Voilà maintenant plusieurs mois que le blog s’est arrêté. Ah ! ce qu’on veut faire et ce qu’on fait. À mesure que les années passent on apprend à constater de mieux en mieux et non sans un léger découragement que le fossé séparant un idéal lumineux de sa concrétisation n’est en vérité pas un fossé mais un océan aux profondeurs insondables.
Alors, que s’est-il passé ? Eh bien, tout d’abord, le jour même où je devais mettre à jour le blog, mon fournisseur internet a décidé que j’avais déjà déménagé, ce qui n’était pas le cas, et me surprit donc fortement. Je ne me souviens plus bien si je lâchai à cette occasion un petit « oh ! » d’étonnement ou vociférai plutôt un grand « putain de bande de connards de merde de fils de coulures de merde la con de leurs morts de merde ! » Me connaissant un peu, j’opterai pour la seconde proposition. Ensuite, lorsque presque un mois plus tard la connexion fut rétablie, j’avais perdu mes bonnes habitudes de rédaction (okay, j’avais déjà gravement perdu la motivation avant, pas la peine de m’accabler, bande de pinailleurs et yeuses) et, pour être totalement honnête, j’avais en prime les soucis qu’on peut avoir lorsqu’on décide de déménager dans une ville inconnue au pied levé et qu’on est sans le sou. De plus, je vivais un amour naissant, ce qui prend beaucoup de place et dans la tête et dans le cœur et dans les parties situées un peu plus bas qu’on évite de nommer par pudeur alors qu’en fait on a tous les mêmes et que ce n’est pas sale et qu’on se les lave même plus souvent que la partie centrale de derrière le dos si peu accessible mais qu’on accepterait bien de montrer à qui le demanderait sans que cela ne pose aucune gène seulement personne ne le demande jamais à moins qu’on soit tatoué ce qui n’est pas mon cas. Enfin, voilà pour les excuses que personne n’attendait plus et dont tout le monde se fiche sans doute.
Montpellier, donc, est loin derrière, et avant que l’envie me prenne d’y retourner il se passera sans doute un beau paquet d’années, même s’il n’est pas impossible que des circonstances liées au parcours universitaire de mon amie, rendu quelque peu chaotique par les récentes réformes de sélection des masters, m’oblige à y revenir. Mais je vous préviens, si c’est le cas, je bouderai.
Je suis en train de me figurer qu’il me reste quatre photos de Gwlad dans mes tiroirs. Photo, donc :
Avant que je parte, on a fait une petite fête. Une petite fête où je me suis senti très mal à l’aise, comme toujours. Ah bon ? Oui. Mais pourquoi ? Beaucoup de mes amis étaient là. Et c’est un problème ? Bon ça suffit de m’interrompre avec vos questions. C’était un problème, oui, parce que, comme aux anniversaires, je ne sais pas où donner de la tête. Il faut voir tout le monde, ne négliger personne, surtout ceux et celles qui viennent de loin, surtout celles et ceux qu’on n’a pas vu depuis longtemps, surtout ceux et celles qui ont toujours été là et qu’on voudrait tant remercier de nous avoir aidé à traverser ces dernières années sans devenir totalement fou, bref, tout le monde, quoi. Or, si l’on veut causer à tout le monde, on finit par n’avoir le temps de passer véritablement du temps avec personne. S’ajoute à cela le fait que je ne suis vraiment à l’aise qu’en très petit comité et que trente personnes dans mon salon, c’est vingt-huit à vingt-neuf personnes de trop pour que je ne commence pas à me sentir totalement noyé par ma timidité. Évidemment, dans le fond j’étais heureux, mais les rapports sociaux de groupe font naître en moi, depuis une petite dizaine d’années, trop de sentiments conflictuels pour que je puisse vraiment apprécier ce genre d’évènements. Et en même temps, j’allais pas partir comme un voleur. Bref, c’était la merde dans ma caboche, j’étais content, j’étais anxieux, je voulais voir tout le monde et disparaître de l’univers en même temps. Et démerde-toi avec ça, Mufasa.
Depuis, je n’ai pas beaucoup donné de nouvelles à mes amis et mies du sud. Remarquez qu’auparavant je n’étais pas un fervent adepte du téléphone ou de l’e-mail non plus, pas d’avantage que de la carte postale ou de la belle lettre manuscrite, mais bon, on se croisait de temps en temps. Les gens savaient à peu près que quelque soit mon état psychologique, mon corps était encore à peu près vif. Aujourd’hui, je dois les inquiéter un peu. Sans raison d’ailleurs. Je ne me suis pas aussi bien porté depuis des années, même si le passé que chacun traîne comme un poids mort —le mien pas moins que celui d’un·e autre— et les aspirations entravées par divers obstacles réels ou simplement redoutés étant ce qu’ils sont, chaque jour n’est pas forcément un long orgasme tranquille. L’amour est toujours là, plus tendre et plus vivace que jamais, les finances ne sont pas autant dans le rouge qu’on aurait pu le craindre, et j’ai même une petite idée de la manière dont je compte consolider mon petit bonheur au cours des mois qui viennent. Bref, tout roule. Pas d’intenses frustrations, pas de désespoir sans fond. Simplement un peu de culpabilité causée par mon absence d’interactions, justement, avec celles et ceux qui ont partagé ma vie ces dix dernières années. Je fais sans doute un petit blocage sur ces dites années récemment écoulées. J’évite sans doute de trop me remémorer les mois et le moi passés, car encore douloureux, en me coupant un peu de tout ce qui faisait mon quotidien d’alors. Je me concentre sur la nouveauté, l’inconnu à venir, les espaces à investir et les liens à nouer. Je me remodèle un peu, et pour ça, j’ai besoin de m’oublier d’une certaine manière, comme on recouvre les cicatrices par des tatouages, mais encore une fois, suivez, moi, j’aime pas les tatouages. Il paraît que ça fait mal. Il ne se passe pourtant pas un jour (et c’est pas une façon de parler) sans que je pense à Dada, Koinkoin et Ponpon, à Gwlad, Yan et Yann, à Vince et Raph, Hervé et Myriam, les Wonder Women de La Coloc Saison 2, et tous et toutes les autres. Mais voilà, je n’entre pas en contact bien souvent avec eux. J’ai toujours eu cette tendance de toute manière, par périodes. Je me refaçonne et pour ça j’ai besoin de me détacher un peu je pense. J’espère simplement qu’on ne m’en veut pas trop. Je sais très bien ce que je dois à qui, et je dois énormément à un tas de gens qui ne m’ont jamais lâché en temps de galère. Je ne nie pas le fait que ce comportement soit un tantinet égoïste et révèle cette propension certaine à l’ingratitude qui a toujours plus ou moins été la mienne, surtout quand j’ai moi-même tant sollicité d’attention dans les nombreux moments où j’étais au fond du gouffre. Il bien faut assumer ses côtés pas bien beaux. On n’a pas d’autre choix que d’assumer de toute façon, personne n’est dupe. J’ose croire que si l’une de ces personnes se sentait dans le besoin, elle n’hésiterait tout de même à me contacter quel que soit le temps qui s’est écoulé entre nos derniers échanges, parce que si je m’éloigne un peu du passé proche par périodes, chacun·e sait que je n’érige aucun mur, que je ne brise aucun pont. Ce n’est pas un choix que je fais consciemment, c’est seulement une analyse, sans doute erronée, de mon attitude que je propose ici, avec le peu de recul de ces trois mois passés. Et ça j’espère qu’ils le savent, ça, cette bande de petites merdouilles.
J’ai l’impression d’avoir un peu cassé l’ambiance avec tout ça. Quelle ambiance ? Oh, hé, si c’est pour être aussi agréable, taisez-vous. Puisque c’est comme ça je vais me poser les questions moi-même. Alors, et Montpellier, la ville, dans tout ça ? Ses petites rues, ses bas immeubles blancs, son grand ciel bleu, ses foules d’étu/men-diants et diantes qu’est-ce que ça m’évoque aujourd’hui ? Ben… j’y pense rarement à vrai dire, à la ville en elle-même. J’avoue que le soir où quelques flocons sont tombés il y a deux semaines de ça, je me suis demandé si je n’avais pas commis une grave erreur en prenant si peu en compte le climat lors de mon déménagement, mais ça n’a pas duré très longtemps. Ce que j’aime avant tout quand je suis à l’extérieur, c’est de me promener dans des lieux que je ne connais pas, d’observer des paysages inédits, d’imprimer des images jamais peintes jusque alors sur ma rétine. À Montpellier, j’avais fait le tour. Bien sûr, le parc Méric et la réserve naturelle du Lez, ainsi que les petits sentiers entre Lattes et Palavas étaient toujours bien agréables à arpenter, et si je passe faire un tour dans le coin un de ces quatre je ne manquerai pas d’y poser mes fesses le temps d’un pique-nique, mais pour le reste, je m’en étais lassé. D’ailleurs, ce blog même n’était que l’une de mes multiples tentatives de me réconcilier avec cette ville dont j’espérais partir il y a bien longtemps déjà. Puisque je n’avais aucun projet ailleurs, puisque là au moins j’avais des amis et un logement, je me disais que quitte à devoir y rester, autant trouver un moyen de m’y faire m’y sentir chez moi. En 2012 je n’en pouvais plus, en 2014 je me suis fait à l’idée que je n’allais pas pouvoir en partir tout de suite et j’ai commencé à envisager chacun de mes projets en les pensant à long terme dans cette ville. Alors voilà, soyons honnête, cette ville ne me manque pas. Le climat par contre… Mais c’est sans surprise.
À ce point du texte, si vous n’avez pas encore décroché, vous vous dites sans doute que si c’était pour écrire un machin aussi long dont tout le monde aurait pu deviner le contenu, c’était pas la peine que je me remette au clavier. Mouais. Vous avez pas totalement tort alors je ne dirais rien pour cette fois. N’empêche que, contrairement à ce que semblait craindre Feldo dans les commentaires d’un des billet précédent en demandant : « Est-ce que ce blog va survivre à la naissance de lyonniais.com ?? », c’est un peu le contraire qui s’est produit ; lyonniais.com n’est jamais réellement né, faute d’avoir conclu, au moins temporairement, mes chroniques Montpelliériennes. Je ne pouvais pas me résoudre à commencer le nouveau blog sans symboliquement clôturer le précédent d’un dernier message, mais, sans doute pour des raisons analogues à celles de ma presque-absence de contact avec mes amis·es du sud, je n’avais pas envie de revenir parler de Montpellier. Ben voilà. C’est fait. De toute façon, j’imagine que plus personne ne vient ici depuis bien longtemps, c’est plus pour moi que pour vous.
Enfin, si à tout hasard il en reste quelques unes ou quelques uns qui zonent dans le coin, sachez qu’à partir de demain, donc, lyonniais.com devrait voir un billet par jour (et je sais que je vais aussitôt regretter cette annonce, mais voguons de yeaulheaux en quarpédièmes on aura bien tout le loisir de s’en mordre les couilles demain) animer son unique colonne (car la sobriété, c’est beau). Oui, cette phrase est cheloue, mais j’avais déjà « lyonniais.com devrait voir un billet par jour… » avant de me rendre compte qu’il allait être très difficile de la terminer d’une manière naturelle, seulement je n’ai pas voulu céder. C’est que j’ai mon petit caractère. Et surtout je suis trop feignant pour retaper du départ une phrase de plus de quatre mots. Plaignez vous à vous-même. On lit les blogueurs qu’on mérite.
Allez, la bise. À bientôt et merci.