#200 – Lyonniais #026 – Femmes, Japon, mon article à trois ronds

« Akechi venait d’échouer. Du moins s’était-il acquitté de son rôle de protecteur envers Sanae. M. Iwase, qui lui était infiniment reconnaissant d’avoir sauvé sa fille, ne s’attarda pas à commenter ses compétences. Mais c’était une piètre consolation pour le détective, d’autant plus vexé qu’il s’était fait rouler par une femme. Et bien plus, quand il apprit de la bouche même de ses hommes que son adversaire s’était enfui après s’être travesti. »

Amis et -mies de la littérature japonaise, bonjour. Ce charmant paragraphe était un extrait du Lézard noir d’Edogawa Ranpo, publié pour la première fois en 1929 dans sa version originale, ici dans une traduction de Rose-Marie Makino-Fayolle aux éditions Philippe Picquier de 1993.

Oh, que je me dis, en lisant ça. Est-ce l’auteur ? Est-ce le personnage ? Comme je n’ai pas fini de lire, à ce stade, je réserve mon jugement. Même si quelques chapitres plus tôt, le paragraphe « A première vue, à les voir ainsi marcher ensemble, on aurait pu dire qu’elles se ressemblaient. C’est à croire que les belles femmes n’ont pas d’âge car Mme Midorikawa, qui avait dépassé trente ans, semblait aussi fraîche et innocente qu’une jeune fille », m’avait également chatouillé. Eh, c’est que je suis sur twitter, je ne pouvais pas lire ça sans penser à la polémique suscitée récemment par les propos d’un certain homme médiatique Français recueillis par un magazine classé « presse féminine ». Laquelle polémique me fit penser à moi-même au cours d’une soirée entre amies et -mis, qui, me rendant compte que mes deux amies les plus proches sortaient avec des hommes de (à la louche) dix et quinze ans de plus qu’elles et que mon père avait vingt ans de plus que ma mère, disait en plaisantant que, jaloux, moi aussi je voulais une copine plus jeune que moi ! J’étais célibataire à l’époque. Je dis donc « en plaisantant », mais quand même. Y avait un fond de quelque chose caché quelque part, dans un coin sombre. Je suis conditionné comme toutes et tous par mon milieu (au sens large) à réagir d’une certaine façon à certains stimuli, même si j’essaie chaque jour de m’affranchir un peu plus de ce conditionnement par la pensée et par les actes. Je suis d’avis qu’on ne s’en sort jamais vraiment, du petit numéro de cirque pour lequel on a été dressé·e, mais que ce n’est pas une raison pour ne pas lutter contre. Bon. Où j’en étais ? Ah oui. Edogawa Ranpo et les hommes d’autant plus vexés que c’est une femme qui les roule, et une femme belle qui bien qu’elle ait trente ans passés semble fraîche et innocente comme un jeune fille.

En lisant quelques éléments biographiques concernant l’auteur, Hirai Tarō (oui, Edogawa Ranpo c’est un pseudonyme, vous avez trouvé tout·e seul·e à quoi ça faisait référence ? Non ? Cherchez plus longtemps alors.), je découvre qu’il se lance après la seconde guerre mondiale dans une sorte de compétition avec l’un de ses amis anthropologue, Iwata Jun’ichi. En quoi consiste leur compétition ? Voir qui trouverait le plus de livres contenant des passages sur l’attirance sexuelle entre hommes. Car Iwata étudie l’homosexualité dans l’histoire du Japon. Je pense : mais quand même, si Hirai étudie l’homosexualité lui aussi, c’est qu’il doit forcément être moins plein de préjugés sur le genre que ce que ces quelques (c’est joli « que ce que ces quelques », non ? Ah bon.) phrases citées plus haut ne le laissent présager. Je cherche donc du côté des études menées par Iwata et… eh ben non, en fait. Pas forcément.

Attention, je ne dis pas que j’ai cerné le bonhomme, je dis juste que lorsque je lis que le wakashudō (la voie des jeunes hommes), qu’étudiait Iwata, consistait à encourager les relations amoureuses et sexuelles entre vieux hommes et jeunes garçons au sein de la classe des guerriers car (je cite wikipédia) « on la considérait [la pratique] comme bénéfique pour le garçon, en ce qu’elle lui enseignait vertu, honnêteté et sens du beau » et que « lui était opposé l’amour pour les femmes, accusé de féminiser les hommes », je me dis qu’on ne nage pas forcément dans la compréhension et l’acceptation des préférences de chacun·e, ni dans l’idéal d’égalité des sexes et des genres. J’ai été naïf. (Au passage, si vous voulez en savoir plus sur la wakashudō et que vous lisez l’anglais, je vous conseille de lire cet article qui est assez bref mais a le bénéfice de contenir pas mal de citations et tire un parallèle avec les pratiques pédérastiques de la Grèce antique, bien qu’il ne dise presque rien sur la place des femmes dans cette doctrine.) Si j’ajoute à ça qu’Hirai publie bon nombre de ses nouvelles dans des magazines destinés aux jeunes garçons et que ses personnages les plus connus (Kogorō —de son prénom Akechi, ouais le rageux, c’est ça— et Kobayashi) sont apparemment souvent décrits comme leaders du Shōnen tantei dan (club des (jeunes) garçons détectives), je me dis que ça ne m’étonnerait finalement pas que les femmes, il les écrive comme veulent les lire les petits garçons Japonais de son temps. C’est-à-dire insolentes et causes de frustration si elles osent se montrer supérieures à un mec dans un quelconque domaine, objets de désir mais aussi dangereuses qu’elles sont attirantes et sexuellement actives, et méchantes manipulatrices (et ce n’est ni Le Lézard Noir ni La Proie et l’ombre (du même auteur) qui me feront penser le contraire.

Bon, mais tout ça, c’est l’ancien temps, hein ? 1929 pour Hirai alias Edogawa, le deuxième millénaire pour le wakashudō. Sûr qu’aujourd’hui, les femmes sont bien mieux considérées au japon, qu’on leur attribue sans préjugé la même valeur et la même place dans la société qu’aux hommes. Hein ? Ben non patate. Tu te doutes bien. L’Université de médecine de Tokyo est accusée d’avoir diminué les notes de femmes s’étant présentées au concours d’entrée, et c’est très récent. Je traduis vite fait quelques passages de la version anglaise du journal Mainichi : « les personnes chargées de la dernière enquête ont trouvé que 66 femmes et 43 hommes avaient été recalés malgré des notes assez hautes pour être accepté aux concours sur une période de quatre ans s’achevant en 2016. Si l’on décompose année par année, 27 hommes et 15 femmes ont été recalés en 2013, 7 hommes et 17 femmes en 2014, 4 hommes et 18 femmes en 2015, et 5 hommes et 16 femmes en 2016. (…) Selon le rapport, l’ajustement des notes au concours d’entrée en fonction du sexe des candidats et d’autres critères aurait commencé en 2006 sous l’ex-président de l’université Hiroshi Ito, qui nie ces accusations. Et en ce qui concerne la raison de cette manipulation des notes, toujours selon le rapport, les personnes chargées de l’enquête ont trouvé que trois des précédents présidents, ainsi que d’autres responsables hauts placés de l’université, pensaient que le ratio des candidates femmes devait être diminué autant que possible parce que « les femmes ont tendance à démissionner de leur poste à cause du mariage et des grossesses. » » On ajoutera pour clôturer le tout : « « Les médecins doivent être forts physiquement pour supporter des horaires de travail éprouvants », rapporte à The Asahi Shimbun une étudiante paraphrasant l’un de ses instructeurs, » rapporte le Courrier International.

Est-ce qu’on parle aussi du numéro du magazine Shukan Spa! (classé « presse masculine ») sorti il y a deux semaines au Japon et qui propose un classement des universités en fonction de la facilité qu’on y a à se taper des étudiantes ? Non, vous avez raison, pas tout d’un coup. Ce serait de la gourmandise.

Allez, sur cet article bien bâclé, je me barre. Je comptais faire plus complet, mais en fait j’ai la flemme. Je rappelle aux rageux et -geuses que je ne suis ni journaliste, ni universitaire et que je traite comme je veux des sujets que je veux, et que je ne me relis pas forcément. Pouvez quand même me chier dessus dans les commentaires si ça vous fait du bien, c’est fait pour ça. Allez, à demain.

#198 – Lyonniais #024 – Rentrer au port (bis)

Aujourd’hui, je n’ai pas le temps. Pourquoi ? Parce que c’est le retour de l’être aimé. Hein ? Oui, c’est comme ça, c’est la période des retours. Hier, moi, aujourd’hui, elle. Faites donc au moins semblant d’être jouasses, s’il vous plaît. Aujourd’hui, redonc, c’est le retour de l’être aimé, et je n’ai même pas eu besoin de faire appel à un marabout. Certains ou -taines diront que c’est tricher, car le retour était prévu depuis le départ (c’est pas beau la jalousie, vous y avez laissé combien au marabout ?). À ceux-ci et celles-là je rétorquerai que non, pas forcément. J’ai déjà connu un être aimé qui malgré le fait que tout était planifié, ne fut de retour que pour me dire qu’il s’en allait. Remarquez, je ne lui en veux pas, si j’avais était elle j’aurais fait exactement la même chose. Le seul problème est que j’étais moi, et que j’étais un sale con de jeune perdu. Aujourd’hui je suis moins sale, encore un peu con, vieux, et toujours perdu. Pourquoi parler de tout ça ? Hein ? Évoquer un ex-être aimé le jour du retour de l’être aimé, on a quand même vu plus romantique. Eh bien parce que le romantisme, je me torche avec et que je débite ce qui me vient au moment où ça me vient, parce que, je vous l’ai déjà dit, je n’ai pas le temps. C’est que mon amie sera là dans à peu près une demi-heure et je n’ai pas envie de passer le soir de nos retrouvailles à me taper une note de blog. Je viens de me souvenir que le premier jour que nous avons passé ensemble avec mon amie, il y a presque huit mois, on avait décidé que je resterai chez elle pour la nuit. J’avais donc fait un aller-retour pour chez moi pour choper mon ordinateur et ainsi pouvoir rédiger ma note de blog avant de passer notre première nuit en amoureux pour me tenir à tout prix au billet quotidien. Ah, comme les choses changent vite. Aujourd’hui je ne cherche que la bonne excuse pour arrêter ce blog que je n’aurais pas dû relancer. Mais si j’arrête je me trouverai nul, plus nul que ce que je me trouve de continuer sans en avoir envie, alors bon. Bref, et pourquoi je ne m’y suis pas pris plutôt, hein ? Eh ben pardi, parce que je faisais le ménage. Comme toute personne normalement constituée qu’on laisse à elle-même pendant trois semaines. Vaisselle en retard, machines en retard, coup d’aspirateur, courses pour qu’on ait autre chose à manger que des clémentines espagnoles sans pépins et avec pesticides ce soir… Mais ! Vous me faites vraiment parler de n’importe quoi, en plus je vous dis que je n’ai pas le temps. Allez, allez, ouste, fichez-moi le camp, je reviendrai demain vous raconter que je n’ai rien à raconter.

#197 – Lyonniais #023 – Rentrer au port

Me voilà de retour de vacances. Vacances ? Comment peut-on être en vacances quand on n’est ni étudiant, ni travailleur ? Eh bien je vais vous le dire : on se coupe de tout. On reste dans sa grotte. On répond à peine aux messages, juste de quoi laisser savoir qu’on est en vie, pas assez pour laisser comprendre qu’on passe son temps en s’empiffrer de céréales au lait de soja, de tartines de purée de cacahuète et de clémentines. Pas laisser s’imaginer non plus, à raison, qu’on passe son temps à écouter des podcasts, à bouquiner ou à se goinfrer de vidéos en ligne, sans produire soi-même la moindre ligne de texte, la plus petite mélodie imaginable, le plus insignifiant kiki en bas de page. Le tout la tête dans la fumée, évidemment, car se couper de tout et de tous ne m’est pas franchement possible sans l’assistance de quelque résine pharmaceutique en vente libre à chaque bouche de métro.

Ah la la, franchement, dans quoi ils passent vos impôts… Allez, allez, rassurez-vous, ma vie est moins belle que la votre, pas de jalousie. Vous travaillez et votre vie vous paraît chiante parce que vous ne gagnez pas assez, je ne travaille pas et ma vie est une constante succession de crises existentielles. Voyez ? Rien à envier. Crises existentielles en continu donc pas de travail ou l’inverse ? Œuf, poule. Personne ne sait, même pas moi. Pourtant, vous savez que je le retourne dans tous les sens.

Je le retourne tellement sans arrêt dans tous les sens, ça et d’autres choses, que j’ai besoin de ce genre de vacances tous les mois et demi environ, pendant deux semaines. Ce n’est plus l’alcool un jour sur deux alors ça me va. Je conçois que ça puisse sembler un peu effrayant de l’extérieur, mais c’est tout à fait agréable. Les nerfs se relâchent, le sourire revient. Les soucis se font plus diffus, on relativise, on ne pense plus qu’à eux et seulement à eux. Le retour à la normale est un peu moins agréable. Il faut deux, trois jours pour se réhabituer au quotidien, reprendre contact avec l’extérieur, tout en restant de bonne humeur. Comme quand on rentre de vacances quoi. Normal, je vous l’ai dit, ce sont des vacances. C’est dans cette période de réajustement que vous me trouvez actuellement, d’ailleurs. Je suis d’assez mauvais poil, mais là au moins je sais à quoi c’est dû, et je sais que ça va passer. Enfin, on en reparle dans deux mois.

On reprend donc du service à partir d’aujourd’hui, en espérant être plus inspiré qu’il y a deux semaines (c’est pas gagné), et toujours dans l’optique d’un billet par jour (rien que d’y penser…).

Allez, bonne reprise à toutes celles et tous ceux qui comme moi rentrent de vacances.

#196 – Lyonniais #022 – Dans désespoir, il y a presque « poire ». Vous en faites ce que vous voulez. Moi, les poires, ça me fait chier.

J’aurais pu appeler cet article le Top 10 des conseils pour ne pas désespérer. Je l’ai pas fait. Bon. Désespérer à quel sujet, vous allez me demander ? Eh, vous pensez que si j’en suis à faire un Top 10 de quoi que ce soit c’est pour me casser le fion en entrer dans les nuances ? On s’amusera à remboîter le paquet de clopes dans son emballage plastique une prochaine fois (j’ai choisi ça pour remplacer « enculer les mouches » mais j’étais pas sûr que ce soit bien compréhensible alors j’essplique). Donc, Top 10 et après je pars en vacances (et voilà les vacances de merde en perspective…). Je reprendrai le blog dans une semaine à peu près. En fait, demain je pourrais encore poster si je le voulais, mais faut-il vraiment vous faire un dessin pour tout ? Je fais un Top 10. Un TOP TEN ! (Vous lisiez top « dix » depuis le début ? Pah, la ringardise ! Les autres vous avez gagné.) Ça veut dire que n’ai rien à dire, rien envie de dire. Bon, allez, plus vite on se lance…

TOP 10 DES CONSEILS POUR NE PAS DÉSESPÉRER :

  1. Ne jamais avoir eu d’espoir en quoi que ce soit en premier lieu. C’est trop tard pour vous ? Dommage, alors, c’est foutu.
  2. Puisque c’est raté pour le 1., essayons au moins de limiter la casse : n’ayez à partir de ce jour plus aucun espoir en quoi que ce soit.
  3. Ne cherchez pas à découvrir ce que sont devenues vos idoles qui avaient trente ans quand vous en aviez quinze lorsque vous aurez vous-même trente ans. Vous auriez trop de peine pour elles et pour vous.
  4. D’une manière générale, évitez de vous souvenir de ce que vous étiez ne serait-ce que dix auparavant. C’est la dépression assurée.
  5. Si par accident vous jetez tout de même un regard en arrière et vous trouvez votre vie plus belle aujourd’hui qu’il y a dix ou quinze ans, profitez-en, mais dites vous bien que vous êtes en haut des montagnes russes.
  6. Ne suivez pas les act… Oh et puis zut. Même ça j’ai pas envie de le faire.

Quoi, z’êtes déçues·s ? Alors définitivement vous n’étiez pas mûrs·es pour apprendre mes techniques secrètes anti-désespoir. La base c’est de ne jamais être déçu·e quoi qu’il arrive ! C’est pas compliqué quand même…

Bon, sur ce, j’ai pas de valises à faire mais je vais prétendre en avoir. Ciao.

Moi aussi j’aurai préféré être ivre, mais je suis désespérément sobre et ça risque de durer un moment…

#195 – Lyonniais #021 – Garçon, remettez-m’en un vers !

Avant, j’écrivais pas mal de poésie. Quand je dis avant, je veux dire quand je picolais. Ça me venait tout seul. Pas étonnant que Verlaine ait été un pochetron si ça vient tout seul à trois grammes. Il suffisait que je m’embête un peu et que j’ai deux ou trois litres de bière à portée de main, ou du whisky, ainsi qu’une feuille et un stylo, et hop ! Ou plutôt et glou-glou-gou scritch-scritch-scritch ! Entre deux allers aux chiottes je pissais des vers en m’enfilant des verres. Depuis ça ne me vient plus.

Pourquoi cet attrait pour la poésie ? Comme avec tous les domaines auxquels je touche, je n’en suis pas un grand consommateur moi-même. Tous les domaines dits artistiques, hein. Dans le domaine de l’alcool j’étais un trop grand consommateur, tout comme dans celui de la fumette. C’est bien pour ça que j’ai arrêté définitivement la bouteille et que j’ai bien freiné sur les cônes (un mois sans spliff ! Je sens que j’arrive bientôt à ma limite de sobriété volontaire en ce qui concerne la verte, mais comme j’ai pas de thunes je suis bien forcé d’attendre encore au moins quelques jours avant de me replonger dans un petit paradis-enfer artificiel). Il y a quelques auteurs que j’apprécie beaucoup, pas les plus obscurs d’ailleurs, mais ça me suffit. Je ne passe pas mon temps à aller voir tout ce qui se fait en la matière. Je ressens plutôt l’envie de faire moi-même quelque chose dans le goût de ce que j’ai apprécié.

Qui sont ces poètes ? Dans l’ordre d’apparition : Charles d’Orléans, François Villon, Agrippa d’Aubigné, Paul Verlaine et Victor Hugo. Encore que Verlaine, aujourd’hui je l’apprécie moins. Je sais, c’est pas les plus marrants. C’est pas les plus libres dans leur approche de la poésie non plus. Mais moi, dans la poésie, ce que j’aime ce n’est pas la liberté, c’est la contrainte. J’aime l’aspect puzzle. Faire entrer une narration dans un nombre de syllabes limité et respecter une certaine alternance des rimes masculines et féminines. Deux hémistiches égaux. Je trouve que c’est un bon exercice en ce qui concerne le rythme et la concision.

Bon et ben, en ce moment, rien ne me vient plus. Il y a quelques jours je me suis posé dans un bar vers 17h30 et j’ai pris un café, pour voir si l’ambiance des gens qui se la collent autour de moi réussirait à rallumer la petite flamme. Mais je n’ai pas pu aller plus loin que ça :

Cela fait bien longtemps que je n’ai pas écrit
Quelques alexandrins. J’avais pour habitude
—lorsque je picolais et menais la vie rude,
Triste, du célibat— pour étouffer les cris
Que je voulais pousser à la gueule du monde,
De composer des vers dans lesquels je passais
Mon angoisse et mes nerfs ; l’envie de tout casser ;
Le noble sentiment comme le plus immonde.

Vous voyez, je ne cherche pas à faire dans le lyrisme. Juste à raconter quelque chose, quoi que ce soit, en forçant le tout à rentrer comme je peux dans une forme imposée.

Allez, j’arrête là, il est bientôt 21h. Pour me faire pardonner de n’avoir encore pondu que du texte sans aucune photo pour aérer le tout, je vous laisse avec un petit poème que j’avais composé il y a quelque temps pour un certain magazine tellement underground que personne n’en a jamais entendu parler à part celles et ceux qui le fabriquent.

Jamais Victor Hugo n’écrivit de sonnet
Sur les aphtes buccaux ou les trous aux chaussettes.
C’est parce qu’il essayait de nous impressionner
En nous parlant de Dieux, de Patries, de Causettes.
Et pourtant lui aussi quand il mangeait des noix,
Ou parfois du cantal, ça lui collait un aphte.
Lui aussi il trouait ses socquettes de soie.
Il a bien eu du pot que personne ne cafte.
Enfin, le plus sérieux dans cette affaire-ci,
C’est qu’il ne rapportait pas tout ça de lui-même.
Qui fait des poésies pour parler de vessie
Capricieuse, ou de poils, ou de matins de flemme ?
Ou bien d’oncologie ? De bouffer du gigot ?
Ou des housses de couette ? (Ah, les housses de couette…)
C’est pas Victor Hugo ! C’est pas Victor Hugo !
Quel gros nul, celui-là. C’était une trompette.


#194 – Lyonniais #020 – Enfin seul

Ça y est, mon amie est partie pour vingt jours dans son pays natal. Je suis enfin seul, qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de tout ce temps et de tout cet espace ? Je sais ! Je vais pouvoir languir. Languir son retour. Peut-être pas tout de suite, mais à partir de demain certainement. Pourtant je me suis sacrément bien entraîné à rester seul, puisque j’ai été célibataire quatre années complètes avant de la rencontrer. Et je parle de célibat ferme, puisqu’en quatre années il n’y a eu qu’une seule aventurette d’une soirée. Négligeable diraient les mathématiciens, j’arrondis donc à quatre ans. Alors franchement, vingt jours, qu’est-ce que c’est ? C’est que j’ai dû vite prendre les mauvaises habitudes. En sept mois maintenant écoulés de relation, il s’est peut-être passé une trentaine de jours au total sans que nous nous voyions. Pas plus. Oh, riez, riez. Vous verrez quand ça vous tombera sur le nez, d’être aussi bien avec quelqu’un. Et appelez-moi ce jour-là, que je rie à mon tour. Car c’est toujours un véritable et risible spectacle chez les autres, bien qu’on ne voit pas le souci quand c’est à nous-même que ça arrive.

Enfin, corrigeons-nous un peu, j’aurais dû poser la question suivante : enfin seul, qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de plus ? Languir. Je ne m’interdis de rien faire en sa présence. Je ne vois rien d’autre car je ne suis pas rentré dans cette relation en renonçant à quoi que ce soit. Je ne gagne donc rien à l’absence de mon amie. J’y perds seulement quelques heures de rire, de discussions et de tendresse par jour. Ou alors si, à la rigueur, je vais pouvoir fumer à la fenêtre si je n’ai pas envie de descendre à la cour griller ma clope à minuit. Ah oui, je ne vous avais pas dit, j’ai recommencé à fumer pour la je ne sais combien-t-ième fois. Enfin bref. On n’est pas du genre à s’interdire des choses l’un·e-l’autre. Plutôt à s’encourager mutuellement et se réconforter. Mais je vais arrêter de vanter mon petit couple parfait, vous vous métriez à déprimer en pensant à l’imbécile avec qui vous partagez votre quotidien et au fait que vous avez vous-même choisi cette personne. À moins que la chose ne fut arrangée… Dans ce cas-là je suis bien sincèrement désolé pour vous. Il paraît que ça se fait toujours. Quant aux célibataires, comme je vous le disais j’en ai bouffé ma part. Solidarité.

Le seul véritable reproche que j’aurais à faire à mon amie, c’est de me laisser aller tout seul passer quatre jours dans ma famille pour noël. Ça, franchement, je ne l’oublierai pas. Enfin, si j’y survis.

Voilà pour vous lecteurs et lectrices. Maintenant, comme je sais que mon amie va lire le blog, je vais lui adresser quelques messages personnels qui ne vous regardent absolument pas et donc : je vous interdit formellement de lire la suite.

Allez tirez-vous, je vous dis.

Ma petite chérie, ce matin quand je suis rentré de t’avoir accompagné au covoiturage, je me suis rendormi et j’ai fait un rêve : je te parlais de musique, des vieux trucs, Brassens, Nougaro, et tu me répondais que de toute façon personne ne connaissait plus Nougaro aujourd’hui, même à Toulouse. Ensuite on se disputait fort en débattant de si les gens connaissaient encore Nougaro ou pas, moi je disais que oui, toi que non. Excédée, tu finissais par sortir prendre l’air toute seule. Ma famille, assise à table, qui assistait à la scène, me disait que c’était un peu normal, que je devais te saouler à force de te parler de culture française. J’ai voulu te courir après, mais j’étais en chaussettes. Donc j’ai pas pu.

Mon canard en sucre (afin de préserver un tout petit peu d’intimité, car je ne suis pas bien sûr que vous ayez arrêté de lire, les surnoms niais que l’on se donne ont été modifiés), après m’être levé, j’ai fait tomber un peu de chicorée sur le sol. Je ne pense pas la ramasser ce soir, mais plutôt demain. Quoique demain comme je vais faire du bénévolat toute la journée, je serai peut-être trop fatigué pour le faire. Je la ramasserai sans doute avant de partir lundi. Ou dans tous les cas, je l’aurai ramassée avant que tu rentres le 9 février.

Mon roudoudou des prairies, j’ai bien fini de faire les cadeaux pour ma famille. Mon compte bancaire est à -20€, tu as bien fait de faire les courses avant de partir. Comme je sais que tu veux que je mange bien même pendant ton absence, ce soir je vais finir le bocal d’olives et si j’ai encore faim je me ferai des nouilles chinoises, pour un repas équilibré.

Ma cerise des déserts d’Arabie en fourrure, quand je suis sorti acheter les cadeaux tout à l’heure, j’ai oublié d’éteindre le chauffage. Heureusement, l’appartement n’avait pas brûlé à mon retour. Heureusement aussi, je n’avais pas oublié de prendre mes clés. Mais tu t’en doutes, sinon je ne pourrais pas t’écrire ces messages, surtout que j’avais oublié de prendre mon portable.

Ma colonne de temple grec en saumure, je vais m’arrêter là parce que je suis sûr que ces fumiers de lecteurs et de lectrices n’ont pas du tout arrêté de lire, alors le reste je te le dirai au téléphone tout à l’heure. De toute façon comme tu peux le voir, ici tout va bien.

Bisous, je t’aime.

P.S. : Je viens à l’instant de faire tomber le bol dans lequel j’avais mis tous les noyaux d’olives par terre. Promis, je l’aurai nettoyé avant ton retour.

#193 – Lyonniais #019 – Maurice Tézenas (1/1)

On me fait parvenir quelques mots d’encouragements, on me refile des tuyaux pour ne pas lasser ni me lasser moi-même en tenant le blog quotidiennement. Merci beaucoup à vous, ô ânmes charitables. On m’invite à traiter des sujets qui resteront les mêmes pour une semaine ou un mois, et on me propose même un thème exemple (choisi aléatoirement) ! Comment refuser cette aide après m’être apitoyé sur mon sort ? Je ne le peux décemment pas, et comme je n’ai pas beaucoup de temps car ce soir je veux passer du temps avec mon amie qui s’en va demain pour presque un mois, je ferai comme l’élève à qui l’on donne un exemple pour un exercice d’invention et qui, au lieu d’en conserver la méthode et de trouver son propre sujet, garde le sujet de l’exemple et ignore la méthode.

Le thème est donc… suspense… sauf pour ceux et celles ayant lu les commentaires sous l’article d’hier… Maurice Tézenas ! (et puis au final je l’ai mis dans le titre, y a vraiment rien à sauver…) Et je le traiterai non pas tout au long de la semaine, mais simplement aujourd’hui. D’ailleurs, je suis tellement pressé que je vais simplement vous restituer de mémoire ce que j’en ai appris sur Wikipédia. C’est parti.

Maurice Tézenas n’est, à la surprise de celles et ceux qui lisent trop vite, pas né à Pézenas et n’a donc pas connu Molière à sa naissance. D’autant qu’il vécut à cheval entre le XIXe et le XXe siècle car, même si cela peut sembler étrange à la jeunesse d’aujourd’hui, le cheval était encore le principal moyen de locomotion à cette époque. Où était-il né si ce n’était pas à Pézenas ? Eh bien, à Montbrison ! Étrangement quand j’ai lu Montbrison, j’ai pensé « prison de Montbrison », mais franchement je ne saurais pas vous dire pourquoi. Sans doute est-ce la rime riche.

À quoi donc Maurice occupait-il ses journées ? Il était avocat. Ceux qu’on trouve au tribunal évidemment, ce n’est pas parce que j’ai fait deux mauvaises blagues au début du paragraphe précédent que je vais me permettre de dire qu’il était un fruit climactérique originaire du Mexique. Ça n’aurait aucun sens puisque je viens de vous l’expliquer, il était né à Montbrison. Montbrison… La prison de Montbrison… Après une brève recherche je me rends compte que non, définitivement, il n’y a toujours rien de particulier concernant cette prison, qui d’ailleurs fut fermée il y a bien longtemps. Enfin, on va pas y passer la soirée. Maurice était avocat et défendit acteurs, chanteurs, écrivains, journalistes, libraires, autant que magistrats, hommes politiques de tout bords, militaires et nobles. Je vous laisse en tirer vos propres conclusions.

Il se fit démarcher par les boulangistes, qui sans doute pensaient que les boulangers étaient les mieux à même de gouverner la République (je ne sais pas, je n’ai pas eu le temps de regarder la page Wikipédia les concernant) mais il ne répondit pas à leur appel, ayant certainement quelque préférence pour les pâtissiers, ce qui laisse à penser que le monsieur était un peu élitiste sur les bords.

On apprend également qu’il fut avocat pro bono du commandant Esterhazy. Mais est-il nécessaire que je fasse une blague au sujet du groupe U2 ? Je ne sais pas, ç’aurait sans doute était préférable au fait d’avouer qu’à l’époque où l’on abordait l’affaire Dreyfus en cours d’histoire, je devais sans doute encore dessiner de zizis dans les marges, j’aurais eu l’air moins bête, car ce commandant Esterhazy, je ne sais absolument pas de qui il s’agit.

La prison de Montbrison… Mais si ! La prison de Montbrison, c’est la prison qu’attaqua Louis Mandrin pour en libérer les prisonniers afin de grossir les troupes de son gang de contrebandiers ! Ah Mandrin, lui c’était pas n’importe qui ! Lui il a une chanson à son nom, la complainte de, que ça s’appelle, pas comme ce Maurice Tézenas qui mourut comme un con dans son château à Bligny ! Ah, eh ben, ça valait le coup d’être avocat ! Faut qu’un mec se plaigne de pas savoir quoi raconter sur son blog pour qu’on se souvienne de vous. Remarquez, les avocats sont utiles. J’aimerais pas me retrouver devant un juge dans un pays où il n’existe pas d’avocats. C’est un coup à finir sur la roue.

Bon, sinon, si vous voulez un bon article sur la prison de Montbrison, c’est ici que ça se passe, et c’est aussi là que j’ai retrouvé pour quelle raison j’associais les deux mots, je vais pas faire semblant de m’en être souvenu tout seul, ce serait vraiment pas beau.

Demain nous parlerons de tout à fait autre chose, mais merci Feldo, c’est encore une note de torchée grâce à toi.


#192 – Lyonniais #018 – Faudrait que je trouve de meilleurs titres, mais pour m’inspirer il me faudrait de meilleurs textes

Seulement comment écrire de meilleurs textes quand on s’impose d’en publier un chaque jour, sans pour autant s’autoriser à en écrire d’avance les jours où l’on a la verve en érection ? [riez]

L’une des solutions possibles serait d’y consacrer plus de temps. Combien d’heures est-ce que je prends chaque jour pour rédiger ces articles ? Une à trois, selon ce que j’ai à dire où s’il me faut ou non me documenter pour ne pas trop raconter de conneries. Quand c’est une je me réjouis, quand c’est trois je ne me félicite pas ; c’est trop pour une activité journalière qui n’est qu’un entrainement à la discipline et à développer une certaine aisance dans l’agencement des idées et des mots (pratique dont je ne compte même pas faire carrière même si, ne nous mentons pas, si on me proposait une petite chronique hebdomadaire où mensuelle rémunérée dans un média qui me plaît à peu près, je ne refuserais sans doute plus aujourd’hui). Une heure et demie devrait être un grand maximum.

Une autre solution serait de choisir une thématique dont je ne m’éloignerais jamais. Au moins la question du sujet ne se poserait plus chaque jour. Par contre je risquerais d’être vite bloqué niveau connaissances car il n’y a pas véritablement de domaine dont je sois un grand spécialiste. L’avantage serait également d’attirer un public particulier, au lieu d’être tellement dispersé que personne ne se sent réellement concerné. Mais c’est comme ça, je suis de nature à picorer un émerveillement par-ci, une colère par-là, une tranche de vie à gauche, un texte absurde à droite, des questions sans réponses un peu partout et des digressions dans tous les coins. Ça se ressent certainement dans ce que j’écris. D’ailleurs, si les quelques lectrices et lecteurs fidèles à mon blog s’y retrouvent, c’est sans doute qu’elles et ils me ressemblent un peu.

Car évidemment, même si je fais tout ça pour moi en premier lieu, je ne manque pas de m’interroger sur l’intérêt que peut avoir la note que je suis en train de rédiger pour un·e éventuel·le lecteur·lectrice. Et je dois avouer que je n’en trouve pas souvent. Je me dis alors tant pis, et je me dis aussi on verra bien, et puis je me dis encore je n’ai rien promis à personne. Je pense honnêtement que c’est la meilleure technique pour ne pas simplement abandonner. C’est vrai, j’aurais aimé que ce blog foisonne de textes sur la musique, l’image qui bouge ou pas et les jeux, de portraits, de réflexions, d’impressions, d’appels à la curiosité, de points de vue décalés, de franches rigolades, de sourires en coins, et de tout ce que vous pouvez imaginer, en même temps que d’être un témoignage de l’époque et du petit coin de terre au cœur desquels il s’est fabriqué… Mais je n’ai pas une vie assez pleine d’activités variées et continuellement renouvelées pour ne pas me retrouver deux jours sur trois avec seulement mon absence d’inspiration à mettre en scène. Alors je continue, et puis on verra bien, et de toute façon je n’ai rien promis à personne. Vous voyez ? Ça marche.

Une troisième solution serait de poster moins souvent. Une fois par semaine, une fois par mois… Mais c’est franchement une mauvaise solution. Si je me mets la pression tout seul pour publier chaque jour une note, je me l’enlève d’un autre côté par le fait que c’est une bonne excuse pour ne pas produire quoi que ce soit de haute qualité. Si j’avais plus de temps devant moi, il faudrait au moins que j’assure de ce côté-là, et ça je ne sais pas bien si je serai capable de le supporter. C’est que je ne me fais pas trop d’illusion ni sur ma non-forme ni sur mon non-fond. D’autant que c’est en faisant qu’on a une toute petite chance de devenir bon à faire ce qu’on fait, ça je tente de ne pas l’oublier non plus. Remarquez, si je ne faisais rien, je deviendrai donc bon à ne rien faire, ce qui est très légèrement mieux que de n’être bon à rien, mais vraiment très légèrement. Plus sérieusement, si je n’écrivais pas tous les jours, je pense que je n’écrirai quasiment jamais.

Lecteur ou lectrice, tu dois bien te demander ce que tu fous là, sur le blog d’un blogueur qui ne sait lui-même pas vraiment ce qu’il fait là. Peut-être qu’au bout de cent et quelques articles, tu commenceras à en avoir une petite idée, ou peut-être que tu te rendras simplement compte que tu as perdu un temps précieux à lire les conneries de cette pauvre andouille de Lyonniais. Lire les écrits d’un écriveur qui ne sait ni ce qu’il veut écrire, ni pourquoi il tient tant que ça à écrire, ça me rappelle l’aphorisme suivant, qui n’en est pas vraiment un, tiré d’un recueil d’aphorismes (par ailleurs pas terrible) de François Rollin, et on se laissera là-dessus :

« Jouir, d’accord, mais dans quel but, exactement ? »

#191 – Lyonniais #017 – Allo ? Tu vas pas me croire !

Aujourd’hui, j’ai été contacté par la police. Je vous rassure toute de suite, ce n’est absolument pas vrai, mais ayant passé ma journée à dormir, manger, étendre le linge ou mixer de la courge, il faut bien que j’invente quelque chose. Veuillez donc me faire l’obligeance d’imaginer que tout ce qui va suivre est vrai. Aujourd’hui, je disais donc, j’ai été contacté par la police. Alors que je mixais bien tranquillement une courge, sifflotant l’air connu ∼Bad boys, bad boys, watcha gonna do ? Whatcha gonna do when they come for you∼, mon téléphone sonna soudainement. Oui, alors là j’essaie de mêler le faux et le vrai pour donner plus de crédibilité à mon récit. Je ne sais pas si c’est très réussi, vous me direz. Je sifflotais, donc, et mon téléphone sonna soudainement. C’était en effet cette sorte de coups de téléphone qui sont soudains. Il y a des coups de téléphone qui arrivent plutôt progressivement, voire même en vous prévenant un peu à l’avance, mais là non. Je lâchai donc, surpris, ma courge et mon mixeur à bras pour répondre, non sans m’être bien essuyé les doigts auparavant. Je précise qu’il s’agit d’un mixeur à bras car les mixeurs qui ressemblent à des sortes de carafes avec une hélice au fond ne méritent franchement pas qu’on les appelle mixeurs. Pourquoi ? Parce que la plupart du temps ils ne mixent rien de ce qui se trouve sous l’hélice, mixent à peu près bien ce qui se trouve au niveau de l’hélice sur une tranche de, disons, un centimètre et demi, et ne mixent  toujours rien de ce qui se trouve plus haut que l’hélice. Enfin, sauf si le mélange est assez liquide, évidemment. Ça marcherait donc sans doute assez bien pour la soupe de courge, mais pour du houmous ou de la purée de cacahuète, excusez-moi, mais c’est un non ferme et définitif. Avec un mixeur à bras, a contrario, on mixe tout. Vous allez me dire que pourtant j’ai explosé mon mixeur à bras quasiment neuf il y a quelques jours à peine en réalisant une purée de cacahuètes —et là nous sortons un peu de la fiction mais il y a des choses qu’on ne peut pas s’interdire de dire sous prétexte de divertir le lecteur ou la lectrice, non vraiment, c’est ma conviction intime, il y a des questions trop importantes pour être évitées et sur lesquelles on se doit d’être transparent vis-à-vis de son lectorat, et je crois, vous me contredirez si vous pensez que je me trompe, qu’il s’agit là d’une de ces questions—, et vous aurez raison. En effet, mon mixeur à bras quasiment neuf à explosé de l’intérieur il y a quelques jours dans une grande odeur de plastique brûlé, me laissant face à un demi kilo de poudre de cacahuète à peine collante et parsemée de gros morceaux. Seulement, c’était peut-être uniquement un problème sur cette série de mixeurs, et je continue de croire qu’il vaut mieux, dans tous les cas, utiliser un mixeur à bras qu’un mixeur en forme de carafe avec une hélice au fond. Que ce soit pour une soupe de courge, pour un houmous ou pour une purée de cacahuètes. « Allo ? fis-je. – Oui allo, c’est la police. – C’est pourquoi ? – Eh ben euh, voilà, on est bien embêtés avec mon collègue, mais le chef nous a demandé de vous demander d’agir un peu plus en adéquation avec votre apparence. – C’est-à-dire ? – Eh ben euh, vous avez les cheveux longs, vous êtes barbu ou au mieux mal rasé, vous vous habillés – « habillez » – Oui, habillez, pardon, en loques et vous passez votre temps à lire des articles de journalistes gauchistes soixante-huitards aux terrasses des cafés en fumant des cigarettes à rouler de la marque Pueblo. – Vous êtes bien renseignés, mais quel est le problème ? – Eh ben euh, c’est que, quand vous passez à côté des manifs, nous, on ne sait plus si on doit ou non vous taper dessus. – Mais, je ne vais quand même pas mettre un gilet jaune pour vous faire plaisir ? – Peut-être pas un gilet jaune, d’autant que la plupart sont des travailleurs ou de droite et que vous vous ressembleriez plutôt à un clochard, mais une petite banderole « étudiants en colère » au moins… – Bon, écoutez, ça va bien maintenant. Déjà que je reste au RSA pour coller à l’image que mes parents se font de moi ! Je ne peux rien faire de plus pour vous. Au revoir messieurs ! » Et je raccrochai. À dire tout à fait vrai, je ne sais pas pourquoi j’invente cette histoire de police, bien que (j’en suis sûr) elle ne vous ait pas laissé insensibles, car ce matin avant de me rendormir et puis de manger et de mixer la courge et d’étendre le linge, je suis également aller faire un bilan de la vue chez l’ophtalmologue. Et là, attention l’aventure ! Quelle ne fut ma surprise quand lisant mon ordonnance pour de nouveaux verres, je découvris que ma myopie s’était semble-t-il améliorée ! Le médecin ne m’ayant pas touché un seul mot durant tout l’entretien, je ne savais pas trop qu’en penser. J’ai été cependant vite déçu en lisant sur internet que ce n’était certainement pas le cas et qu’on m’avait sans doute sur-corrigé par le passé. Ou alors que c’est quelque chose de beaucoup plus grave. Non, tout bien réfléchi j’ai eu raison d’inventer cette historiette, je sens que vous vous en souviendrez longtemps. Allez à demain.