateur de service gratuit que de devenir un non-utilisateur, je le fais. Je voyais donc en discord une fabuleuse alternative à cela. Pensant aux discussions sur des sujets variés que ce service allait pouvoir m’offrir, avec des utilisatrices et -teurs des quatre coins de notre planète… plate ET carrée donc (ben oui, soyez un peu logique, si elle avait été cubique, ç’aurait été le huit coins du monde, réfléchissez). Eh bien,je vous le dis tout de suite, mon enthousiasme s’est vite raplaplatisé. La même entreprise chinoise qui a balancé cent cinquante millions dans reddit possède 10% de discord. Ai-je mentionné que, grâce à cette même entreprise, reddit et discord sont inaccessibles depuis la Chine ? Non, je ne l’avais pas mentionné. C’est réparé.

Fin de la rubrique « On sait plus où marcher sans casser des œufs, ça va finir par faire une grosse omelette mais y aura plus personne pour la manger. »

À demain.

#234 – Lyonniais #060 – Hé, psst, tu cherches pas du sirop par hasard ?

La semaine dernière, mon amie était malade. Vraiment malade. Trois jours à tenir le lit. À cette occasion, on lui a prescrit tout un tas de produits divers à s’avaler chaque jour. Évidemment, dans ces cas-là, on achète le tout, au cas où, et on n’utilise que ce qui est vraiment nécessaire. Les antibiotiques, on les prend bien tout comme il faut sur la durée prescrite, le reste on jauge. On va pas se cortisonner la gueule pour rien pendant des semaines, sinon faut s’empêcher de bouffer sulé et sacré, et ça c’est vraiment trop. Bon, mais voilà, dans le tas des produits prescrits, il y avait un sirop. Un sirop pour calmer la toux. C’est qu’avec les bronchites non seulement vos poumons vous font mal, mais à force de tousser votre pharynx finit par prendre cher également, et du coup vous toussez de plus belle, et c’est le cercle vicieux. Hein ? Est-ce que j’ai fait médecine ? Pas du tout, je vous conseille même de mettre tout à fait en doute ma parole lorsque je cause anatomie ou pathologies. Mais revenons en à ce sirop. Ce sirop pour la toux. Ce sirop contenant de la codéine…

La codéine, ça faisait un moment que j’en entendais causer. Le genre de trucs qu’est, dit-on, censé vous plonger vite fait bien fait dans le sommeil. Mais aussi le genre de machins qui rend facilement accro, toujours selon les ouï-dire. Bon. Ben j’ai voulu tester. Je voulais pas mourir bête, j’aurais eu l’air bête. Moi j’étais pas malade, évidemment, mais j’ai respecté la posologie quand même. Une cuillère à soupe avant de dormir.

Alors, comment vous dire… Je n’avais pas bu depuis un an (d’ailleurs il y a un peu d’alcool dans le sirop, mais très peu), je n’avais pas fumé de cannabis depuis un mois, j’étais donc assez sobre —si on ne compte pas toutes les cochonneries dans la cigarette que je m’enfile une dizaine de fois par jour— et donc disposé à ressentir pleinement les effets de toute drogue ingérée. J’ai donc pris ma cuillère à soupe de sirop et je me suis allongé dans le lit, attentif à ce qui allait se passer dans mon organisme. Il n’a pas fallu longtemps, dix à vingt minutes, et c’est monté tout doucement. Une sensation de chaleur agréable m’a envahie, pas trop forte mais clairement discernable, par petites vagues. Puis une certaine décontraction a suivie, une très très légère euphorie —mais peut-être était-ce seulement dû à la petite voix dans ma tête qui me disait : « eh ben mon cochon, toi t’es irrécupérable », tout en sachant qu’en vérité ce n’était pas grave—, et finalement un engourdissement des membres, léger aussi. Il y avait définitivement un cousinage avec la défonce procurée par le cannabis, mais moins intense, sans que ça perturbe autant la concentration, sans cette espèce de petite excitation, ce petit stress qui accompagne toujours la fumette pour moi. Comme avec le cannabis, quelques émotions m’ont traversé fugacement, semblables en intensité et en durée à celles que je ressentais durant l’enfance quand j’étais frappé par certaines luminosités, certaines ambiances. Très agréables également. Bref, j’étais serein et je me suis endormi. Le lendemain, je me suis réveillé deux heures plus tard que d’habitude, et je suis resté dans le brouillard jusqu’à assez tard. Comme un lendemain de soirée fumette, mais sans que ne se fasse sentir l’envie d’en reprendre tout de suite. Cette descente un peu chiante, un peu tristounette, qui donne envie de s’en refumer un pour faire passer tout ça, vous savez ? Ben là non, pas d’envie de recommencer dans l’après-midi. Pour ça, il a fallut attendre le soir.

Ouais, le soir même, je me tâtais, j’avais envie. J’étais un peu stressé. Hmm, oui, non, oui, non… J’avais quand même en tête le côté dépendance rapide que ce genre de produits entraîne et le fait que, moi-même, j’ai une tendance à être vite dépendant. J’en ai pas repris. J’ai bien fait. Le lendemain soir, j’en avais encore envie. Le surlendemain aussi. Le sur-surlendemain, toujours. Puis c’est enfin passé. Pfiou. C’était il y a une semaine. J’ai attendu hier soir pour en reprendre.

La journée avait été agréable, je n’étais pas stressé, pas angoissé, il était deux heures du matin, j’allais me coucher, sans y penser le moins du monde. Et puis j’ai vu la boîte et je me suis dit, tiens, c’est maintenant que tu n’en as pas envie qu’il faut en reprendre pour voir si tu ressens les mêmes effets ou pas. Oui, parce que mon amie m’avait mis le doute. Elle, ça la fait dormir et ça l’empêche de tousser, point. Elle dit ne ressentir aucun des symptômes que j’ai décrit plus haut. J’en étais venu à me demander si du coup, la dernière fois ce n’était pas une petite fièvre dû à la proximité des bactéries dans mon lit qui m’avait fait me sentir comme ça.

Non non, je vous assure, c’était bien la codéine. Cette fois, j’en ai pris deux cuillères à soupe. Mêmes effets, un poil plus intense, mais vraiment la même chose. Une très grande décontraction, une chaleur agréable, des sentiments agréables… Pendant quelques secondes, par exemple, j’ai eu l’image d’un enfant Japonais qui traçait un kanji avec un grand pinceau, et j’ai ressenti moi-même une intense joie que j’ai analysée comme venant de la satisfaction de l’enfant à voir son trait apparaître d’un noir extrêmement dense. C’était très rapide, très intense. Ça m’a laissé une forte impression jusqu’à maintenant. Quelques pensées, impressions comme ça, donc, et puis je me suis endormi. J’ai encore dormi plus longtemps que d’habitude ce matin, et je me suis senti très détendu toute la journée d’aujourd’hui également, c’était bien agréable. Voilà, et maintenant, la codéine, c’est terminé.

Je ne ressens pas l’envie d’en reprendre, mais ce soir au moment d’aller au lit, demain soir si je suis un peu stressé, ou après-demain soir… Mais stop, faut pas rigoler avec ça. Je vais pas m’accrocher une mauvaise habitude de plus. Je vous l’ai dit, c’est sérieux. La codéine, ça passe par le foie où 10% de la substance est transformée en morphine. Ah, là ça rigole moins hein ? Ben ouais. Sérieux, je vous dis. J’ai fait ma petite expérience, j’ai réitéré une semaine plus tard alors que ça ne me taraudait plus pour vérifier, c’est bon, j’ai eu mon compte. Je sais ce que ça fait, je sais que je pourrais facilement en abuser si je m’en laissais l’occasion. Heureusement, si aujourd’hui j’ai une histoire personnelle de la dépendance, j’ai aussi une histoire personnelle de vigilance envers la dépendance. Je sais quand il ne faut pas pousser plus loin.

« Le processus de dépendance à la codéine est plus discret, moins rapide que celui de la morphine. La codéine provoque néanmoins, quand son usage est détourné à des fins récréatives, ou dans un usage thérapeutique à long terme, une dépendance psychique et physique forte. Les symptômes de sevrage les plus fréquents sont : diarrhée, sudation, tremblements, douleurs musculaires, anxiété, insomnie, dépression. Les symptômes physiques de sevrage durent, comme pour les autres opiacés, en moyenne une semaine à 10 jours. L’addiction psychologique, néanmoins, perdure dans la plupart des cas de dépendance à la codéine pendant un à plusieurs mois. » nous dit Wikipédia.

Je sais donc à quoi m’en tenir. Si jamais je sens que c’est un peu chaud, que l’envie est un peu trop forte, je me ferais plutôt des space cakes. C’est ma bonne résolution de cette année, ne plus fumer le cannabis. Enfin, moi je la trouve bonne, vous je sais pas.

#233 – Lyonniais #059 – C’est pas très ranormal tout ça.

Ne me demandez pas comment, mais il se trouve qu’aujourd’hui, je me suis retrouvé par hasard à lire la page Wikipédia de Jacques Pradel. Dis-donc, les POG, Jacques Pradel, ce serait pas devenu un blog nostalgie ici, que vous vous demandez ? C’est vrai que ces derniers temps, sur le blog comme dans ma vie, je suis tourné vers le passé plus que vers l’avenir. Y a des périodes comme ça. Donc qu’est-ce que je lis sur Jacques Pradel ? Je lis qu’il animait L’Odyssée de l’étrange, émission qu’il avait co-créée avec Marie-Christine Thomas. J’avais oublié. J’apprends que l’émission devait s’appeler Le Troisième œil, mais que ça ne s’est pas fait car une plainte avait été déposée par le producteur de l’émission Mystères, présentée, elle, par Alexandre Baloud. Là, vous vous dites que nous sommes tombés dans les bas-fonds des productions audiovisuelles françaises, et je ne peux pas vous donner tort.

Ces émissions, je les ai matées étant gamin, j’avais entre cinq et huit ans. Ça m’a marqué. Et pas forcément dans le bon sens. Quelques épisodes dont je me souviens en en relisant les titres : La maison qui saigne, Les pommes volantes, Le monstre du Loch Ness, La forêt de Brocéliande, Les hommes sauvages, Le suaire de Turin, Le poltergeist et un que je n’oublierai jamais car il m’a traumatisé pour des années : Le vampire de Highgate. Je n’ai pas revu la plupart depuis mais ils m’avaient fortement impressionnés. C’est peut-être la raison pour laquelle j’ai longtemps été porté par une passion sans borne pour les monstres et l’horreur. En tout cas, il est tout à fait certain que c’est la raison pour laquelle j’ai tiré ma couverture jusqu’au dessus de ma tête tous les soirs jusqu’à mes neufs ans environ, afin qu’aucun vampire ne puisse accéder à mon tendre cou lorsque je dormais. Ce qui, en fait, à cause de la chaleur et du manque d’air, m’empêchait de m’endormir pendant des heures durant lesquelles j’étais submergé par des vagues de paranoïa, imaginant des personnages livides qui sentaient la chair pourrie et munis de longues crocs avançant à pas feutrés dans le couloir qui desservait ma chambre. Bon, d’accord, c’était pas seulement à cause de l’émission, c’était également à cause de mes cousins, bien plus âgés que moi, qui m’avaient fait une très mauvaise blague le soir où l’épisode du vampire de Highgate passait à la télé et que nos parents étaient trop occupés à bouffer et à picoler pour nous surveiller.

Ce que je déplore le plus avec ce genre d’émissions, c’est qu’ils laissent planer le doute quant à la plausibilité des phénomènes paranormaux qu’ils traitent. Le sommet de la mauvaise foi ayant été atteint avec le dossier Roswell. Pour attirer un audimat de crédules, jamais on n’ose dire que tout ça c’est du divertissement. Je m’en foutais pas mal avant, mais c’était avant. Avant quoi ? Avant de bosser dans une crèche et d’entendre de la bouche de certaines collègues que, par exemple, les enfants pouvaient voir des choses que les adultes ne pouvaient pas voir, par exemple encore, des fantômes. Celle qui m’a raconté ça disait également que si tu avais une angine il fallait simplement déposer des demi-citrons aux quatre coins de ta maison et hop, ça passait. Mais pour le coup des fantômes, où l’avait-elle vu ? Pourquoi y croyait-elle si fort ? Parce que c’était passé chez Cauet. C’était des experts qui l’avaient dit chez Cauet, donc c’était vrai. Forcément, puisque c’était à la télé, chez Cauet. Sinon Cauet les aurait pas invité, si c’était pas vrai, tu penses bien. Ben ouais. Un jour elle a voulu faire venir un « magnétiseur » à la crèche sans prévenir la direction, pour qu’il épure un peu les lieux des mauvaises ondes qu’elle pouvait ressentir. Continuons donc à faire du divertissement sur les sujets paranormaux en présentant ça comme une exposition de faits comme les autres, ça ne peut pas faire de mal, hein ?

Les articles Wikipédia sur ces émissions insistent sur le fait que la sauce n’a pas pris en France, contrairement aux États-Unis et à la Grande-Bretagne qui fournissaient bon nombre d’épisodes à nos programmes copiés sur les leurs. Pfiou. Qu’est-ce qu’on a évité…


#231 – Lyonniais #057 – Peut-On Gagner (sans tricher) ?

Un certain commentateur persévérant remet tous les deux jours le sujet sur le tapis, et mon amie m’a également fait part de son envie de me voir traiter la question. Alors voilà : parlons POG, parlons bien.

Selon votre âge, le terme réactualisera chez vous de nostalgiques images de cour d’école ou ne vous dira absolument rien. De mon côté, le simple fait de lire ces trois lettres fait surgir de ma mémoire sacs bananes et croûtes aux genoux. J’appartiens donc à la première catégorie, celle qui était à l’école primaire quelque part entre 1990 et l’an 2000.

Pour les autres, de quoi parle-t-on ? On cause de petits disques de carton d’environ 5 cm de diamètre. Côté face, un dessin, côté pile, une marque. On peut les collectionner, les échanger, mais on peut également jouer aux POG. Dans ce cas, chacun·e ramène ses POG —de préférence dans un sac banane, comme je vous le disais, dont on aura vidé quelques unes des billes qui s’y trouvaient pour faire un peu de place à ce nouveau passe-temps—, puis on discutaille afin de décider lesquels chacun·e met en jeu : « moi je mets mon POG tête de mort qui brille, donc il vaut beaucoup, donc il faut que toi tu mets au moins deux POG qui brillent pas pour que ça le vale ». Ensuite, on monte une petite colonne en empilant les POG choisis par chaque participant·e, côté face vers le sol. C’est là qu’on sort les kinis. Un kini est un disque de plastique, cette fois, de même diamètre qu’un POG mais plus épais. Chacun·e va se servir de son kini en le balançant à tour de rôle sur la pile de POG. Après chaque lancé, la joueuse ou le joueur récupère les POG qu’il a réussi à faire se retourner côté face en l’air : elle ou il les a gagnés. On refait la pile, et on recommence jusqu’à ce que tous les POG aient trouvé un·e propriétaire.

Pour gagner plus facilement des POG, une technique consistait à ne pas jouer soi-même, mais à faire discrètement le tour des bananes restées ouvertes et sans surveillance par les joueurs et joueuses trop concentrés·es sur leur partie. Seulement il ne fallait pas oublier de se sentir un peu coupable ensuite, et surtout se souvenir de ne pas rejouer ces POG-là, sans quoi on se faisait pincer. Au propre comme au figuré.

Il y a quelques années, plein de nostalgie que j’étais, j’avais acheté sur eBaie une machine à fabriquer des POG ainsi qu’une dizaine de planches officielles de POG vierges. C’était encore l’époque où les blogs BD foisonnaient, et je comptais demander à plusieurs dessinateurs et -trices de réaliser des séries d’une dizaine de POG chacun·e. Les POG auraient ensuite était vendus, et la somme récoltée aurait servie à me rembourser de ces achats ainsi qu’à rémunérer les artistes. POGU, que ça devait s’appeler. U pour Underground. Ç’aurait été un peu noir, un peu adulte, monstres et cul. Évidemment, ce projet, comme tout projet digne de ce nom, a fini au fond d’un tiroir. Je ne saurai même plus me souvenir d’où se trouve ce matériel ou si je ne l’ai pas tout simplement jeté.

Tout à l’heure j’ai parlé des années 90, mais par souci d’exactitude il faudrait préciser que ce jeu existe depuis les années 20 ou 30. Dans les pays anglophones, il est mieux connu sous le nom de Milk caps. Pourquoi ? Parce qu’à la base ces petits disques de carton se trouvaient dans des bouchons de bouteilles. Bouteilles de jus de fruit ou de lait. Tout cela aurait débuté à Hawaii quelques décennies après le début du siècle donc, bien qu’un jeu très similaire existait déjà au japon au XVIIe (men’uchi 面打 ou menko 面子). Le nom qu’on connait par chez nous vient d’ailleurs de la marque de jus très descriptive Passion fruit-Orange-Guava créée en 1955 par une entreprise de Maui. Et s’il y a effectivement eu un regain d’intérêt pour le jeu dans les années 90, c’est sous l’impulsion de deux entreprises marchandes ayant flairé le juteux filon: la World POG Federation et la Canada Games Company (qui fit faillite en 1997 quand la mode s’essouffla).

Il y avait, selon les dires des experts, un avantage au POG original, celui sortant d’une bouteille, qui venait de l’irrégularité des disques de carton, ce qui permettait d’intégrer un peu plus d’aléatoire au jeu. Moi avec le recul j’aurais plutôt dit que c’était de ne pas se faire, une fois de plus, taxer son argent de poche par des commerçants peu scrupuleux qui vous vendaient des bouts de carton à prix d’or par l’intermédiaire du tabac-presse du coin. Mais après on va encore raconter que je vois le mal partout.

D’ailleurs, maintenant que j’y repense, je me demande si Passion fruit-Orange-Guava Underground, ça n’aurait pas été un poil ridicule.

#227 – Lyonniais #053 – La mairie et l’église sans passer par le mariage

Aujourd’hui, je suis allé faire faire ma nouvelle carte d’identité. Nouvelle photo d’identité, toujours la même gueule d’assassin. J’en avais une bien mais elle était trop vieille. C’est toujours pareil, sur ces photos, à force d’essayer de ne pas sourire, on finit par faire carrément la gueule. C’est pas comme si les IA d’aujourd’hui allaient pas te reconnaître parce que tu souris. C’est peut-être simplement pour que quand les flic t’arrêtent ce soit raccord avec la gueule que tu tires sur le moment. J’en sais rien, y a des pays où t’as le droit d’avoir l’air sympathique sur tes papiers, mais pas en France. Parlez-moi toujours d’entretenir un rapport sympathique avec l’administration quand ça commence par là.

Bon, mais ce qui m’a le plus scotché (on dit encore « ça m’a scotché » ?), c’est qu’on n’accepte pas les attestations de la CAF comme justificatifs de domicile. Sans déconner. On préfère vous demander une facture d’abonnement de téléphone mobile, version à télécharger en ligne, que vous pouvez changer en deux clics sans qu’on vous demande aucune preuve, qu’une attestation de l’organisme le plus casse-bonbons (je dis bonbons pour pas dire couilles) qui soit en matière de vérification. Il y a à peine un mois, janvier 2019 donc, je recevais par exemple de leur part un message disant qu’ils n’arrivaient pas à joindre mon propriétaire pour obtenir une quittance de loyer de juillet 2018. Après avoir passé trois mois à leur envoyer touts les baux et les attestations imaginables. Mais ça, non, on n’en veut pas de leur attestation à eux. Par contre, une facture qui ne prouve rien, ça oui. Donc quand on habite depuis peu dans un studio (pas encore d’avis d’imposition à cette adresse) loué meublé et toutes charges comprises, sans internet, on est un peu embêté. Si votre proprio est comme le mien et ne vous fait pas de quittances de loyer, on est encore un peu plus dans l’embarras. Si votre assurance habitation est contractée par votre amie et que votre nom de figure pas dessus, là ça commence à devenir vraiment dur. Votre seul espoir, c’est que la personne avec laquelle vous vivez vous fasse une attestation sur l’honneur comme quoi elle vous héberge depuis plus de trois mois, en gros qu’elle vous héberge chez vous. Vous parlez d’un justificatif de domicile. Petit article-mémo si vous ne vous rappelez plus des documents valables comme justificatifs de domicile.

Sinon, j’ai profité de ce bref passage à la mairie du 2e arrondissement de Lyon (on n’est pas obligé d’aller à la mairie de l’arrondissement dans lequel on réside pour faire faire ses papiers), pour fureter autour de la basilique Saint-Martin D’Ainay. Une basilique, c’est une église ou une cathédrale qui plaît au pape. Le pape se pointe, mate votre édifice et dit : « elle passe bien celle-là ». Et paf, voilà que votre église devient basilique. Attention cela dit, faut quand même pas vous la péter de trop, elle n’est devenue qu’une basilique mineure. Si vous vouliez une basilique majeure, c’est à Rome qu’il fallait la bâtir, et puis de toute façon c’est trop tard, elles sont au nombre de quatre et le petit Jésus a décidé que ça suffisait comme ça. À Lyon, il y en a deux, ce qui veut dire que le pape vient souvent, mais pas autant qu’à Marseille, où il y en a quatre. Les Lyonniais·es sont jaloux·ses. Ils et elles aiment bien le pape par ici, ils et elles voudraient que le pape les aime un peu plus en retour. Moi le pape je m’en fous, je l’ai jamais rencontré.

Alors, qu’est-ce qu’elle a de spécial cette basilique Saint-Martin d’Ainay ? Elle a été construite au XIIe siècle, ce qui est vieux, et dans un style roman, c’est qui est sobre. Et je n’en sais pas plus. Vous avez cru que vous étiez sur un blog tourisme et patrimoine ? Je vous ai dit que j’avais juste tourné autour, z’avez vous y rendre si ça vous intéresse.

J’ai quand même pris deux reliefs en photo. Un où l’on peut voir que le peuple, en danger de mort, trime salement et que le clergé s’en fout :

L’autre ou l’on comprend franchement pas ce qui se passe, à part que deux types soulèvent une teub tellement lourde que chacun doit la tenir par une couille pendant que d’autres font la fête à l’étage.

C’est tout pour aujourd’hui. À demain.

#223 – Lyonniais #049 – Des lanternes dans le vent

Allez, débarrassons-nous de cette note de blog comme on se met à la vaisselle ; plus tôt se sera fait, moins on y pensera en se disant qu’il faut le faire. Ce matin je suis sorti acheter du tabac et une baguette. J’ai dit ce matin ? Je voulais dire à 13h. Ce matin j’ai dormi. Pas longtemps, en fait. Je me suis couché à 4h30 après avoir bossé sur un truc dont je peux pas vous parler (c’est dommage ça, hein, la seule chose qui aurait pu être intéressante). Hier, je vous l’ai dit, je m’étais levé à 5h30 du matin après une nuit de trois heures, ça fait donc très léger tout ça. On peut pas dire que je sois retapé. Le japonais ? J’ai lâché à 20h. J’ai pas fait les dix phrases, pour ceux et celles qui suivent, ça commençait à me rendre fou.

Donc, à 13h, je suis sorti m’acheter une baguette et du tabac, et je me suis pris un de ces coups de vent ! Nom de nom ! Sur le site de la météo il est écrit « rafales à 45 km/h », mais c’était au moins le double là. J’ai dû me pencher pour avancer pendant quelques secondes. Ou alors c’est bien 45 km/h et je suis tellement crevé que je n’arrive plus à avancer quand il y a un peu de vent. Mais je suis quand même né dans une région où le vent souffle fréquemment dans les 75 km/h et que les rafales qu’on craint un peu (mais sans plus) sont celles qui soufflent à 120 km/h, alors j’arrive à peu près à me faire une idée de ce que je reçois dans la gueule. J’ai une sorte d’anémomètre intégré, si vous voulez. Donc, deux solutions : soit je me suis acclimaté plus que je ne l’aurais aimé au pays lyonniais, soit météofrance dit des conneries. Je vous laisse choisir la réponse qui vous paraît la plus crédible.

« Bon, que vous vous dites, il nous parle de ses heures de lever, de coucher, de la météo, et puis quoi encore ? De ce qu’il a mangé ? » Des tartines de purée de cacahuètes avec de la confiture de framboise, merci d’avoir posé la question. Allez, plus sérieusement, puisque je ne peux pas vous parler de ce que j’ai fait d’intéressant hier et que j’ai dormi jusqu’à maintenant à part pour aller faire les courses et manger, je manque un peu d’inspiration… Ah ! Dans la rue où se trouvent les supermarchés et épiceries de produits asiatiques, ainsi que quelques autre commerces dans lesquels ont peut entendre des accents venant de diverses régions d’Asie, j’ai vu qu’on a installé des lampions de papier rouge entre les façades, à la manière de décorations de Noël. Je n’ai aucune idée du pourquoi. Je vais chercher ça et je reviens vous voir.

C’est fait. Comme on pouvait s’y attendre, le 5 février 2019 (du calendrier grégorien), ce sera le Nouvel An chinois (nónglì xīnnián) selon le calendrier chinois, de type luni-solaire, et donc également le Nouvel An vietnamien (Têt Nguyên Dán), qui se base sur le même calendrier. Une énigme de résolue. Pour celles et ceux qui voudraient participer à la petite fête, il y aura des animations dans le quartier de la Guillotière le dimanche 10 février, comme c’est expliqué sur ce site. Pourquoi le 10 février ? Parce que le Nouvel An chinois, qui se fête donc le premier jour du premier mois lunaire, ne fait que marquer le début de la fête du printemps qui s’achève le quinzième jour du premier mois lunaire (19 février du calendrier grégorien pour 2019) avec la bien connue fête des lanternes. On a donc tout le temps qu’il faut pour faire la nouba. Youpi.

Ouf, c’est bon, j’ai tapé un paragraphe de pas trop con. Je peux vous laisser en toute sérénité. À demain.

En voilà un qui n’a pas fêté le Nouvel An…

#221 – Lyonniais #047 – Être appelé·e par son prénom

Je vais pas vous la faire façon mauvais stand-up. Quoi que… Allez, si. Version mauvais stand-up : « On a tous vécu ça, le moment où on t’appelle par ton nom de famille et ton prénom… » *rires* « [imite un vieux professeur] M’Rabet Jérémie !! » *rires* « On sait que ça va chauffer pour notre cul quand ça commence comme ça. » *rires* *rires* (oui, deux fois, le comédien a dit « cul »). C’est presque aussi nul que ce genre de stand-up, de se moquer de ce genre de stand-up. C’est comme si je vous disais : on a tous vu, un jour, un comédien commencer ses phrases par « on a tous vu, un jour, … » Alors j’arrête là. Cela dit le comédien n’aurait pas tord. Quand une personne que vous avez l’habitude de côtoyer se met à vous appeler par votre nom de famille suivi de votre prénom, ça va généralement chauffer pour votre cul, ou c’est du second degré.

Pourtant, il y a pire. Être appelé·e uniquement par son prénom, mais par un·e parfait·e inconnu·e. C’est ce qui m’est arrivé aujourd’hui. Je vous l’ai dit, je suis bénévole dans une association quelques heures par semaine. Quand je ne suis pas occupé à récupérer des livres ou à les mettre en rayon, je les vends au profit de l’association. À ces moments, je suis donc derrière une caisse enregistreuse. Et je porte un petit badge de bénévole. Un petit badge avec mon prénom écrit dessus.

Sauront ceux qui savent.

Eh bien ça n’a pas manqué. On m’a appelé par mon prénom. Aujourd’hui-même, encore une fois. Mon cerveau a mis un petit moment à connecter les deux neurones qu’il fallait l’un à l’autre. Quand j’ai entendu « Merci Enrico » (oui, oui, je vous ai avoué m’appeler Enrico dans cette note autobiographique certifiée 100% véridique), j’ai d’abord regardé à droite et à gauche pour voir qu’elle ancienne connaissance m’avait retrouvé ici, avant de comprendre que je portais le badge et que c’était la femme juste devant moi, de l’autre côté du comptoir, à qui je venais de donner son livre qui m’avait ainsi remercié. Un peu gêné, je lui ai répondu quelque chose du genre : « ah oui, j’oublie toujours. » On a un peu ri, puis elle s’est en allé. On ne peut pas dire que ça m’a franchement agacé. Elle était à peine plus âgée que moi, et son copain était juste à côté. Ils souriaient tous les deux de l’effet de sa petite blague et de ma réaction, mais c’était clairement pas méchant. Vraiment gentillet même. Et puis y a le cadre aussi, c’est une association. Ambiance décontractée, en tout cas au rayon des livres.

Toutefois, je l’ai dit, sur le coup je me suis senti gêné. Gêné de n’avoir pas compris qui m’appelait alors que la personne était juste devant moi, d’accord, mais aussi gêné tout court parce que je ne me suis jamais présenté à cette personne. Je porte le badge pour m’identifier en tant que bénévole, pas pour qu’on m’appelle par mon petit nom. On pourrait pas vraiment me qualifier de sauvage, mais je vouvoie beaucoup, par exemple. Le tutoiement ne m’est pas toujours naturel. J’aime garder une certaine distance avec les gens que je rencontre pour la première fois, et il me semble que ça se respecte. Vous même je vous vouvoie souvent, d’ailleurs.

Donc, comme je le disais, dans le cadre de l’association, fait sans mauvaise intention, c’est passé. Mais, quelques minutes plus tard, j’ai repensé à cet article lu je ne me souviens plus où sur le port de l’uniforme et du badge en entreprise, et tout particulièrement pour les caissières·caissiers. On pouvait y lire que le fait qu’un client vous appelle par votre prénom pouvait vite tourner au harcèlement. Déjà, par le port du badge, la relation devient asymétrique, l’autre connaît votre prénom, vous ne connaissez pas le sien. La plupart des clients·es qui s’en serviront le sentent bien. Que répondre à « Alors, Enrico, elles viennent ces frites ! » ? Rien, vous vous la bouclez. Allez pas risquer de l’appeler par un prénom au hasard, ça ferait mauvaise moquerie. Au mieux vous répondez « Tout de suite monsieur. » Si vous tenez à votre emploi, vous vous écrasez. Comment justifier de s’emporter, même si le manque de respect est flagrant, quand votre prénom figure sur votre badge. Ce serait même fait un peu pour ça, le badge. Bon et je ne parlerai même pas des tentatives de drague par des lourdingues, voire des cinglés·es, qui maintenant savent comment vous vous appelez. Une histoire à vous faire détester entendre votre prénom.

Bref, je ne porterai plus mon badge. J’aime pas bien ça. Au fond, se faire appeler par son prénom par des gens qu’on ne connaît pas est un peu l’équivalent de se faire appeler par son nom de famille et son prénom par des proches. Dans les deux cas, on peut s’imaginer que les minutes qui vont suivre seront à rajouter à la longue liste des vexations qui jalonnent l’histoire de nos interactions ratées avec d’autres membres de notre espèce.

Mais allez, ne nous quittons pas sur cette note un peu triste, rions plutôt un bon coup avec la condition des femmes. Deux vieilles publicités vues à l’association dans une revue de 1949. La première est un classique, la deuxième un régal de bon goût.

À demain.