Aujourd’hui je m’y prends tôt. En fait on pourrait dire que j’expédie, car j’ai toujours le nez plongé dans les vocaloids et je compte bien l’y laisser. À la différence que maintenant fini les pipi-caca. Je commence à entamer les grands travaux. C’est fou ce qu’on peut faire avec ce machin. De la pop à deux ronds comme d’harmonieuses polyphonies qui feraient se lisser les bacchantes au plus fortuné des aristocrates. C’est pour l’image. Les polyphonies, ce n’est pas de la musique d’aristocrate, ça se retrouve dans beaucoup les cultures, et c’est une façon très populaire de chanter ensemble. Je précise parce que j’ai en tête une discussion en ligne ou ça causait de musique et cinéma, et ou quelqu’un dont j’ai oublié le pseudo pointait très justement du doigt le fait que c’était toujours les méchants fortunés qui écoutaient de la musique classique. Essayons donc de nous départir de ces mauvais réflexes. La polyphonie, c’est tout simplement deux personnes ou plus qui chantent ensemble mais pas les mêmes notes. Ça donne très rapidement quelque chose d’émouvant.
Je ne vous l’ai pas expliqué, mais vocaloid, c’est tout d’abord un logiciel. Un séquenceur midi. Seulement il y a aussi les vocaloids, ou loids, qui sont des chanteuses et chanteurs virtuel·les. Il y en a beaucoup. Pour tous les goûts, j’ai envie de dire. Même si je pense que le simple fait que les voix soient factices et pour la plupart chantent en japonais en rebutera plus d’un très vite. Tant pis pour celles-ci et ceux-là, z’ont pas les oreilles assez élastiques. Il y a donc des voix masculines, des voix féminines, des voix haut-perchées et d’autres tout dans les graves. Il y a des voix cassées, des voix cristallines, des faites pour le rock, d’autres pour les berceuses. Vous vous rendez compte de la manière dont je qualifie de fausses voix générées par des ordinateurs ? Allé, je vais vous en donner un petit exemple. Sans aucun mot, juste des [ä].
Alors ? Là je n’ai même pas bidouillé les paramètres. C’est ce qui sort directement avec cet·te artiste virtuel·le androgyne quand on place les notes qu’on veut où on le veut. Et on peut vraiment bidouiller. Ça fait réfléchir sur l’avenir de la synthétisation des voix hein ? Car ce n’est que le début. Ça doit aussi effrayer quelques chanteurs et chanteuses de certains milieux de la pop. Moi ça va, je ne suis pas chanteur, alors je m’en fiche.
Bref, tout ça pour vous dire que j’y retourne, et pour vous expliquer pourquoi hier j’ai oublié d’écrire et n’ai posté la note qu’in extremis, un quart d’heure avant minuit. C’est que je suis tout entier accaparé par ce nouveau jouet.
…quand on raconte parfois qu’on a presque oublié d’écrire sur le blog, mais aujourd’hui c’est vrai. Il est 23h35 et mon amie me dit : « Tu as écrit ta note de blog ? » Euh… Non. C’est qu’après les logiciels de montage, que je continue d’utiliser bien que l’inspiration s’amenuise, j’ai encore trouvé un nouveau joujou. Je vous en avais peut-être déjà causé ici ou là, il s’agit des vocaloids. Ce sont des synthétiseurs qui permettent de faire chanter votre ordinateur d’une manière plus ou moins naturelle. Pour l’instant surtout en japonais et en anglais. Je connaissais de nom, mais là… Je n’en avais jamais eu sous la main jusqu’à aujourd’hui. Vous imaginez donc qu’avec un truc pareil à expérimenter je n’ai pas pensé au blog. J’étais trop occupé à faire chanter à v4flower : カカアアアアアアア, ピピイイイイイイイ. Cherchez pas. C’est phonétiquement « caca » et « pipi » dans l’un des syllabaires japonais. Ben oui, je m’y connais pas encore assez en japonais pour fignoler des paroles comme il faut en même temps que je compose et que je teste toutes les possibilités du machin, alors je fais avec ce qui me vient. Ouais… Ce qui me vient tout de suite, c’est caca et pipi… Ben je sais pas quoi vous dire. Je fais chanter des polyphonie à mon ordinateur sur des paroles scato et, honnêtement, je trouve ça fabuleux.
Hier, je me suis mis en tête de vous causer, de temps à autres, de compositeurs et compositrices Lyonniais·es. Pas de contemporains, quoi que ça pourrait venir (c’est qu’il faut bien le remplir ce blog et qu’à la longue je risque d’être à sec niveau sujets), mais des vieux et des vieilles ! Et c’est comme ça que je suis tombé sur Gaultier le Vieux. Enfin, Gaultier de Lyon. Enfin, Ennemond Gaultier. Ouais… On y reviendra.
Donc, au hasard de mes recherches, je trouve deux partitions pour clavecin issues du Manuscrit Bauyn. Un vieux recueil de pièces pour… Pour…? Clavecin. Très bien. Alors, les titres… Sarabande de Mr Gaultier et Canaries de Mr Gaultier. Okay. Apparemment, c’est pas ses morceaux les plus connus, d’autres de ses compositions portent le même nom, mais a priori ce ne sont pas les mêmes. Voyons voir ce que ça donne. Je lance mes logiciels de musique et je commence à y recopier note par note les partitions. Entre temps, je suis allé faire un petit tour sur Wikipédia où j’apprends que ce brave Ennemond n’était pas du tout claveciniste, mais luthiste. Bon, mais après tout, on peut très bien jouer d’un instrument principal tout en composant pour n’importe quel autre instrument.
Une fois la sarabande notée dans mon logiciel, j’y colle donc un beau son de clavecin et je lance le playback. Hum. C’est pas beau. Ça ne sonne pas clavecin du tout. Mettons-y un son de luth, et quelques percussions vite faites. Et maintenant ?
Ça passe un peu mieux. Alors, oui, vous allez me dire que normalement, une sarabande, c’est plus lent que ça. Hein que vous allez me le dire ? Allez-y, dites le moi. Ah ! Et bien vous vous plantez. Vous n’aviez qu’à mieux vous documenter, ou, comme moi, simplement lire en vitesse quelques infos sur Wikipédia. La sarabande, donc, est à la base une danse rapide qui nous vient d’Espagne ou d’Amérique du Sud, on sait pas bien. On ralentira son tempo au cours du temps, mais on estime qu’à son introduction en France, entre les années 1620 et 1630, elle est encore rapide et ne deviendra la sarabande lente, on pourrait dire baroque, qu’à partir des années 1700 environ. Or, Gaultier vit de 1575 à 1651. Et toc. Bon oui, d’accord, la sarabande serait originalement supposée être accompagnée de castagnettes et moi j’ai mis des sortes de tambourins. Ben d’une j’avais pas de castagnettes sur mon logiciel, et de deux c’est pas parce que dans l’Espagne du XVIe siècle elles étaient accompagnées de castagnettes qu’elles l’étaient également en France au XVIIe siècle. Et re-toc.
Une fois la sarabande terminée, je m’attaque aux canaries. Ce n’est qu’un morceau hein, très court d’ailleurs, ça s’appelle canaries avec un s, mais c’est une seule pièce. Le moyen français c’est relou. Là, pareil, je refais bien toute la partition dans mon logiciel, j’y fous du clavecin… et c’est de la merde. Je repasse en son de luth et voilà ce que ça donne :
Certains clavecins disposent d’un jeu luthé, c’est-à-dire qu’une petite barrette couverte de feutre ou de cuir qui vient s’appuyer sur les cordes pour en étouffer le son et donner l’impression qu’on joue du luth, il est donc possible que ces deux pièces aient été composées pour qu’on les joue de cette façon (sauf que j’ai pas cette option sur mon logiciel), mais il est également possible que ce soit des adaptations pour clavier de tablatures pour luth. Et oui au passage, les tablatures, ça remonte à loin, ce ne sont pas les « partitions pour les nuls » que beaucoup se figurent.
Les canaries donc, ou la canarie plutôt, est encore une fois une danse avant tout. Que nous dit Wikipédia en français ? Vraiment pas grands chose. Et en anglais ? À peine plus. Et en allemand ? Ah, là y a de l’info, là c’est pointu ! Seulement je cause pas allemand, enfin plus que très mal. Ce que j’ai réussi à comprendre de tout ça, c’est que c’est une danse qui nous vient des îles Canaries, qui a été très populaire en Europe au XVIe et au XVIIe siècles, et que généralement son tempo est plus rapide que celui d’une gigue. Et démerdez-vous avec ça. Je pense du coup que ma version n’est pas assez rapide, mais écoutez hein, ils n’avaient qu’à être plus précis dans les instructions sur la partition. Déjà qu’on n’est pas sûrs que ce soit une pièce pour clavecin à la base, et qu’on n’est même pas sûrs que ce soit Ennemond Gaultier et pas son cousin Denis, qui était aussi luthiste, le compositeur de ces deux morceaux ! Faudrait voir à faire un effort.
Est-ce qu’au moins ce Gaultier de Lyon est véritablement de Lyon, hein ? Ben non pardi ! C’est qu’il me ruine ma note de blog ce mec-là. Pour la peine on va l’appeler par son autre surnom, Gaultier le Vieux, ça lui fera les jambes. Gaultier le Vieux, donc, est né à Villette-Serpaize (à une petite trentaine de kilomètres de Lyon) en 1575 et serait mort à Les Nèves, qui serait aujourd’hui Salaise-sur-Sanne (à une bonne soixantaine de kilomètres de Lyon) en 1651. Niveau carrière : on dit qu’il aurait été page chez Antoinette de La Marck, Dame de Monsmorency, à l’age de sept ans ; on dit aussi qu’il aurait fait son apprentissage entre Toulouse et Pézenas, mais on dit également qu’il aurait d’abord travaillé à Lyon avant d’entrer au service de Marie de Médicis en 1620. Bref, on en dit des choses, et des choses pas sourcées. Vous voyez, c’est vraiment le merdier, et moi je ne suis qu’un simple blogueur, ni journaliste ni chercheur, qui s’est donné pour objectif de torcher un article par jour, alors ne comptez pas en apprendre plus ici parce que j’ai plus le temps. C’est déjà bien beau qu’on l’ait pas totalement oublié, Gaultier le Vieux pas vraiment de Lyon.
Cela fait bien longtemps que je n’ai pas écouté les nouveautés musicales. Jetons donc une oreille à ce qui se fait récemment. Où ça ? Sur itunes ? spotify ? deezer ? youtube ? —Ça vous embête que je ne mette pas de majuscule en début de phrase ? Même si ce ne sont des phrases nominales (disons nominables, plutôt. Une phrase constituée seulement d’une marque, c’est vraiment pas beau) ? Oui, eh ben c’est comme ça. Ce sont des marques qui payent très cher pour conserver leur image de marque. Je ne veux pas mettre de majuscules aux marques, je vous l’ai déjà dit. Mes règles l’emportent sur celles qu’on m’a apprises à l’école— On a du mal à choisir. Quand je vivais en Angleterre, de l’été 2009 à celui de 2010, tout le monde utilisait spotify. Le service n’était pas encore disponible en France. Lorsqu’il le devint, au cours de l’automne 2010, je m’abonnai direct. Non seulement on pouvait écouter un catalogue énorme en ligne, mais on pouvait également écouter tous les morceaux que l’on voulait hors-ligne. C’était le pied. Puis j’ai entendu dire que niveau rémunération pour les artistes, c’était vraiment l’arnaque. Alors j’ai arrêté mon abonnement et je suis passé sur itunes. Sur itunes on achète les albums. Non, c’est pas ça. Sur itunes, on loue les albums. Légèrement en dessous du prix du CD. Et on file du blé à apple. À un moment j’ai décidé ne plus acheter/louer sur itunes que les œuvres d’artistes mortes·s, et pour les autres j’essayais de les leurs acheter en passant par le moins d’intermédiaires possible, et par des plateformes qui leur prélevaient le pourcentage le plus faible sur leurs ventes. Via bandcamp par exemple. Mais lorsque j’ai demandé à l’un des artistes dont je comptais acheter l’album sur quelle plateforme il préférait que je le prenne, il m’a répondu : itunes. Plus on achetait son album sur cette plateforme, plus il avait de visibilité sur celle-ci, et c’est là qu’on trouvait les masses et qu’on risquait de bien vendre. Bon. Je ne suis pas certain qu’il ait jamais été visible entre kanye west et daft punk, mais si ça lui donnait de l’espoir…
Aujourd’hui, je vais juste écouter comme ça vite fait alors disons… deezer. Aïe. Ça me fait penser que non seulement je n’y ai pas d’abonnement, mais qu’en plus j’utilise des bloqueurs de pub. Je n’ai aucun scrupule à utiliser les bloqueurs de pubs d’une manière générale. On ne se paye pas en me pourrissant le crâne de slogans commerciaux sans m’en avertir afin que j’aie le temps de couper le son si je ne veux pas les entendre. Mais peut-être que par honnêteté je devrais tout simplement ne plus utiliser les services qui proposent de se payer comme ça. C’est vrai après tout. Rien ne m’y oblige, même pour écouter comme ça, à utiliser un service commercial sur internet. C’est juste la solution de facilité. Si je veux écouter de la musique avant d’en acheter, je peux très bien me rendre chez le disquaire du coin, et lui dire un peu ce que j’aimerai bien entendre. Il pourra ainsi me faire une petite sélection des nouveautés, et en plus on pourra papoter de tout ça ensemble. Si rien ne me plaît tant pis, ce sera pour la prochaine fois. Oui. C’est vrai, tiens. Finalement, je n’ai plus envie d’aller écouter de la musique sur l’une de ces grandes plateformes. Désolé, je m’étais un peu avancé. Pas de critique de musique aujourd’hui. Vous n’aurez qu’à me dire ce que vous avez bien aimé dernièrement dans les commentaires, et soit je vous ferai confiance, soit j’oublierai votre conseil dans la seconde qui suit.
Quand j’étais beaucoup plus jeune (treize/dix-huit ans), je pensais qu’il fallait tout télécharger gratuitement. Qu’il fallait faire la baise au majors puisqu’elles se goinfraient sur le dos des artistes qui ne touchaient quasiment rien. J’oubliais deux choses. La première c’est que quand on essaie de vivre de son art, presque rien c’est toujours mieux que rien du tout. Un·e musicien·ne peu connu·e signé·e sur une major a sans doute les moyens de se payer une baguette un jour sur deux au lieu d’un jour sur quatre. La deuxième, c’est que les majors ne s’effondreront jamais. Les gros patrons seront toujours là, les gros actionnaires aussi. Les petites mains, elles, se feront virer, remplacer par des machines. Un baisse de bénéfices de la grosse boîte ne fera qu’accélérer le rythme des licenciements des smicards. Ces licenciements sont inéluctables, c’est le progrès capitaliste, mais pensons aux humain. Qui tient son CDI un an et peut pourvoir à ses propres besoins et à ceux de ses proches s’économise cinq ans d’anti-dépresseurs. De la même manière les artistes les moins connus ou les plus originaux se feront lâcher en premier s’il faut faire de menues économies pour assurer des bénéfices max aux actionnaires, mais les gros produits commerciaux bien marketés, eux, seront toujours là.
Bon, je ne sais plus quoi faire moi. Je suis perdu. Et vous ? Comment contribuez-vous à la misère financière des artistes tout en profitant de leurs œuvres de votre côté ? itunes ? spotify ? deezer ? youtube ? occasion ? torrent ?
Salut à toutes, salut à tous ! Je vous l’avais dit, l’article d’aujourd’hui sera court. Pourquoi ? Pour contraster avec celui d’hier, déjà, pour ceux et celles qui ont pris le temps de le lire. Et ensuite parce que je vais devoir partir dans trente minutes et que je ne pourrais pas être de retour avant tard cette nuit. Donc, court. Pressé. Mal écrit. Sans relecture possible.
Si vous êtes vraiment en manque de trucs à lire et que vous avez raté les sept derniers jours, je vous conseille tout de même deux articles en particuliers. Pourquoi ces deux-là ? Parce que c’est ceux dans lesquels je parle des travaux des autres, c’est quand même plus intéressant que quand je vous raconte ma petite vie, et de façon longue, et moi j’aime bien les articles un peu longs. Ces deux articles sont :
Sinon, je peux aussi vous dire que ce soir, à la Friche de Mimi, 42 rue Adam de Craponne, quartier Figuerolles, c’est le retour du playback théâtre par la troupe Magma dont je vous parlais dans l’article (seconde partie) : Oulah ! J’ai failli marcher dans une œuvre d’art. Ce soir, le thème sera « le masculin » et c’est à 20h30. J’ai hâte de voir ce que les gens vont bien pouvoir raconter à ce sujet. Je vous le rappelle, ce n’est pas une pièce construite autour d’un thème, ce sont plein de petites impro par la troupe autour des histoires personnelles des spectateurs.
Et ben, vous voyez, ça fait trois articles au final. Et alors que dire à celles et ceux qui les ont déjà tous lus ? Il me faudrait plus de temps… Ah tiens, voilà, j’y pense, j’ai un petit texte inédit sur ce blog qui pourrait convenir.
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Soixante secondes dans une minute, soixante minutes dans une heure, soixante heures dans une journée. Le monde est bien fait.
Certes, les jours sont un peu longs, l’humain moyen fait trois siestes de sept heures pendant les phases ombragées. Enfin, cela ne change somme toute pas grand chose. Et surtout, soixante, qu’il soit divisé par deux, trois, quatre, cinq ou six donne un nombre entier ! C’est très utile en plus d’être très beau. Ce nombre est parfait.
Toutefois, malgré cette pureté mathématique, des mouvements sociaux ont été entamés. La classe ouvrière se plaint de ne plus arriver à boucler les mois de soixante jours. Les veaux !
En revanche, la longévité moyenne semble s’être allongée par un mystérieux effet collatéral. Cela peut paraître fou, mais le nombre de centenaires a explosé suite à la réforme des siècles de soixante ans.
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Voilà, voilà. Je sens que vous êtes soufflé·e. Un si grand talent littéraire qui tient dans un si petit blog, que vous vous dites. Vous exagérez un peu, il n’est pas si petit.
Hier, c’était soirée jam session, et scène ouverte, et re-jam session. Pas forcément dans cet ordre. Vous avez du temps devant vous ? Allez, tirez-vous une bûche, je vous explique.
Scène ouverte d’abord, à la Petite Scène. Je venais de me faire Manuel (Il Figglio) au Diagonal —très bon film. Un chouia déprimant. Je dis un chouia pour pas vous décourager d’y aller. Rythme lent, belle image, réaliste. Allez-y, allez-y pas, j’ai rien à vendre. Moi j’ai aimé. Toujours est-il qu’en sortant de là j’avais pas les yeux qui criaient l’amour de la vie (je sais bien que ça ne veut rien dire)—, j’avais besoin d’un petit remontant. Direction, donc, le bar dont je vous ai causé trois lignes plus haut. Relisez lentement en vous aidant du doigt si vous avez du mal à suivre. Arrivé là, je commande le sempiternel jus de tomate et je m’installe avec mon bloc note à la seule table de libre près de la scène. Ça commence.
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Le premier des trois musiciens inscrits ce soir-là, c’est Ravi Johanis. Il vient d’Allemagne et m’expliquera plus tard qu’il a déjà fait un séjour à Montpellier dont il garde un bon souvenir, notamment grâce aux jam sessions sauvages alors spontanément organisées sur le parvis de l’église Saint Roch. C’était le bon temps.
Il saute en scène seul avec sa gratte électrique. Surprise. Le petit malin avait préparé une backing track pour l’accompagner. Très minimaliste mais pile ce qu’il fallait : basse et batterie légère : grosse caisse, caisse claire cross-stick, quelques cymbales. Premier morceau. Le son de gratte est superbe. Beau clean, avec du gain juste ce qu’il faut. Il a du feeling, de jolis licks. Y a de la rondeur et de la tension. Le morceau parle de you’re beautiful si je me souviens bien. Le second de need to see my love again, le troisième j’ai pas fait gaffe aux paroles, j’ai été beaucoup plus entraîné par la musique. Le style reste le même au cours des trois morceaux, mais c’est de plus en plus rythmé, ça gagne en complexité.
Quel style ? Hmm. Vous savez, quand je parle de musiciens, j’aime pas les comparer à d’autres, et j’aime pas les étiqueter genristiquement parlant. Je préfère décrire. Oui, mais voilà, je suis pas expert dans toutes les techniques et j’ai une culture musicale limitée, alors je vais dire ce que ça m’évoquait comme genre, car je n’ai pas peur de me contredire : blues moderne teinté de soul avec un arrière goût rootsy. Ou bien soul minimaliste saupoudrée d’un zeste de roots mais très bluesy. Ou encore quelques rythmiques un peu roots, un feeling général blues, mais pas oldscool , le tout un peu souly. Et démerdez-vous avec ça.
Quel ressenti général ? De très beaux morceaux, de jolies ambiances qui évoquent douceur et tranquillité, tout en faisant bien hocher la tête. Parfait pour un premier jour de printemps, et pour l’été qui suivra. On se demande pourquoi les morceaux durent pas plus longtemps, ils sont vraiment très courts, parce qu’une fois dedans on y est bien, on a envie d’y rester. J’ai pas parlé de la voix. Car Johanis chante également. C’est peut-être la partie qui mérite encore un peu de travail, les idées sont là, l’intention aussi, mais ça manquerait un tout petit peu de maîtrise. Après vous savez comment c’est, premier sur scène, à froid, un soir où personne ne vous attend vous particulièrement, il y a de quoi avoir les cordes vocales frileuses, d’autant qu’il faisait vraiment pas chaud, ça n’aide pas.
Vous n’avez pas le début du bout de la pointe de l’extrémité d’une idée de ce que tout ça peut bien donner en lisant mes baragouineries, pas vrai ? Alors, d’une, vous aviez qu’à y être, et de deux, vous pouvez allez l’écouter sur son soundcloud.
Johanis m’a dit qu’il comptait bien tourner plus souvent dans le coin, je n’ai pas eu la jugeote de lui demander s’il restait longtemps en ville, lui en tout cas a eu la gentillesse de m’offrir l’une de ses démo. Merci beaucoup, c’est super sympa. Sympa, d’ailleurs, le mec l’est très. Si, c’est français comme phrase. Il a pris le temps de saluer tout le monde, d’annoncer tous les musiciens qui allaient suivre, et de remercier encore une fois tout le monde. Donc, Ravi, Johanis, de t’avoir rencontré. Si je l’avais pas faite vous auriez été déçus·es, mentez pas, je le sais.
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En parlant des musiciens suivants. En seconde partie, c’était Anthony. Ánthos. Flos Waldhari. Non ils sont pas trois, c’est juste pas facile de se décider sur un pseudo, et on le comprend. Z’avez qu’à relire mes premiers articles, vous comprendrez. Quels que soient ses noms, propres ou de collectif, son set m’a vraiment surpris.
Le mec se hisse sur la scène, guitare électro-acoustique cordes nylons en main. Devant lui une pédale à boucles et une pédale de reverb. Un micro aussi. Il commence, l’air de rien, par nous sortir une rangée de croches sur une seule note. Bon. La boucle part. Il entame une nouvelle série de notes identiques sur le même rythme qui ne paie pas de mine. Mais ça commence à harmoniser. Les boucles ne se remplacent pas les unes les autres, elles s’empilent. Une troisième. Une quatrième. Toujours l’harmonie s’enrichit. Toujours sur le même rythme quelques montées d’une gamme mineure harmonique maintenant. Bon, si ça s’arrêtait là, mais ça continue. Jusqu’à combien ? J’ai perdu le comte. Mieux encore, au milieu de tout ça il bidouille sa pédale, rajoute un delay qui décale toutes ces croches faites à un doigt sur une corde et jusque là synchronisées, ce qui, magie, crée un rythme flamenco hyper riche harmoniquement. La tension monte, l’ambiance gonfle et gonfle à mesure qu’il rajoute des couches jusqu’à ce que…
Patatras. Jusqu’à ce que tout foute le camp. Manque de bol, setup de scène ouverte plus accumulation de pistes avec delay oblige, son aigrelet de l’electro-nylonée aggrave, un larsen chopé à chaque passage, présent dans chaque boucle, commence à couvrir le morceau. C’était tolérable jusque ici, mais là, obligé de couper le son.
Pas grave on recommence. L’ambiance flamenco-western, donnant un tout assez baroque au final, reprend. Sans larsen cette fois. Là c’est le coup de grâce. Anthony-Ánthos-Flos-Waldhari-De-La-Vega-Morricone ajoute les voix. Encore des loops, une voix, deux, trois, quatre, je sais plus combien, du grave au super aigu. La vache, un vrai chœur à lui tout seul. Ça claque. Je vous ai dit que j’aimais le baroque ? Ben voilà, on est en plein dedans. Y a du Cant de la Sibil·la là-dedans, un air de tempête avant la fin du monde. Le morceau s’appelle La Tormenta, d’ailleurs. Tout à fait adéquat.
Bon ça finit un peu brouillon pour la même raison que précédemment, voix sur voix se superposant, un peu du boucan ambiant est repiqué par le micro et s’amplifie à chaque boucle. Ça oblige à baisser le son encore une fois, dommage parce qu’on sent bien que c’est supposé enfler et enfler encore sans jamais s’arrêter jusqu’à devenir une énorme masse d’harmonies et de rythmes apocalyptiques. Bref J’ai hâte de revoir ça avec une meilleure sonorisation.
Le second morceau, une valse, dix minutes. On sent que c’est de la chanson à texte, mais en anglais, j’entends pas bien les paroles. Dommage. L’ambiance est toujours super cool. On découvre encore mieux la voix d’Ánthos, et c’est bon ! Je dirais que ce qui fait l’originalité de sa musique ce soir-là, c’est sa façon de se servir des boucles et du delay pour créer des rythmes complexes —des trilles au delay !—, créer des textures riches, parfois à la limite des nappes de synthèse granulaire, et sa voix. Ses voix. Quand il s’y met. Heureusement il s’y met plus souvent qu’il ne s’y met pas. Et puis rappelez-vous, scène ouverte, à froid, enfin z’avez pigé. Le mec à la sono lui dit que maintenant faut laisser sa place, y en a d’autres qu’attendent. Anthony, encore un gars sympa, accepte.
Vous ne voyez toujours pas ce que je veux peindre comme tableau avec mes tournures alambiquées qui font pas honneur à ? Voilà son soundcloud. Je sais pas s’il y a ce que j’ai entendu hier, j’ai pas encore eu le temps d’écouter. En tout cas si vous entendez dire qu’il passe dans le coin, allez-y voir, je suis sûr que ce sera intéressant.
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Normalement, c’est à peu près à ce nombre de mots que vous arrêtez de lire les articles. Ne niez pas, j’ai mes sources. Mais aujourd’hui, vous allez me faire le plaisir de faire un effort. On doit en être à un peu plus de la moitié, et il me reste encore de beaux moments musicaux et humains à raconter. Allez, entracte photo du jour, comme d’habitude, c’est Gwlad qui régale.
Vous êtes délassées·s ? On reprend.
Le troisième musicien à monter sur scène, c’est deux musiciens. L’un dont j’ignore totalement le nom, et le deuxième, je vous dis pas tout de suite, je fais durer le suspense. Le premier a une guitare electro-acoustique dans les mains, il en joue, chantonne, rapotte. Je ne sais pas s’il reprend des paroles de chansons existantes sur des accords à lui, ou si c’est écrit de son stylo bic. Toujours est-il que je préfère quand il chantonne, quand il rapotte ça fait laïus égotique virilo-macho_montre-muscle et fier de ses défauts. Encore une fois, c’est peut-être des reprises, mais si tu viens me chanter des discours de Sarkozy dans les oreilles, t’attends pas à ce que je vienne te dire que t’as une jolie voix. Bref, je préfère quand il chantonne en anglais. Je fais un effort quand même, purement musicalement, on voit que le mec est à l’aise avec sa gratte, y a de la nuance dans son jeu malgré les accords joués en boucle, et la scansion est bonne.
Le deuxième du duo, dont je garde le nom secret pour l’instant, essaie de trouver sa place au départ, il tente des hum hum discrets, et puis d’un coup d’un seul, dès que l’espace est enfin disponible, putain, ce qu’il envoie ! Voix profonde, sculptée, qui fait des pirouettes avec une aisance assez dingue, voix expérimentée qui joue sur les timbres et les textures. Ça dure pas longtemps, mais j’y entends du Nina Simone, du jazz lyrique. J’avais dit pas de comparaison à des genres ou des artistes hein ? Me renier, c’est ma passion. Enfin, tout ça ne dure que quelques secondes. Mais voilà les secondes…
Deuxième morceau, cette fois ce qu’il envoie c’est une impro proche du scat aux accents reggae, toujours avec cette voix, profonde et chaude, non je parle pas du vagin de maman, je sais que vous avez la nostalgie de mais restez concentrés·es s’il vous plaît. Bref, en quelques secondes à chaque fois, on a le temps de sentir que le mec cache une musicalité énorme.
Le mec à la sono leur dit que maintenant faut laisser sa place, y en a d’autres qu’attendent. Qui ça d’autres ? Ils étaient trois musiciens inscrits pour la scène ouverte, enfin quatre, puisqu’il y avait un duo. Le mec leur dit que les musiciens pour la jam session sont impatients de monter sur scène. Ah, c’est eux. Et oui, jam session dans une soirée scène ouverte. Daitman —voilà, c’est lâché, c’est son nom au super chanteur, Daitman Paweto. Connaissez pas ? Ben vous feriez mieux de le retenir et d’aller voir ce qu’il fait dès que vous en avez l’occasion, ce mec va devenir célèbre, et ce sera mérité—, demande s’il peut quand même faire une chanson avec une guitare avant de descendre, il a quasiment pas eu le temps de chanter en fait. Le mec-anguille lui répond pas franchement, d’un air de descends maintenant mais je te le dis pas les yeux dans les yeux, d’un air de les amateurs ont assez joué place aux pros, d’un air de la scène ouverte c’est terminé les minus, z’avez assez joué, maintenant c’est les jazzmen de cinquante balais qui jouent, les musicos respectables, faites place, comprenez, la clientèle tout ça, vont pas s’alcooliser longtemps si on leur met pas du jazz à papa dans les pattes. Franchement à ce moment-là j’étais sur le cul. Daitman résiste, même quand le pianiste sosie d’Alain Chamfort, orgueilleux au possible, monte sur scène en lui lançant « je suis pas payé pour accompagner les mecs qui viennent chanter leurs chansons ». Rien à foutre, Daitman le regarde du genre je t’ai rien demandé. Il est malmené, mais pas grave. Il leur dit que cette scène est faite pour être partagée, ouverte, jam session, non ? On aurait compris de travers ? Il demande un capodastre, les mecs l’envoient bouler du genre démerde-toi on veut pas de toi ici avec ta chanson, ta putain de seule petite chanson que tu veux chanter que ça prendra trois minutes mais c’est trois de trop pour nous. Heureusement, Ánthos est là, près de la scène, il en a un de capodastre, il le lui prête. Johanis remonte aussi sur l’estrade et prend la basse. Merci !! Le groupe improvisé joue, et il envoie, le Daitman. C’était bon. Au bout de deux chansons à accompagner les autres, il redescend de scène.
Je lui touche deux mots de ce qui vient de se passer, il trouve ça bête, mais il en fait pas une affaire, il a pu jouer, c’est tout ce qui a l’air de compter. Il me dit qu’il se tire à la Pleine Lune, en fait il est censé y être depuis une heure et demie, il était juste parti en ville pour acheter des clopes et s’est retrouvé embringué là. Je décide de le suivre. À la Pleine Lune, c’est aussi jam session, mais on verra que c’est un autre genre. Allez, c’est l’article le plus long que j’ai écrit jusqu’à aujourd’hui, mais je suis sûr que vous avez encore le courage d’en lire un peu plus, on y va.
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Sur le chemin, Daitman m’explique qu’il a trente ans, qu’il a commencé à monter sur scène à treize, qu’il a fait du rap, du reggae, du jazz, que maintenant il a trouvé son truc, son mélange, son effet à produire sur le public. Il m’explique sa vision de la musique, du groupe. Le mec a dix-sept ans d’artisanat zikal dans les jambes, il commence à savoir ce qu’il veut. Il avait ouvert un bar musical, mais des histoires familiales ont fait que. Aujourd’hui, il repart sur un nouveau projet. Il a remonté un groupe autour de lui. D’ailleurs, avant la Petite Scène, ils ont fait leur première répet en vue d’une série de concerts pour jouer l’album enregistré au Studio Vox et en cours de mixage. Ce que j’avais pressenti se confirme, il fait pas semblant Paweto Daitman.
On arrive à la Pleine Lune, c’est soirée Jam Session World Music, j’aime pas ce terme, World Music, ça sent la FNAC et le rayon CD du Super U. Sur scène, c’est aussi bondé que sur la piste de danse quand on déboule. Je saurais plus dire avec précision combien de musiciennes·s étaient présentes·s, mais comme ça je revois à notre arrivée : une clarinette, un sax, une trompette, un batteur, un violon, une basse, deux guitares, un clavier, une voix qui chante dans une langue arabe que je serais bien incapable de reconnaître. Y a une pêche d’enfer, les gens sont excités, ça danse, ça picole, ça se marre, ça dragouille, ça saute sur place. Et tous ceux qui veulent monter sur scène le peuvent. Même les gros relous bourrés. Ça, ça plaît pas trop à Ella.
Car oui, j’oubliais, sur place Daitman me présente des amies·s musiciennes·s à lui, Édouard que je n’ai pas vu jouer et dont j’ignore l’instrument de prédilection, Timothée le guitariste, et Ella la chanteuse. Tout ce petit monde est fort sympathique. Sont venus·es là pour la musique, pas se la coller. Chacun·e montera sur scène à un moment ou un autre. La musique, d’ailleurs, est un mélange hallucinant de toutes les sonorités possibles et pas imaginables, dans des combinaisons riches, surprenantes, et éphémères. La zik est improvisée à jusque douze musiciens·nes et chanteurs·ses, des morceaux qu’il fallait entendre sur le moment, car c’était la première et la dernière fois qu’on les jouerait dans l’histoire de l’univers.
Au niveau des voix : on a eu Ella qui à envoyé ses good vibes, d’une voix posée, calme, légèrement voilée, qui peut s’emballer d’un coup et partir dans les astres avec une apparente facilité. Apparente seulement, elle me le confirmera plus tard. On a eu Daitman, évidemment, toujours aussi bon. On a eu deux filles, toutes les deux dans une style soul-jazz, et dont j’ignore les noms. On a eu un rappeur, apparemment très souvent à l’ODB, grand, cheveux mi-longs attachés, le genre qui met l’ambiance, avec des textes qui appellent à l’empathie, comme son t-shirt, et une gueule qui appelle à être son pote. On a eu aussi un mec qui envoyait le salsifis, rap-reggae, textes humanistes, engagés.
Vous savez quoi ? Je vais arrêter là. Je suis sûr que vous n’en avez même pas lu la moitié, et je suis claqué. En tout cas, mon programme des mardis quand j’aurais rien prévu de particulier me semble maintenant tout trouvé. Petite Scène jusqu’à la fin de la partie scène ouverte pour voir les artistes de près et pouvoir échanger un peu ensuite, puis Pleine Lune pour finir dans une ambiance ouf.
Hier soir, très petite forme. Tellement petite que j’avais pas envie d’être vu dans cet état par des gens que je connaissais. Seulement j’avais pas non plus l’envie de rester enfermé seul comme un con dans ma piaule. Ce genre de moments, quoi. J’aurais dû aller rejoindre Koinkoin et une pote que je vois très rarement à la conférence sur la mémoire de l’Agora des Savoirs, mais j’ai pas réussi à me dire que j’allais être là sans être là, incapable de sourire, sans l’envie de sortir un mot. Alors j’ai préféré aller à la Pleine Lune. Vu le genre de musique et le jour de la semaine, il y avait très peu de chances que je tombe sur une connaissance. Et puis qui sait, peut-être que la musique changerait les choses. Spoiler : ça n’a rien changé.
Le genre de musique, c’était ce qu’on appelle ska, le groupe : les Sagittarians. Eh non, vous ne rêvez pas. Ils ont été épargnés par le syndrome du salon de coiffure, ils ont esquivé de justesse le Skagittarians. Boudons pas notre plaisir devant cette originalité, accordons-leur un bon point. Ça aurait pu me mettre de bonne humeur avant même le lever de rideau, mais non. Les alcooliques relous, les bousculeurs·ses de tables, les fous·folles hurleurs·ses, d’habitude je trouve qu’ils et qu’elles apportent leur dose de vraie vie aux spectacles, mais là j’aurais juste voulu qu’ils et qu’elles ferment leur gueule et se tiennent tranquille. The Girl from Ipanema diffusée à bloc juste avant le concert achève de me donner envie de disparaître de la surface de la terre. Vous savez à quoi ça ressemble un pauvre trou du cul déprimé qui fait la gueule devant son jus de tomate seul dans un bar pendant que tout le monde autour danse et s’amuse ? Non ? Vous êtes bien gentil·le, vous ne le dites pas pour ne pas me faire de peine mais au fond de vous je sais que vous avez la réponse.
À ce moment-là de la soirée, la moindre contrariété est prétexte à fusiller chaque personne présente dans ma tête. Par exemple, le concert est supposé commencer à 21h30, mais quand je regarde ma montre pour bien m’assurer qu’on se fout de ma gueule parce que rien n’a encore commencé, je vois qu’il est 21h44. C’est un scandale ! Quel putain de manque de respect pour le public. Ils croient quoi les saltimbanques ? Que j’ai le pognon pour reprendre des verres à volonté jusqu’au bout de la nuit ? Non ! J’ai un jus de tomate déjà à moitié vide pour toute la soirée ! Alors qu’ils commencent fissa et qu’on en finisse vite que je puisse rentrer me coucher. Dois-je préciser que le concert était gratuit et qu’au moment même où je regardai ma montre, les musiciens montèrent sur scène ? Non, heureusement que tout ce pestage se passait uniquement dans ma tronche, sinon j’aurais vraiment eu l’air d’un connard, en plus d’avoir l’air d’un paumé. Je compte donc sur vous pour ne pas trop ébruiter cet épisode. Si vous m’aimez un peu, ne partagez pas cet article sur les réseaux sociaux, laissez-le couler dans les profondeurs sombres de l’internet et effaçons-le de nos mémoires à tout jamais.
Je vais pas vous parler du groupe ni du concert en fait, vous voyez bien que j’étais pas en état d’apprécier. Ça aurait pu être Georges Brassens & The Wailers que ça m’aurait laissé froid. Je vais plutôt vous dire que ce soir à l’atelier-galerie d’art La Jetée, 80 rue du faubourg Figuerolles, c’est le vernissage de l’expo « Les dessins figuratifs » de l’artiste Pierre-Guilhem, et c’est à 19h.
À 20h, tremplin musical organisé par le CROUS au Trioletto, 75 avenue Augustin Fliche. Apparemment c’est gratuit. L’évènement s’appelle « Musique de R.U. », et c’est la finale régionale. J’espère que leur sélection musicale sera meilleure que la bouffe qu’ils y servent, au R.U., le CROUS, parce que dans mes souvenirs c’était vraiment la déprime papillaire. Les quatre artistes/groupes qui y passeront, c’est Odysé, Last Fucking Minute, Persian Rugs, Seagulls. Vous n’en connaissez aucun ? Eh ben c’est l’occasion. On est pas à l’abri de découvrir de nouvelles·eaux musiciennes·s Montpelliériennes·s qui valent le coup, et puis déjà que de participer à un tremplin musical organisé par le CROUS c’est la loose, alors si en plus la salle est vide ! Montrez-vous un peu solidaires quoi.
Sur ce je vous laisse, passez une meilleure journée que moi hier, et à demain, qui est un autre jour. Un autre jour parmi les fameux jours qui passent et se ressemblent, et qui du coup s’assemblent puisque qui se…se…, si bien qu’à la fin on ne sait plus très bien où on en est et qu’on se dit que les dictons, au fond…
Le chien de la casse à dreads blondes s’est jeté dès son arrivé sur la petite qui dansait seule devant la scène, la hipsterette à larges culs de bouteille assise en retrait écrivait dans son petit calepin comme il se doit, mais moi aussi alors on ne juge pas s’il vous plaît, le fou sur la piste dialoguait avec lui-même. Où est-on ? À la Pleine Lune. Qui va-t-on voir un dimanche soir ? Neil Conti & The Lazy Sundaze. Que peut-on dire ? C’est du jazz, de la soul et du funk, c’est du funk qui jazzotte avec un supplément d’âme, comme dirait l’autre carotte, le tout teinté d’une miryitude d’autres influences, pensez hip-hop, disco, samba et plus.
Les musiciens sont tous impeccables. Un saxophoniste à l’alto, un trompettiste, un claviériste, un percussionniste aux congas, un autre aux bongos, timbales, tambourins, maracas, bref vous voyez, tout le reste quoi, un guitariste, un bassiste, un DJ, et ? et ? et ? Ben, Neil Conti, sur sa batterie. Badaboum tsssh ! Kss-kss-pam ! pam ! Bliboum~bidabi~doum!doum! Da-bam ! Ah, voyez comme je fais vivre la batterie par les touches de mon clavier. Neil Conti comme si vous y étiez. Encore, vous dites ? Okay. Poum-kss-poum-kss-poum-kss tak ! tak !! Poum-kss-poum tak !! tak !!! Bidi~boum-bidi~bam blou~boudou~bidouboudiboudaaa sprishhhhhhhhh……. Fait monter la sauce où il faut, calme le jeu quand il faut, en constante écoute et lâchage, chef d’orchestre et homme orchestre de percussions à la fois, il est fort le bonhomme. Au cours de la soirée d’autres musiciennes·s sont montées·s sur scène, deux autres saxophonistes en fait, pour les instrumentistes, je ne sais pas s’il sont dans le groupe ou pas. Vous avez remarqué ? Pour l’instant tout ça c’est rien que des porteurs de testicules. Heureusement, c’était pas le cas pour les voix. D’abord une chanteuse soul a atomisé la salle en deux fois deux minutes d’impro, c’était le choc, elle envoyait la batavia (végétarisme oblige), je suis infiniment triste de ne pas connaître son nom, puis une… improvisatrice slameuse ? Disons ça comme ça, est montée sur scène elle aussi. Un poil alcoolisée mais si ce n’était pas génial, ce n’était pas mauvais, d’autant qu’elle a choisi le moment le plus hip-hoppotisant du set pour s’emparer du micro libre. Elle j’ai son nom, mais je ne vous le donnerai pas. Niveau noms je suis désolé, je n’arrive pas à les trouver, j’avais noté les prénoms de quasi tous les musiciens mais pas leurs noms. Par exemple le trompettiste je sais qu’il s’appelle Olivier. Et démerdez-vous avec ça.
Le trompettiste, d’ailleurs, cet énigmatique Olivier dont on ne connait que le prénom et qui joue d’une seule joue (hein, j’ai dit ça moi ? Vous lui direz pas, vous serez gentils·les), il a la place centrale. Pas parce que c’est traditionnellement la place de la trompette, mais parce qu’il la mérite. Il a bien de la chance qu’on sache pas qu’il s’appelle Dullion, le Conti, parce que le groupe pourrait vite devenir Neil Conti, Olivier Dullion & The Lazy Sundaze. Les unissons trompette-sax, c’est toujours aussi efficace, les unissons trompette-guitare ne voulaient décidément pas sortir ce jour-là, pas une seule fois. Ça les faisait marrer, sachant que la session avait été enregistrée, moi j’aurais pas ri. Que dire d’autre vite-fait avant de vous saouler ? Le DJ balance des samples hyper connus à des moments stratégiquement clichés, mais c’est d’autant cliché que c’est efficace. Pour ses parties scratchs, rien à dire, il vient s’intégrer parfaitement à la section rythmique, et ses solos sont les bienvenus, d’autant que quelques parties du set un peu hip-hop lui offrent une belle place au premier plan. Chacun, d’ailleurs, y est allé de son petit solo, sauf le bassiste me semble-t-il, qui jouait pour la seconde fois seulement avec Mr Conti si j’ai bien pigé, mais peut-être ai-je les esgourdes faisandées par ce marathon trois soirs, trois concerts (cinq en vrai). Quoi d’autre ? Rien, allez les voir, ils jouent tous les dimanches soir de 18h à 22h avec seulement trente minutes de pause au milieu. Vous pouvez boire et manger sur place, y a de l’ambiance, les couches sociales s’y mélangent, on rencontre des gens pour la première fois et d’autres qu’on connaît déjà.
Sinon, cette semaine à l’université Paul-Valéry, c’est la semaine Paul et Valérie, leur semaine des droits des femmes. Ça commence aujourd’hui, à 18h à la salle Crampoux par une conférence sur l’histoire du féminisme ! Heureusement que Solidaires étudiant.e.s 34, est là pour faire la com et les rectificatifs autour de cette série d’évènements pour ceux qui n’ont pas Fècesbook, parce qu’avec toutes les manifs, les blocages, et les neiges, et les trucs que j’oublie, c’est vraiment le merdier, le programme change tous les jours. On regrette juste que le programme ne soit pas sur leur blog, pour ne pas être obligées·s de passer par Twitter non plus. Pour la suite du programme, si tout se passe bien, c’est toujours à la salle Crampoux. Mais je crois que j’ai pas assez dit programme. Programme :
Mardi 13 mars
12h-14h – Atelier : le consentement, auto défense et déconstruction
15h – Atelier : contre les injonctions sexuelles faites aux femmes
18h – Conférence : les violences gynécologiques
Mercredi 14 mars
14h – Conférence : violences sexistes et sexuelles au travail
18h – Conférence : les discriminations salariales
Jeudi 15 mars
Y a pas, y a mouvements sociaux, mais rien ne vous empêche de discuter droits des femmes en tenant une banderole.
Vendredi 16 mars
18h – Conférence : InterseXions : langage et construction du genre
(+1 pour le thème, -1 pour le jeu de mot, on ira donc écouter ça en partant d’un préjugé neutre)
Voilà pour aujourd’hui. Bisettes à tous et à toutes, et à demain.
La journée d’hier ayant été bien complète, aujourd’hui on va pouvoir parler d’art sous toutes ses formes : expo, théâtre, concert. Ah, que j’aime quand je n’ai pas à me fiche le cerveau sens dessous dessus pour trouver une façon amusante de vous dire que je n’ai rien à vous raconter. Allez, c’est parti on y va. Ça va être long. Est-ce que ça va être bon ? Rien n’est moins certain.
Exposition d’art contemporain, pour commencer. Devinez où, devinez quand ? En fin d’après-midi à la Panacée, bien sûr. À celles et ceux qui diront que pour le où, okay, mais pour le quand pouvaient pas savoir, j’ai envie de dire estimez-vous heureuses·x que je n’aie pas ajouté : devinez avec qui ? Parce que là c’était la colle et vous seriez encore passés·es pour des branquignoles. La réponse ça aurait été : avec Will, qui s’appelle Billiam dans la vraie vie, comme les Bobert Rob, Dickard Rich, et Pegaret Mar. Donc, direction la Panacée où nous avions rendez-vous. C’était l’exposition Crash Test, dont tout le monde parle, énorme succès. À mon tour d’en parler, à moi les dollars.
Je suis arrivé un peu en avance sur Will, ce qui était prévu. Je me suis donc rendu à l’accueil pour y glaner de la doc en l’attendant. Une dame à l’air assez âgé et aux cheveux d’un rouge très rouge toute habillée de noir vêtue des pieds à la tête, sauf ses cheveux qui étaient découverts puisque je vous ai dit qu’ils étaient rouges et son visage qui était découvert aussi puisqu’il avait l’air âgé, donc plutôt toute de noir vêtue habillée des pieds aux épaules (je me fatigue, pas vous ?), m’a donné tous les papiers dont elle disposait, en m’expliquant les principes de l’exposition, mais elle tentait également de l’expliquer à d’autres personnes, qui, elles, étaient arrivées après moi, elle intercalait donc des éléments d’explications que j’avais déjà entendus à leur intention, entre deux éléments d’informations qu’ils n’avaient pas encore eues, eux, pour moi, tout ça en même temps qu’elle répondait au téléphone. J’ai pris les prospectus et je suis allé les lire à la table basse dans l’entrée en attendant Will. Là, une autre dame habillée toute de noir vêtue des pieds aux épaules, accompagnée par un monsieur de la sécurité, est venue s’asseoir à côté de moi. Elle s’était sans doute fait mal quelque part, au dos ou à la cheville, ou au mollet, parce que le monsieur de la sécurité lui a touché le mollet du bout du doigt, mais j’ai pas bien entendu ce qu’ils se disaient, ou alors c’était autre chose, mais en tout cas elle travaillait au musée, et là ne travaillait plus pour cause d’un quelconque accident ou d’une maladie. Le monsieur de la sécurité a aussi tiré un fil qui trainait de sa veste à elle, à mesure qu’il tirait le fil s’allongeait, elle a dit que c’était pas grave. Ensuite il n’a pas arrêté de faire des allers-retours entre l’intérieur du musée et elle, il venait lui raconter tout ce qui se passait, comment un enfant avait un peu marché sur une œuvre d’art et que le chargé de médiation de la salle s’était mis à sermonner la mère et que ça avait commencé à monter dans les tours, mais que ça s’était calmé, ouf. Ou que unetelle était dans telle salle, et que untel était là-bas qui faisait ça. Tout ça en faisant des va et vient musée-hall, toutes les cinq minutes. Je me demande s’ils étaient en couple, les deux. La dame aux cheveux rouges est également venue la voir, la plaindre et lui passer une main consolante dans le dos. Ensuite William est arrivé, on a fait le tour du musée puis on a pris lui un jus de poire, moi une limonade au bar et on s’est quittés.
Là, j’ai foncé aux Aubes, je suis arrivé pile à temps à la Maison pour Tous George Sand, à l’angle du Parc Rimbaud, quartier les Aubes. Oui, les Aubes. Allez-y. Dites-le à voix haute, faites bien la liaison, riez un bon coup une fois et on y va, on va pas passer la journée là-dessus. C’était une soirée Playback Théâtre. Aucun rapport avec les gens qui chantent sur bande pré-enregistrée. Là, celles·eux qui le veulent parmi les spectatrices·eurs racontent l’une de leurs expériences sur le thème de la soirée, ici les histoires de voisinage, et les différents·es comédiens·nes présents·es la jouent. D’abord on détermine une certaine forme contraignante (favorisante, selon le point de vue) avant de se lancer : en épisodes, en cinq parties, en paires, en transformatif (ça veut dire une seule scène avec un évolution du jeu)… et puis place au jeu, comme ils·elles disaient. L’un·e des comédiennes·s fabrique la bande son en direct à l’aide d’instruments posés sur un tapis d’un côté de la salle. La troupe, c’était Magma, la délégation ce soir-là se composait d’Anne Berchon, François Bousquet, Sandrine Dury, Marianne Grison, Élisabeth Loubat, Cathy Lumale et Pascal Menut. Voilà, ça c’était pour l’aspect technique, l’aspect matériel et matériel humain. Maintenant qu’est-ce qu’on peut en dire ? Que je ne me suis pas ennuyé une seconde, que je suis reparti avec le sourire, que j’ai beaucoup ri, que j’ai ressenti comme une envie de se rapprocher les unes·s des autres, comme une envie de se voir montrer des émotions partagées par toutes et tous mais trop souvent gardées pour soi. Je pensais tout de même, au vu de la population présente tendance quinquagénaires et plus, qu’il y aurait beaucoup plus d’histoires à raconter tout de suite, ça a mis un moment à venir, comme quoi, l’âge n’efface pas la pudeur. Les comédiens et diennes étaient inventifs et tives, parfois mimaient les gestes, parfois les personnages, parfois jouaient les émotions, parfois répétaient les mots mêmes qu’ils et elles avaient entendus. Tous et toutes et tout ensemble, c’était foisonnant d’impressions. Chacun·e un petit tableau en formant un grand. Maintenant, une chose que je n’avais jamais remarquée : le renforcement d’une émotion par deux personnes jouant la même chose au même moment. Exemple : une femme est inquiète du fait que son bébé est toujours malade. Sandrine Dury (si je ne me trompe pas) entre en scène, faisant mine de tenir un bébé dans ses bras et d’être inquiète en le berçant vivement, ça marche mais c’est un peu bateau, on attend la suite. Les autres tardent à entrer, petit moment de manque d’inspiration, ça arrive, ça fait bien une heure qu’ils et elles jouent. Avant que Sandrine Dury n’ait eu le temps de s’essouffler totalement seule sous les regards, Anne Berchon arrive en renfort et copie chaque geste de derrière sa co-troupière (hum). Une vrai sensation de tension se crée, on a l’impression d’une réelle nervosité, on ressent l’émotion mieux. On a pas l’impression de voir deux fois le même geste, on a l’impression de voir ce geste plus fort. C’est assez indescriptible. Ça pouvait sembler n’être pas grand chose, c’était en fait très efficace. Que dire d’autre ? J’ai encore un concert à vous raconter. La prochaine fois que vous entendez parler de Playback Théâtre en tout cas, allez-y. Et de Magma, la troupe, pas le groupe, allez-y aussi.
À 22h30 à la louche j’arrive au Bric À Brac, je tombe en plein concert de Gneiss Rock. J’ai dû rater bien une heure et de toute façon je ne pense pas être le plus calé pour en parler bien, je n’avais jamais entendu quoi que ce soit du genre. En arrivant, j’ai même demandé au mec devant la porte si c’était pas encore commencé parce que j’entendais rien et que depuis les images de la caméra projetées à l’étage on voyait le public assis sur scène semblant attendre que quelque chose se passe. C’était commencé et chut qu’il m’a répondu. C’était du bidouille noise, selon moi. Un mec appelé Ozzy Keller tripatouillait des instruments musicaux-ou-pas vintage qu’il avait semble-t-il bidouillés lui-même. J’étais bien incapable de déterminer à quel moment il faisait ce qu’il voulait et quand c’était un bruit dû à un faux contact. Tout était à base de bruit blanc filtré (à peine) et de samples overdrivés sous-mixés. Super chelou, c’est le moins qu’on puisse dire. Les gens, assis par terre, semblaient plutôt concentrés. En tout cas personne ne se foutait ouvertement de la gueule du musicien comme on pourrait s’y attendre devant un spectacle aussi inhabituel et des sons aussi peu agréables, bien que pas mal cherchaient des regards complices dans le public un sourire en coin, et qu’une bonne partie de la salle se soit barrée avant la fin. On a au moins évité la grosse moquerie crasse. Peut-être était-ce en partie dû au photographe à moustaches du XIXè siècle qui faisait douter les gens avec son allure hipsterisante : pouvait-il rire à gorge déployée et hurler au scandale, le public, ou se dévoilerait-il, en agissant ainsi, en pauvre masse rétrograde incapable de reconnaître une révolution artistique quand on la lui mettait sous le nez ? Ou alors les gens sont devenus plus corrects que dans mes souvenirs.
Le second groupe c’était Moteur! C’était psyché dans l’idée, jazzizant sur les bords, un peu rock dans le fond. Impros, compos, on aurait pas su dire. Tant mieux. Avec une bière dans le gosier et un joint dans les bronches, j’aurais sans doute réussi à me laisser porter par le tout, mais là j’avoue que sobre la sauce n’a pas pris. Ça manquait de jouer ensemble, je trouvais. Malgré l’effet recherché, je pense, de chacun dans son coin qui fait un tout et crée des effets par un hasard semi-contrôlé, y avait moyen de donner plus en s’écoutant mieux. En plus on voyait bien que les musiciens étaient tous bons, c’était le plus râlant. Tant pis, ça arrive. Au moins ils ont le bon goût de ne pas essayer d’accrocher le public par des genres aimés d’avance, par des mélodies ciselées pour le tube, de ne pas faire une musique démago quoi, et que le tout ne soit pas désagréable pour autant. Parce que c’était quand même très agréable, juste, y avait pas le truc pour m’emporter que l’étiquette psyché jazz qu’ils s’étaient collée m’avait fait espérer.
Hier, car je vais encore vous parler de choses que vous avez ratées, hier, donc, vous avez qu’à sortir un peu aussi, je peux pas tout faire à votre place, hier, on y vient, la soirée a été chargée. Je vais essayer de vous la faire courte et efficace. Oui, oui, vous pouvez me regarder avec votre air moqueur, j’ai assez de recul sur moi-même pour savoir que court et efficace, ce n’est pas mon truc. Écoutez, c’est samedi matin, vous n’allez pas commencer. Ça commence, justement, hier, encore, par un message de Feldo sur l’un des multiples forums privés par lesquels on s’échange des mots doux régulièrement :
« Mercredi je suis allé au Barricade pour voir jouer un gars (nom de scène Ben Johnson) qui parle de sa vie dans une ZAD forestière. Et ben c’est super bon, ça dure que 50 minutes, c’est à prix libre (dans les lieux militants en tt cas). Et je me disais « meeeeeeeeeerde dommage je l’ai su trop tard et puis de tte façon je pouvais pas savoir que ça allait être top). ET BEN POUF, AU LIEU DE RETOURNER A MARSEILLE IL VA REJOUER CA CE SOIR. Ça se passe dans le « RAID » près du tram G∝∴℘∠♠ L∋⌉⊆Δ. Si je ne m’abuse c’est un squat récent, je sais pas exactement où. On devrait me filer une adresse sous peu. Je suis pas sûr d’y retourner, mais j’ai un pote qui y a va pour 19 heures. Éventuellement, si vous y allez avec une plume dans le cul je lui dirai d’aider les gens qui ont une plume dans le cul. »
Il avait raison sur plusieurs points et s’était planté sur d’autres. Le RAID est bien un squat récent puisque ouvert en octobre 2017, le prix était bien libre, et il ne savait bien pas où ça se situait exactement. Par contre c’était à 20h et son pote n’est pas venu, heureusement que je ne m’étais pas mis une plume dans le cul. Le spectacle s’appelait donc La Cucaracha, mélange de tranches de vies en ZAD en mode TDI, de questionnements concernant l’acceptation des autres tels qu’ils sont et de lâcher prise en même temps que de résistance, de chants ibériques, arabes et de danse, ainsi que de quelques chroniques animalières. C’était court, 40 minutes, ça aurait bien pu durer le double que ça ne m’aurait pas dérangé, mais c’était bien comme ça aussi, compact et dense. C’était touchant, rythmé, drôle, questionnant, singulier. Le comédien-auteur se fait appeler Miguel Aziz Ben Johnson, j’espère tellement que c’est son vrai nom mais je n’y crois que d’un œil. Il ne s’économise pas, il joue pour de vrai, il imite parfaitement le serpent sous ayahuasca, le coq revanchard et le luchador sensible. Il fait partie du collectif Xanadou. Y a un trailer du spectacle sur youtube mais il est vraiment nul à en boucher les rainures du parquet à la merde, s’il vous plaît ne le regardez pas.
Il devait y avoir ensuite une diffusion de film sur les violences policières au cours d’une COP 21, 22, ou 23 on a perdu le compte, mais Feldo avait rendez-vous avec une amie très belle mais très je passerai pas dix minutes en sa compagnie alors, ne connaissant personne et étant un peu timide malgré l’accueil plutôt invitant au RAID, je suis parti aussi. Seulement, ne souhaitant pas me joindre aux pérégrinations nocturnes de copain et pas copine, je me suis cherché un concert gratuit. C’est comme ça qu’à 21h30 je me suis retrouvé dans la cave du Bric À Brac pour trois heures de punk. Du vrai. Du gras.
Le premier groupe à passer, c’était Triploï. Quatre mecs : guitare, guitare, guitare basse, voix et une boîte à rythmes zoom à 60€ qui étonnamment sonnait très bien. Bonne programmation par le fondateur du groupe, j’imagine. Le groupe existe depuis sept ans, est de Bédarieux, mais a connu de multiples restructurations avec le temps. Le fondateur, toujours, me disait qu’il était allé chercher des gens qui ne savaient pas faire de musique au départ mais qui avaient l’envie, et que tant pis si des fois ça n’allait pas, il préférait faire les choses comme ça. Je dois dire que j’aime beaucoup cette démarche et j’admire les gens qui s’y tiennent malgré les déconvenues. Pour le coup, là, on voyait qu’ils aimaient ça, le punk, dans sa totalité. Les mecs avaient le look total, crête ou béret, Docs et t-shirt à logo, en plus de l’énergie, qui s’accordait bien à leurs tronches de bons gars à l’attitude pas prétentieuse pour un sou. Que ceux qui me disent que les punks devraient pas faire gaffe à leurs sapes aillent relire l’histoire du mouvement pour se rendre compte d’à quel point ces gens-là ont été coquets Docs coquées en plus de cokés depuis toujours. L’esthétique visuelle et sonore avant tout, le propos n’est que prétexte, quoi qu’on veuille bien en dire. Les propos du groupe justement ? Dénonciation d’une société oppressive, anti-militarisme, anti-cléricalisme, anti-fascisme. Comment que ça sonne ? Vous voyez du punk français ? Ben ça sonne comme ça, gras, avec des chœurs dont on entend moins les notes que le grain des larynx défoncés. C’est pas punk rock, c’est punk, teinté d’hardcore. Ils ont joué leur set en entier et ont refait quatre chansons en rappel. Ce qui était sympa c’est que les morceaux, qui ont tous une sacré pêche, étaient assez reconnaissables les uns des autres pour ne pas qu’on ait l’impression d’entendre toujours le même durant le premier passage, bien que tous dans un même genre, mais pas assez pour qu’on ait l’impression de les avoir déjà entendus pendant le rappel. Et que demander d’autre ? J’exagère un peu, je les ai reconnus, en vrai, les morceaux, ils passaient juste très bien une seconde fois.
Après ce premier concert je suis remonté au bar me prendre un jus de tomate. Je l’ai bu là-haut et vite, méfiant comme tout que je suis du jugement des buveuses·rs de bière et d’anisette. J’ai bien fait, un vieux keupon commençait à me faire des remarques amusées et risquait d’ébruiter ma triste sobriété. Je ne voulais pas risquer que la nana super jolie qui me matait discrétos depuis qu’elle avait mis les pieds dans la salle n’apprenne que j’étais un buveur de softs invétéré. Rassurez-vous, elle ne l’a pas su, elle n’a donc pas arrêté de se rapprocher de moi au cours de la soirée, et je n’ai pas osé l’aborder quoi qu’il en soit parce que je suis timide comme une pucelle bourgeoise élevée au couvent. C’était pas l’envie qui m’en manquait, c’était plutôt que je suis con.
Fix-o-Dante, c’était le deuxième groupe. Un batteur qui frappe comme un sourd sur ses tambours, une bassiste qui avait parfois du mal à suivre mais elle se plantait avec tellement de bonne humeur qu’on s’en foutait, c’est aussi ça l’avantage du punk, et un chanteur guitariste qui jouait au poil, braillait tout aussi bien, composait un punk ‘n’ roll super efficace et qui faisait bouger les têtes. Les thèmes étaient plus personnels et plein d’humour, des dealers jamais à l’heure à sa fille élevée par un autre mec, des hommages à notre grand-père à tous comme il disait, Lemmy, comme aux multiples anonymes qu’en ont trop pris et à qui il manque quelques chicots, annonce-t-il avant d’ôter son dentier pour le porter bien haut sous les spots tout en souriant pour bien appuyer le propos, le refrain c’était descendants des sans dents si j’ai bien pigé. Bref, j’irai les revoir avec plaisir. Le point commun d’avec le groupe précédent à part la base punk des deux styles ? Pas de prise de tête. L’envie de se faire plaisir et la gentillesse enfantine qui émane évidente des musiciens·nes. Comme la musique était vraiment bonne, drôle et entraînante, y a rien à demander de plus. Je suis même pressé de retourner les voir. J’ai moins à dire que sur le premier groupe, oui, pourtant je préférais plutôt celui-ci, mais j’avais l’esprit pris. Oui pripri c’est pas très joli, mais voilà c’est comme ça, j’avais l’esprit pris par cette jolie fille qui, comme je vous l’ai dit, était venue au bout d’une heure et demi de zieutage en douce se coller à cinq centimètres de moi pour danser, et comme depuis le début j’avais fait mine de l’ignorer tout en ne m’éloignant pas pour ne pas qu’elle croit que je la mate et me prenne pour une gros lourdingue, j’étais pris à mon propre piège et ne pouvait plus en sortir, et alors, j’aimerai bien vous y voir vous, à continuer d’apprécier le concert d’une manière analytique tout en vous insultant vous-même copieusement à l’intérieur de votre tête de petit merdeux d’handicapé de la drague de merde.
Bon, ça fait un sacré pavé, c’est assez pour aujourd’hui. Ce soir quand même, quartier les aubes, parc Rimbaud, Maison pour Tous George Sand, playback théâtre à 20h, entrée à prix libre, sur le thème des histoires de voisinage du quartier. Qu’est-ce que c’est que le playback théâtre ? Chaque spectateur arrive avec son histoire sur le thème, les comédiens improviseront là-dessus. Entre théâtre d’impro et éducation populaire s’il faut qu’on vous mette des étiquettes sur tout.