#383 – Déverni

Hier, j’avais décidé de ne rien faire. Et c’est exactement ce que j’ai fait, rien. J’ai regardé deux films dont je vous parlerai très en détail dans les jours qui viennent. Si vous voulez les mater avant que je ne vous les divulgâche, il s’agissait d’Everything Everywhere All at Once (2022) et de Swiss Army Man (2016). Deux films des Daniels que j’ai ratés à leur sortie en salles. Il y avait les films Netflix, avec les Daniels il y a désormais les films Reddit. Dit comme ça, ça ne fait pas très envie. Mais ce sont les deux seuls films États-Uniens de ces cinq dernières années qui m’ont redonné espoir dans les capacités de ce pays à ne pas détruire tout à fait l’imaginaire des jeunes générations du monde entier, à grand renfort d’adaptations vidant l’œuvre originale de son originalité, de franchises cherchant simplement à cultiver des consommateurs captifs de l’enfance à la mort, d’images de synthèse dégueulasses ou réussies, mais servant à tous les coups un propos inexistant. Car tenir un propos, c’est clivant, et les vendeurs aux masses préfèrent se tenir loin de tout ça.

Bon, et alors hier, je n’ai rien fait, et le ciel était orageux, et je me sentais pas top. Ce matin, en me réveillant à 7h, le ciel était gris et je me suis rendu compte que j’avais chopé la déprime. Maintenant le temps alterne, d’ensoleillé à couvert, et mon humeur avec. Aucune personnalité. Il est 9h30, va donc boire une café, que je me suis dit. Place Jourdan, tiens, ça fait longtemps.

De chez moi à la Place Jourdan, c’est cinq-dix minutes en ligne droite. À équidistance des deux, c’est le lieu où, il y a un mois presque pile, j’ai installé ma petite image. Comme ça, pour rendre hommage au décor.

L’image est toujours là. Personne ne l’a arrachée, gribouillée, collagée… Ni le soleil ni la pluie ne l’ont délavée, mais, comme je vous l’avais dit, l’installation était précaire, et le vent a fait sauter deux des quatre points d’accroche. Alors plutôt que d’avoir sur la conscience un plastique de plus qui se balade dans la nature, je la décroche en passant.

C’était ma première exposition. Une image seule. C’était à Bruxelles, du 23 avril au 21 mai 2022. Vous ne l’avez pas vue ? Ah la la, et vous prétendez aimer l’art ! C’est du propre.

Je ne sais pas s’il y en aura d’autres. Ça dépendra sans doute du temps qu’il fait.

#382 – On se foutrait pas un peu de ma gueule, Strof…

Je suis au Strof. Encore ? La dernière fois que j’y étais c’était la semaine dernière. Calmez-vous. J’ai simplement posté aujourd’hui l’article sur le concert d’il y a cinq jours.

Et voilà, on m’a dit que j’exagérais dans mon premier article, et qu’il n’y avait pas des concerts absolument chaque soir dans ce bar. Alors, en rentrant du travail il y a deux heures, je mate viteuf la programmation sur le net, et c’est vrai qu’il n’y a rien de prévu. Mais je me dis : ils vont pas m’avoir comme ça, je vais aller m’assurer de mes propres oreilles qu’il n’y a rien de rien.

22h30, j’arrive au Strof, il y a un concert. Un pianiste de jazz accompagné alternativement d’une chanteuse et d’un chanteur…

Je me sens tellement trompé.

En fait, il y a en ce moment un festival de jazz à Bruxelles. Deux affiches en plus de celle de la progra habituelle du bar sont placardées à la porte avec des dates supplémentaires pour le festoche. Je mate attentivement, histoire de savoir à qui j’ai affaire ce soir sans avoir à demander au patron cette fois-ci. Il n’y a pas la date de ce soir, sur aucune des trois affiches.

Moi, j’abandonne. Je passerai chaque soir où je le peux, en sachant très bien que d’une manière ou d’une autre, il y aura un concert. Désormais personne ne saura me convaincre du contraire.

Et oui, j’écris cette note directement depuis le bar, parce que je sais pas quoi faire d’autre maintenant que le concert est fini et que j’ai un verre devant moi. Non, je n’ai pas d’ami, oui, vous pouvez arrêter de vous moquer.

#381 – Alliance of the Billing, c’est un jeu de mots

Samedi dernier, je suis allé voir Alliance of the Billing au Strof. Une semaine n’étant toujours pas passée depuis, il est encore temps que je vous raconte.

J’avais croisé deux des membres du groupe la veille, au concert de Maple Paper. Ils étaient là pour voir à quoi ressemblait la scène, à quelle sauce ils allaient se faire becqueter. C’est qu’ils ont du matos et qu’ils sont cinq, ça demande un minimum de place. On avait causé un brin et le moment avait été bien agréable, même si comme je vous l’ai raconté j’avais commencé à boire plus que de raison. Me rappelle plus de tout dans les détails, du coup. Ce dont je me souviens, c’est de n’avoir pas pigé le nom du groupe tout de suite.

« Et c’est quoi votre nom ?
« xxx of the Billing
« Pardon ?
« Alliance of the Billing. C’est un jeu de mots, par rapport à la coalition of the willing.
« Ah oui… Tout à fait.
« Rapport à la politique de désarmement de l’Irak et son invasion par les Américains, sous l’ère Bush.
« Ah mais oui ! »
C’est dans ce genre de moments que je regrette de n’avoir pas été attentif à mes cours de civilisation américaine à la fac, j’avais clairement pas la réf.

Et enfin bref, ils me demandent si je passerai le lendemain voir leur concert, et que oui ! je réponds, avec plaisir.

Le lendemain est un cauchemar. Je me lève avec la gueule de bois après quatre heures d’un mauvais sommeil, je mets quatre autres heures à écrire ma note de blog, je file au travail le bide en vrac, la tête dans le brouillard. Je termine à 20h30. Deux collègues veulent qu’on aille boire un verre. Je sais que le concert ne commencera qu’à 22h et que ce n’est qu’à quinze minutes de là, alors j’accepte de boire un iced tea en mangeant une grande assiette de frites des lendemains de cuite, et à 21h45 je pars en flèche au Strof.

Quand je débarque, le concert n’a pas commencé, comme prévu. Je repère direct Clément, le bassiste de Maple Paper qui est également revenu. Il y a aussi les mecs du groupe qui sont là avec des amis venus les voir. En me voyant débarquer ils s’écrient : « il est venu !! » On sent qu’il y avait du pari dans l’air. Ils m’accueillent chaleureusement, ont l’air d’être sincèrement contents que je me sois pointé et amusés de voir qu’un mec bourré peut tenir parole. Ne savent pas à quel point il s’en fallait de peu que je choisisse d’aller plutôt m’écrouler dans mon pieux, d’autant que le lendemain je devais me lever à 6h du mat pour ouvrir le magasin, puis partir à Soignies dès la matinée de boulot terminée pour fêter l’anniversaire d’une amie. Mais si je dis à quelqu’un que je viens à sa petite kermesse, je viens. Surtout si je le dis quand j’ai picolé. J’aime pas me bourrer la gueule, alors que ce soit une excuse pour ne pas tenir mes engagements, c’est hors de question.

Et donc je suis là. C’est la même serveuse que la veille. Première chose qu’elle me dit en me voyant : « j’ai plus de Stella. » Merde alors, j’aurais vidé le fût à moi tout seul ? Peu probable. Je ris un peu honteusement en lui annonçant que ce soir c’est thé glacé jusqu’au bout de la nuit.

Et le concert alors ? J’en parle du concert ou je vous raconte mon panaris ? J’ai pas de panaris, c’est une façon de causer, mais merci de vous inquiéter. Bon. Le concert commence. Le rez-de-chaussée est plein. Heureusement que Clément, moins dans les choux que moi, a su détecter le moment pile où il nous fallait nous avancer pour avoir notre place au premier rang.

J’entends le premier coup de grosse caisse, poum. L’impression que quelqu’un m’a balancé un coup dans le bide. J’étais pas prêt, le son de la batterie est monstrueux. Le jeu est clair. Le guitares mixées un peu trop bas. J’ai pas de bouchons, contrairement à mon voisin venu bien équipé. Je regrette un peu, mais ça fait aussi parti du plaisir de te prendre un gros son brut direct dans tes petits tympans, à un concert de rock.

D’ailleurs, est-ce du rock ? Il y a un batteur qui tape duraille, deux guitaristes saturistes autant qu’arpègistes, un bassiste qui connait bien son rôle de super glue des sections rythmiques et mélodiques et n’hésite pas à dissoner sévèrement sur certains passages qui l’y invitent, et il y a un claviériste qui crée de l’espace, texture les interstices, et apporte ainsi de la couleur à chaque morceau. L’un des gratteux chante un peu, rarement, ici et là. La voix utilisée comme un instrument occasionnel, j’aime ça. Ici pas de riffs joués bien en chœur, mais des ambiances, des moments qui gonflent et dégonflent, des orages, des éclaircies. Hé, patate, vous allez me dire, ça porte un nom ce genre de musique et c’est pas du rock, c’est du post-rock. Et vous n’aurez pas tort, mais que voulez-vous, je connais mal les frontières musicales. Je suis déjà post-genres, rendez-vous dans le turfu.

Alors, qu’est-ce que ça donne au final ? Un truc un peu sombre. Rêche et planant. Une invitation au voyage dans une variété de friches industrielles s’étendant jusqu’à l’horizon, par temps de ciel rouillâtre, dans la poisseur des brumes de gaz toxiques. Une phrase, deux mots qui n’existent pas. C’est un peu ce que j’ai ressenti en écoutant ce concert. Des éléments de vocabulaire et de syntaxe dont je suis familier dans d’autres contextes, mais utilisés d’une manière qui m’est assez inconnue. Je ne crois pas avoir vraiment écouté de post-rock auparavant, et encore moins en concert. Je dis que j’ai écouté le concert, par opposition à aller voir un concert, car oui, j’ai pas mal fermé les yeux. La scène était trop petite, la salle trop exigüe, pour me laisser vraiment apprécier les visions de vastes étendues ravagées par un monde ayant laissé les industries l’avaler et le recracher ensuite. Et, les yeux fermés, j’ai bien voyagé.

Quels éléments de la musique d’Alliance of the Billing m’ont provoqué ces visions ? Les nappes de synthé, les guitares sombres qui font krr krr, les guitares cleans qui sont pure mélancolie, les samples, la voix parfaitement posée véhiculant impuissance, tristesse et un brin de hargne ont certes chacun joué leur rôle. Mais cela venait également du fait que chaque voix, possédant en général sa rythmique propre, contrastait et complétait les autres, formant en se superposant une texture complète et régulière qui évoquait un très curieux mélange d’organique et de mécanique, comme un flux continu constitué d’éléments discrets. Là j’allais évoquer la physique des photons pour compléter l’image, et les fugues de Bach qu’on joue au clavecin, mais sur internet mieux vaut éviter de causer des deux au même endroit, sans quoi vous attirez toutes les psychoses du quartier dans votre section de commentaires.

Eh bon, j’aurais aimé vous parler plus longtemps de la musique d’Alliance of the Billing, mais voilà que je dois partir bosser dans moins d’une heure. Il me faut boucler l’article.

Quand le concert s’est terminé, j’étais vraiment heureux d’avoir été invité au voyage en ces contrées musicales sauvages, inquiétantes et évocatrices de paysages désolés. C’est beau un paysage désolé. En art. Je suis reparti en ayant eu l’impression d’avoir assisté à un mini-festival du court-métrage post-apocalyptique. M’a bien aéré les neurones tout ça. Pas regretté le déplacement.

J’ai redemandé à l’un des musiciens : « Au fait, c’est quoi déjà le nom du groupe ? Rise… of the… Willing ?
« Alliance of the Billing. C’est un jeu de mots avec coalition of the willing.
« Okay, cette fois je crois que c’est bon, je l’ai. »

Je l’avais pas, j’ai dû rechercher sur internet en rentrant chez moi. Mais après avoir écrit cet article et écouté trois fois leur album enregistré en 2019 sur Spotify, puisqu’il y est disponible, je pense que c’est rentré une fois pour toutes.

Vous aussi, donc, retenez leur nom en le répétant plusieurs fois d’affilée et lentement, et allez les voir quand ils passent près de chez vous avant que le monde entier ne soit devenu une friche industrielle dans laquelle il sera difficile de trouver une salle de concert.

Je vais être en retard au travail, je corrigerai les fautes plus tard.

#380 – Plouf

Ce matin, j’ai été témoin de deux drames. L’un financier, l’autre végétal.

Comme souvent quand je travaille les après-midis, je décide d’aller prendre un café en terrasse sur les coups de 9h. Cette fois-ci, ce sera au Supra Bailli. C’est comme ça, je suis mon instinct, il ne me trompe que 90% du temps.

Le Supra. Dernier bastion de convivialité et de comme-à-la-maison dans un quartier de costumes bleus cravates. Placé le long des rails du tramway, ce bar est sur une avenue très fréquentée. On y voit toutes les populations mélangées. Mais décalez-vous de trois rues, et une personne sur deux portera sur le dos des fringues et des bijoux dont la valeur équivaut à mon salaire mensuel. Je gagne pas énorme avec mon mi-temps, mais quand même. Ça vous donne un ordre d’idée.

Une description du paradis.

Et voilà justement que je dois dépasser le bar de trois rues avant d’y poser mes fesses. Me faut retirer un peu de liquide. Le distributeur est dans le hall de la banque. On fait la queue. C’est long alors qu’il n’y a deux personnes devant moi. La dame occupant l’unique distributeur retire sa carte en soufflant. Remet sa carte. La retire au bout de deux autres minutes. La remet. On commencerait bien à s’impatienter mais, si je dois être honnête, il est 9h30 et jusqu’à ce que j’embauche à 15h mes seuls objectifs sont : écrire cet article et boire un café. Alors on patiente poliment, et on observe.

La dame au distributeur demande à celle qui suit dans la file : « où est-ce qu’on choisit les billets ? » Cette dernière essaie de la guider de loin, sans trop s’approcher du distributeur, qu’on aille pas croire qu’elle tente de lui chourave un ou deux biftons au passage. À deux, elles arrivent à trouver l’écran correspondant.

« Et, les billets de 100€, ils sont où ? s’enquit la première.
« Ah, on dirait qu’il n’y en a pas, il n’y a que des 50, répond la seconde.
« Mais, je vais pas retirer des billets de 50 ! »

Pauvre dame. Enfin, pauvre… façon de causer. Consternée, elle laisse passer celle qui l’aidait, et s’en va trouver un employé de la banque.

Le mec se pointe, essaie de minimiser : « Mais enfin madame, retirez des billets de 50.
« Mais, j’ai pris rendez-vous, vous saviez que j’allais venir.
« Oui, j’ai commandé votre argent ce matin. Les sous vous sont réservés dans l’appareil mais je ne sais pas vous garantir les coupures de 100 madame.
« Mais, ce n’est pas possible. Alors je reviens demain ?
« Il n’y aura pas d’autres billets demain madame.
« Est-ce que je sais les retirer d’un autre endroit alors ?
« Non madame, la réservation ne marche que pour trois jours et seulement dans cette agence.
« Mais à quoi est-ce que ça sert qu’on prenne rendez-vous ?
« Je vous ai réservé l’argent ce matin madame.
« Mais, j’ai pris le rendez-vous il y a une semaine ! Ça fait une semaine que vous savez que je vais venir à 9h30. Qu’est-ce qu’on fait alors ?
« Madame, je suis sûr que vous avez autre chose à faire de votre journée. Vous pouvez retirer des billets de cinquante ou laisser.
« Mais ! Je ne vais pas retirer 4000€ en billets de 50 !! »

(non je n’ai plus aucune idée de comment on formate un dialogue, maintenant chut, ne me déconcentrez pas)

La dame me laisse passer et continue d’essayer de trouver une solution avec un banquier qui de toute évidence trouve, comme je le trouvais au départ, que madame exagère. Au final, je suis d’accord avec la dame. Elle a pris rendez-vous il y a une semaine pour une heure précise et un montant précis, et tout ce qu’on lui propose c’est de retirer ses 4000 euros au distributeur automatique en coupures de 50. La moindre des choses aurait été de la prévenir de prendre une valise.

Comme quoi, même quand ils ont du pognon, les banques n’en ont plus rien à foutre de leurs clients. Ce n’est plus là que se fait l’argent.

Et voilà pour le premier drame.


Je retire enfin mes 20 euros, et direction le Supra. J’y commande un croissant et un café, m’installe à la terrasse sur une petite table, à l’ombre du seul arbre. Une gorgée, une bouchée, et je dégaine ma tablette. Le temps d’allumer le clavier et d’activer le bluetooth : CRRACKK. Quelque chose tombe de l’arbre en plein dans la tasse. Sous le coup du plouf, le café gicle. La moitié du contenu de ma tasse se retrouve projetée sur la table, sur la tablette, sur le clavier, sur mon jean… bref, sur tout ce qui se trouvait dans un rayon de 50 cm.

J’ai un geste de recul immédiat, et mini moment de panique. Est-ce que ce qui vient de tomber dans ma tasse est vivant ? Oui et non. C’est un bourgeon, à l’apparence d’une grenade à fragmentation, qui vient d’exploser mon petit déjeuner. Je me trouve là complètement con, avec du café partout.

Je ramène ma tasse au bar, du café plein la coupe. Je regarde la serveuse de mon plus triste regard de caneton égaré, et tout ce que je trouve à lui dire sur le moment c’est : « je viens de me faire sauvagement agresser par le printemps. »

Je vois qu’elle ne comprend pas. Je lui montre la tasse en lui expliquant plus précisément qu’un bourgeon vient de tomber dans ma tasse. Elle pense sans doute que j’exagère, jusqu’à ce que j’extirpe un bourgeon de la taille de mon pouce de ce qu’il reste de café.

Comme vous le voyez, ma vie est passionnante dès le matin.


Bonus.

Hier, je suis retourné aux Halles Saint-Géry. Personne ne m’avait dit qu’il y avait bien longtemps qu’elles ne servaient plus de Halles. Au lieu de cela, c’est un espace très sympa, avec un bar aux prix raisonnables pour le cœur historique de la ville, des sièges confortables, de la végétation, plusieurs expositions temporaires et une exposition, semble-t-il permanente, sur l’histoire du lieu.

Il y a également un piano à disposition, et il se trouve qu’au moment de mon passage, un jeune et excellent pianiste en avait pris le contrôle. Il jouait un peu tous les classiques que les gens lui demandaient. De La Bohème d’Aznavour aux Gymnopédies de Satie, en passant par une version ragtime de Für Elise, et une autre fort swingante des Bare Necessities du Livre de la Jungle, ou encore ce magnifique prélude en mi mineur de Chopin qui donne salement envie de scander « j’t’explique que c’que j’kiffe, c’est de fumer des spliffs » à pleins poumons.

Hier donc, il faisait une chaleur rendue étouffante par l’humidité qui saturait l’air. C’était donc avec plaisir que je suis descendu dans les caves de l’édifice, bien au frais, pour admirer l’exposition permanente.

Premier cartel (vous savez le texte qui accompagne ce qui est exposé, on peut aussi appeler ça une étiquette ou une notice), une faute. Il manque un e : « des Halles actuels. » Je me dis ah mince, c’est dommage dès le premier cartel quand même, ça fait mauvaise impression.

Deuxième cartel. Le texte est en trois langues : français, néerlandais, anglais. Enfin, est supposé l’être. Manque de bol, là, c’est en français deux fois, exit le néerlandais.

Troisième cartel, deux coquilles en deux phrases. Là je me dis que c’est pas possible. Je dégaine mon téléphone pour vous prendre les photos, en pensant à la manière dont j’allais m’en moquer sur le blog. Sale bête que je suis. Si j’avais eu les mains libres, je me les serais frottées d’un air mauvais. Je retourne au premier cartel, clic, second, clic, troisième, clic. J’arrive devant le quatrième, encore inédit. Je me dis que la série va s’arrêter là, c’est pas possible autrement. Je vous le jure, si j’avais été en train de boire à ce moment-là, j’aurais recraché ma boisson par le nez. Une personne avait corrigé toutes les fautes au bic, et inscrit en marge du texte « 8 fautes, bravo ! »

Un…
deux…
trois…
…on claque des doigts !

Bon, mettons ça sur le dos de stagiaires mal supervisés. C’est quand même dommage. J’ai arrêté de lire et commencé à simplement regarder les images et objets exposés, sans ça je n’aurais pas su me concentrer, secoué de rire que j’aurais été. Merci au correcteur ou à la correctrice en tout cas, qui que tu sois je me suis senti en communion avec toi.

Les images, donc. Si ces dernières sont sans grand intérêt, elle sont en revanche d’une qualité d’impression atroce. Que voulez-vous que je vous dise. Rien ne sauve véritablement cette exposition, sinon la fraicheur des caves qui en cette fin de printemps chaude est plus que bienvenue. Après, si vous aimez le flou, les couleurs passées, et les pixels de deux millimètres sur deux, flous et aux couleurs passées, vous serez servis. Bon, disons-le tout de même : l’expo est gratuite. Les chiottes, payantes.

Pour résumer, si vous ne savez pas où vous planquer du soleil à Bruxelles, direction les Halles Saint-Géry, si vous voulez écouter des pianistes de passage et, avec un peu de bol, de talent, direction les Halles Saint-Géry, si vous voulez boire un café à moins de 3€, Halles Saint-Géry, mais si vous voulez en apprendre plus sur les Halles Saint-Géry, préférez la bibliothèque ou un blog historique quelconque.

En tout cas très beau lieu. J’y retournerai sans doute les jours où il n’y aura pas trop de monde.

#379 – AIFRKL

J’ai enfin rattrapé mon manque de sommeil. Oui, je sais, le sommeil en retard ne se rattrape pas, disent les plus grands médecins de plateaux télés. Eh ben en attendant je me sens mieux après avoir dormi 20h en deux nuits plutôt que 10h cumulées sur les trois précédentes. Même pas eu la force de vous raconter le concert du groupe que j’ai vu au Strof samedi dernier. C’est tout juste si j’ai réussi à m’y rendre, au concert. Enfin, je prendrai le temps de faire ça dans les jours qui viennent.

Voyez, vous êtes un glandeur qui passez tout votre temps chez vous sans voir personne à vous enquiller des pétards dès que vous n’êtes pas au travail, et à la seconde où vous décidez de remettre un doigt dans la vraie vie, vous n’avez plus une minute pour vous poser.

Expo de rue du Fandax Collective

La vraie vie. Je sais que ça cause encore des débats, mais oui, pour moi tout personnellement, IRL, In Real Life, a bel et bien du sens par opposition à devant un écran. Ou même par opposition à la tête constamment dans les bouquins. J’ai d’ailleurs vu très récemment le documentaire de 2013 sur The Pirate Bay, TPB AFK, dans lequel on peut entendre l’un des protagonistes expliquer que, pour parler d’une rencontre en chair et en os, lui et ceux de la même mouvance utilisent AFK, Away From Keyboard. Puisqu’à leur sens, ce qui se passe dans l’ordinateur fait également partie de la vraie vie. Et qui pourrait argumenter que tout ce qui se passe dans le monde ne fait pas partie du monde, hein ?

Mais si les utilisateurs d’ordinateurs et d’internet en sont arrivés, sans une grande Académie Française directrice du langage en ligne, à utiliser le terme IRL pour parler des rencontres en personne, c’est que le sentiment de n’être pas dans la vraie vie sur internet était partagée. Tu te bats contre quoi, Capitaine Michou le pirate ? Le fait que quand les gens disent la vraie vie, ils expriment leur sentiment profond qu’il existe une différence entre envoyer « lol » sans esquisser un sourire et se taper un fou rire ensemble dans une même pièce entre deux amis ? Un peu couillon comme combat. On te dit pas que les relations qui passent par ton modem ne font pas partie de la vie ou n’ont aucune valeur, on te dit juste que c’est pas la vraie vie. Oui, c’est subjectif, la vraie vie. Le mieux serait donc de saisir l’occasion pour que chacun tente de définir, même grossièrement, ce qu’il entend par vraie vie. Ce serait fort enrichissant, et on y découvrirait sans doute des contradictions intimes fascinantes, plutôt que de se perdre en débats stériles sur des mots creux.

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De mon point de vue, ce qui passe par des câbles pour se retrouver affiché par des leds ne forme qu’une représentation, de plus en plus fidèle certes, mais une représentation et c’est tout, de quelque chose qui existe réellement en dehors de ces câbles. Parfois, on préfère passer plus de temps dans la représentation de ce monde, plus facile à distordre et à conformer à nos envies, pour souffrir moins, craindre moins, et remplir l’espace vacant par davantage de ce qu’on aime.

Et puis, de la même manière que je ne me voile pas la face quant aux conséquences, pour moi-même et mon entourage, de ma consommation d’alcool ou de cannabis, par exemple, je ne me la voile pas non plus concernant le temps que je passe devant un écran. Et pour ne pas me mentir, je dois analyser, et me rendre compte, des différences qu’il y a entre moi dehors qui gigote, et moi dedans, assis dans un fauteuil, qui regarde quelque chose qui gigote. Délaisser les gens qui nous entourent, s’enfermer dans ses propres délires et renforcer ses croyances, fuir la contradiction et les réalités désagréables, ne pas se rendre vraiment compte de l’appauvrissement de la diversité des sensations que peut enregistrer notre corps du seul fait d’un déplacement depuis un environnement vers un autre (les parfums, les sons, la température, la force du vent, les lumières et couleurs, l’équilibre, les tensions musculaires, les changements de rythme cardiaque etc.), tout ça peut faire partie du package qui vient avec le fait de passer trop de temps enfermé devant un écran. Pas à tout les coups, pas pour tout le monde, et à des degrés différents selon qui, quand et où. Mais ça peut, très clairement. Moi, pour supporter tout ça, je fume, car il me faut le supporter des fois, puisque je souffre également de l’exposition trop soutenue à une vraie vie quand je n’ai pas l’occasion de m’y soustraire du tout. Alors croyez-moi, je ne juge pas. Mais je ferme pas non plus les yeux sur les effets d’un tel comportement.

Je dis donc IRL, dans la vraie vie, par opposition à sa représentation qu’on peut plus ou moins ajuster à notre convenance, certes, mais dans sa version 0% de matière grasse. La vraie vie comme un mur de béton dont on sent chaque picot du crépis quand on s’écrase la gueule dessus, mais au moins on sent quelque chose.

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Alors voilà. Des fois, lassé des habitudes et des gestes étriqués devant le clavier, et des pétards que je fume pour supporter la solitude et l’appauvrissement de toutes les sensations induites par cet enfermement « choisi », je veux vivre la vraie vie. Celle ou quand mon pote rigole, j’entends sa voix à lui, pas celle d’un autre, je vois ses dents à lui, un peu pourries mais pas pourries pareil que les miennes. Et cette autre amie, je veux voir ses sourcils se froncer comme elle les fronce, elle et pas une autre, quand elle trouve que j’ai dit une connerie, je veux voir ses blessures aux mains et que ça me rappelle qu’elle vit un quotidien difficile sans me le dire. Et lui, voir qu’il a des cernes aujourd’hui, mais c’est bizarre aussi, ce petit sourire en coin, il a dû se passer un truc cool qu’il dit pas ces derniers temps, peut-être qu’il dort pas parce qu’il passe ses nuits à faire des trucs sympa… bref je veux que tout ça, du monde et des autres, entre en moi et me provoque ces émotions plus ou moins gérables, ces joies et ces craintes profondes, sur lesquelles je manque de contrôle, et que je ne connais plus quand je lis simplement « ah ah » dans la même police d’écriture pour tout le monde, quand je dois imaginer les voix de mes amis dans les limites de ma mémoire, des voix qui ne sont pas réellement les leurs, simplement une reconstitution qu’en fabrique mon cerveau, ma propre voix qui imite la leur en réalité. Pfou, on est bien tout seul, hein, devant un écran. Il n’y a plus que le contenu du message qui est préservé. Tout le reste de l’autre est perdu, presque tout est généré par soi-même.

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Seulement quand tout s’enchaîne tellement dans la vraie vie, travail, tâches ménagères, visites médicales, réunions familiales, sorties en ville ou dans la nature, activités de loisir, secours aux amis en difficultés, slaloms entre les pièges tendus de quelques malveillants … quand tout s’enchaîne tellement, donc, qu’on n’a plus le temps d’apprécier ce qu’on fait, ni de lever la tête du guidon pour voir où on va, et qu’on finit par oublier dans quel but on fait tout ça (c’est-à-dire se donner une chance d’apprécier : ballades tranquilles un brin de fenouil au coin des lèvres, petits verres entre amis à l’ombre du parasol d’une terrasse calme, rires, bruits du vent dans les branches, copain qui joue trois accords, soleil qui se reflète sur les rides de l’eau en fin de journée, caresses et baisers…), quand on en oublie ça, je ne trouve pas que cela soit tellement vivre non plus. C’est être dans un TGV qui vous laisse à peine apercevoir comme le monde semble joli à l’extérieur, quoique rendu flou par la vitesse à laquelle on traverse le paysage, sans jamais avoir le temps de se poser le cul dans l’herbe pour apprécier le beau temps.

Expo de rue du Fandax Collective

Bref, je crois que la morale de tout ça, c’est qu’entre taupe défoncée vivant en ermite et grand arpenteur hyperactif des rues et de âmes, ce que je préfère, c’est les périodes de transition pendant lesquelles je me rappelle encore de ce dont je ne veux plus et de ce dont je suis à la recherche. Un truc à fuir, un objectif à atteindre. Dès qu’un mode où l’autre devient une habitude, dès que je m’y attarde trop longtemps, je commence à en souffrir d’une manière ou d’une autre. Et je sais pas faire les deux en même temps.

Eh ben dites donc. Je pensais pas que cet article serait aussi long, chiant et confus. Vous avez bien mérité une pause. À la prochaine.

Expo de rue du Fandax Collective

#378 – Au Strof

Avant-hier au Strof, il y avait concert. Hier au Strof, il y avait concert. Ce soir au Strof, il y a concert. Et demain ? J’en sais rien, mais au doigt mouillé je vous répondrais bien : il y aura concert.

Pourtant, le Strof n’est pas une salle de concert. C’est un bar aux chiottes atypiques. Seulement il se trouve qu’à partir de 22h, la playlist n’est plus assurée par une quelconque application mais par des êtres humains ayant fait le curieux choix de vie de monter sur scène, un morceau de bois ou de ferraille entre les saucisses, pour voir si leur manière de faire vibrer l’air déclenche plutôt une marée de déhanchés ou une pluie de légumes pourris. Certains aiment vivre dangereusement, que voulez-vous que je vous dise.

Kike Perdomo Quartet

Avant-hier, jeudi donc, alors que je faisais ma petite balade du soir, me perdant totalement dans les rues du centre-ville comme à mon habitude, j’entends au loin un groupe qui joue. Fort. Et sacrément bien. Alors, à l’oreille, je me dirige vers cette batterie qui tape des rythmes ultra-syncopés, et je finis par tomber sur le Strof. Sur scène, c’est le Kike Perdomo Quartet. Piano, basse, batterie et saxophone. Nom de nom ! Il était tard et je n’ai assisté qu’à la dernière demi-heure du concert, mais c’était laisser bien assez de temps à cette bande de jazzeux sauvages pour qu’elle me prenne par la croupe et me retourne comme une crêpe. Avouons-le, on flippe tous de se retrouver coincés dans un concert de jazz aussi technique que chiant. Tout le contraire ici. C’était technique et jouissif. Les tours de passe passe, les ruptures, les sinuosités, tout au service de l’ambiance et du feeling. Si vous étiez là et que vous ne vous êtes pas surpris à hocher la tête à un moment ou à un autre, c’est que vous avez un problème de cervicales. Contactez un kiné.

J’ai donc pris une petite mousse et me suis posé sur la terrasse avec vue sur le concert, par les fenêtres ouvertes du rez-de-chaussée. Le rez-de-chaussée, c’est là que tout se passe. Les concerts et les cocktails. Il y a l’étage, mais il est aussi ouvert sur le rez-de-chaussée. En vérité, je crois qu’il n’y a que les chiottes qui ne donnent pas sur le concert, mais enfin elles sont déjà bien croquignoles, n’en demandons pas trop. Je dis que j’ai pris une mousse, mais j’en ai vu qui ne prenaient rien. J’en suis venu à me demander comment il était possible qu’on soit là, quasi gratos et tout à fait gratos pour certains, à écouter ce quartet de folie qui aurait sa place dans n’importe quel bon festoche de jazz. C’était tellement bon. Et puis voilà, le concert s’est terminé, j’ai vidé mon verre et j’ai décarré.

Maple Paper

Hier, vendredi, alors que je faisais ma petite balade d’après-midi, je décide de passer devant le Strof, voir si par hasard y aurait pas re-concert. Aucun suspense, je vous l’ai dit en début d’article : y avait. Je décide de revenir plus tard.

22h. C’est Maple Paper qui joue. Trois jeunes gens talentueux. Ils disent faire du rock psyché aux influences progressives et des ambiances chill. Et ils ne mentent pas. Oui. Vous avez tout à fait raison. De même qu’à un concert de jazz abstrus, on peut tout à fait se faire chier à en crever dans un concert étiqueté rock prog psyché. Eh bien pas avec Maple Paper. Les atmosphères s’enchainent, les transitions sont bien senties, bien bossées aussi, il y a plus d’instruments que d’instrumentistes sur scène, ce qui est toujours sympa et permet de varier véritablement les ambiances. De chill à pêchu, tout y passe. Les sons qui sortent de la guitare sont impeccablement sculptés. Je ne sais pas comment font ces gratteux avec leur vingtaine de pédales d’effets pour, premièrement, avoir la patience de trouver LE son qu’il faut et, deuxièmement, réussir à ne pas juste appuyer sur huit des vingt pédales en même temps dans le feu de l’action, le tout sans se prendre les pieds dans leur câble jack, évidemment. En tout cas ce guitariste-ci s’en est très bien sorti. Bon et puis en dehors de ça, les mélodies sont belles, les harmonies de voix aussi. La batteuse chante divinement bien. C’est déjà pas simple de faire les deux séparément, alors en même temps, ça m’impressionnera toujours. N’oublions pas le bassiste-guitariste-clavieriste qui saute d’un instrument à l’autre tout en maniant ces enfers de machines que sont les pédales de boucle.

Puisqu’on cause de ça, je sens bien que je pédale dans la semoule pour vous décrire le concert. C’est que j’ai picolé plus que je ne me l’étais autorisé, quatre pintes de trop à la louche, et ce matin j’ai bien du mal à remettre mes neurones en ordre de travail. Maple Paper fait donc de la musique qui pousse à boire. C’est une bonne excuse pour moi, et une belle occasion de faire fortune pour les patrons d’établissements qui les inviteront à se produire sur leur scène.

Quand le concert s’est terminé, j’ai entendu une bonne partie de mes co-imbibés se demander pourquoi musique déjà finie ? C’est bon signe. Ça vous arrive souvent quand vous vous taisez que les gens soient un peu déçus ? Voyez. Maple Paper a sans doute plus d’avenir que vous.

Est-ce que je viens de décrire un groupe qui pousse à l’alcoolisme et frustre son public ? Si vous préférez voir le verre à moitié vide, ça n’engage que votre côté pervers. Je ne me suis pas privé de faire des retours sans enrobage au groupe après le concert, car je suis un sale con quand j’ai bu. Mais je leur tire vraiment mon… allez, chapeau, j’ai pas la force de trouver mieux, parce qu’ils ont vraiment bien géré les problèmes de sono advenus durant la première partie. Pas de son sur le clavier, ni sur un des trois micros, et une basse sans basses. Eh ben roule ma poule, ils ont continué à jouer et je suis sûr que les gens qui n’avaient pas les yeux rivés sur la scène ne se sont rendus compte de rien.

Heureusement l’ingé son du Strof a réglé tout ça pendant l’entracte, et la seconde partie s’est déroulée sans accroc. Et au Strof, quand le son est bon, le son est bon.

Le Strof

Et donc le Strof. Boissons un peu chères à mon goût, mais bon, les concerts sont gratos et vous pourriez en profiter depuis la rue. Le lieu est convivial, les gens discutent entre eux facilement. Le patron a l’air d’être souvent là, même s’il laisse son équipe gérer. On le sent sincèrement heureux quand on le voit sourire en contemplant son bar et ses clients qui passent un bon moment. On sent qu’il veut en faire un beau lieu de vie, de musique, de fête et d’échanges. Eh ben ça fait plaisir, je vous le dis. On a trouvé là le coin parfait pour passer les soirées d’été qu’on espérait à peine après ces satanées confinettes. Ah, et j’oubliais. Il doit y avoir une quinzaine de jeux d’échecs à disposition !

Vous pouvez donc, selon vos besoins, vous faire paraître bien plus intelligent que vous ne l’êtes en jouant aux échecs pendant un concert de jazz tout en sirotant votre cocktail préféré, ou vous lâcher au son d’un bon rock et renverser toute votre bière sur votre pantalon. C’est vous qui décidez. Remarquez, vous pourriez également vous poser tout simplement au soleil, l’après-midi, quand il n’y a pas de concert, et siroter un thé en bouquinant, personne ne vous l’interdira.

Bref, le Strof est bien parti pour être l’un des lieux les plus agréables et conviviaux de Bruxelles, à mon goût en tout cas. Je suis bien content d’être tombé dessus.

Et d’ailleurs, j’ai rencontré hier les membre du groupe qui doit jouer ce soir, j’y retourne donc dès que je sors du travail. Ce soir, par contre, je reste à l’iced tea. Ça va bien les gueules de bois, mais j’ai plus dix-huit ans. Et puis j’ai pas arrêté de fumer de joints à l’excès pour me vautrer dans la picole aussi tôt. Faut que je me surveille.

#377 – Lettre extrêmement ouverte, et même trop peut-être

Très cher toi,

(Je dis toi car je ne sais pas qui tu es, désolé de ne pas t’écrire un message personnalisé pour te donner l’impression que nous sommes proches. Je te rappelle que pour que tes données, habitudes en ligne et autres éléments de ta vie privée ne fuitent pas chez des entreprises qui s’en serviraient pour les revendre à d’autres entreprises qui elles-mêmes les revendraient à d’autres entreprises et ainsi de suite jusqu’à ce qu’un fabriquant de merdouilles inutiles autant que nocives à l’écosystème de notre planète se rende compte que tu es le pigeon parfait pour sa marchandise dont personne d’autre ne voulait, je ne dispose d’aucun outil de mesures statistiques sur ce blog. Je ne sais donc pas si tu viens de France, de Belgique ou du Togo, je ne sais pas quels articles tu as lu, ni quelles pages tu as consulté, je ne sais pas si tu es venu depuis lesblogsdantan.fr ou si DuckDuckGo t’as mené à moi. Je ne sais pas qui tu es, donc. A part Feldo, évidemment, qui lit tous les articles de peur qu’un jour je l’interroge et lui dise qu’il n’est pas un bon ami s’il ne connaît pas sur le bout des doigts l’intégralité de mes œuvres, mais je le tutoie également donc tout va bien. J’aurais pu, à la rigueur, écrire très cher toi ET Feldo, mais enfin bon.)

Très cher toi, donc,

Si tu me connais un peu par ce blog, tu sais que lorsque mes articles commencent par de grandes digressions absurdes, il y a peu de chances que les paragraphes qui suivent rattrapent l’affaire d’une quelconque manière. Mais puisque ce genre d’articles constitue 90% de ce site, j’imagine que c’est ce que tu cherches en venant ici. En y réfléchissant bien, je m’en veux presque d’avoir écrit ici et là quelques articles un tant soit peu intéressants ou utiles, car ce faisant j’ai gâché l’unité de ce qui aurait pu être une grande œuvre d’art contemporain. Je suis passé à deux doigts de proposer quelque chose en ne proposant strictement rien. C’est rageant. Je fais un bien piètre artiste.

Enfin, venons en à ce à quoi je voulais en venir. C’est à dire rien mais ne t’en fais pas, je vais finir par trouver quelque chose. Laisse-moi poster une image pour gagner du temps.

Célèbre sticker de Rylsee, vu je sais plus où dans Bruxelles

Tiens voilà !

Gwlad, que tu ne connais pas si tu n’étais pas encore là durant la période montpelliérienne du site (elle photographie des animaux morts mais tu verras elle est sympa je te la présenterai un jour), m’a appris qu’aujourd’hui, à 14h41 sortait un nouveau single de Stupeflip. Je suis curieux de voir ce que le vieux Ju va nous tirer de sa cagoule cette fois-ci. Le fait que la diffusion soit planifiée à 14h41 le 13 mai, et non pas le 14, ou non le 13 mais à 13h31, me provoque déjà un léger vertige. Je n’ai pas encore écouté ce titre, puisqu’il n’est que midi, mais j’anticipe déjà l’album, en espérant qu’il y en ait un, car pour moi Stupeflip est une affaire d’albums, pas vraiment de singles.

J’espère, comme à l’écoute des trois premiers albums, être dérouté et ne pas tout apprécier tout de suite, pour me laisser avoir avec le temps. Le dernier en date, et quatrième album, était sympa sans plus. Sympa sans plus veut dire que je ne l’ai écouté qu’une à cinq fois par jour les premiers mois puis simplement une dizaine de fois par mois l’année qui a suivi, et enfin une chanson en particulier de temps en temps, les jours de nostalgie.

Là, tu vois, j’avais commencé à tartiner sur mon rapport à Stupeflip, mais je viens de tout effacer. J’espère que tu ne m’en veux pas. Ayant découvert ce « groupe » à mes 15 ans et l’écoutant toujours 20 ans plus tard, il me paraît clair que je devrais y consacrer un article à part entière, voire une série d’articles. Trop de souvenirs. Le Stup a accompagné les années les plus marrantes et les plus dures de ma vie d’ado et de jeune adulte.

En attendant que je n’écrive donc pas cette fantastique série d’articles, car je ne fais quasiment jamais ce que j’annonce, je te souhaite, très cher toi, une bien agréable journée, et je m’excuse platement de t’avoir apostrophé de la sorte sans raison valable.

Bisettes

#376 – Le soleil tape pas fort sur la terrasse du Roi des Belges

Ai-je passé la nuit dans la chambre d’amis royale pour le savoir ? Nenni. Le Roi des Belges est un café aux abords des Halles Saint-Géry. Très jolies, les halles. Briques rouges, taille modeste. Mignonne petite bâtisse quoi. Je n’en connais pas l’histoire. Vous ferez vos recherches. Sans doute érigées en 1881, puisque c’est le nombre inscrit en fer forgé au fronton de l’édifice, juste au dessus de l’horloge qui indique qu’il est 9h20 alors qu’il est 9h50. Je vois d’ici que la trotteuse, en rouge dans le cadran, tourne comme elle est supposée tourner. Pour une fois qu’une de ces vieilleries fonctionne, c’est quand même pas de chance qu’elle soit trente minutes à la bourre. Enfin, je saurais pas qui contacter pour le faire remarquer, et si ça se trouve il s’agit d’une vieille tradition bruxelloise qui permet à tout un chacun d’avoir une bonne excuse pour être en retard au travail chaque matin.

Vous savez quoi, puisque pour une fois je pianote ces quelques phrases sur le lieu même que je décris, je me dis que je pourrais tout simplement vous les prendre en photo, ces halles. Oui mais vous vous rendriez alors compte que je décris très mal. J’aimerais tellement savoir décrire les choses. Parce qu’autant je suis nul en métaphores et je m’en fous, autant en descriptions… Il me faut y travailler. Travaillons-y.

Les halles, c’est fait. La terrasse… eh ben c’est une terrasse quoi. On va pas en faire toute une histoire. Allez-y voir par vous-même. Le café est un peu cher pour la qualité, mais ça ouvre dès 9h et, en mai du moins, c’est plein soleil. Ah ! Voilà. Le soleil ! Décrivons le soleil, oui. Pas facile ça. Si on le regarde bien bien pendant plusieurs minutes pour en saisir parfaitement les détails, on a intérêt à connaître par cœur l’emplacement des touches sur le clavier pour la deuxième partie du travail.

Le soleil est plutôt jaune et brillant. Oui, bon, attendez, je me chauffe. Le soleil… n’a pas les contours trop déterminés. Ou alors j’ai trop mal aux yeux pour bien voir les bords. On sent qu’il fait ce qu’il peut pour faire monter la température, mais l’humidité du matin n’est pas encore dissipée complètement et voile ses rayons. Pas de bol. Pour une boule de gaz située loin loin dans l’espace, je trouve qu’il n’est pas très haut dans le ciel, moi. Tout ça est un peu décevant à y regarder de plus près, et je préfère m’arrêter là. Je sais qu’il y a des symboles auxquels les gens ne veulent pas qu’on touche et, le soleil, pour avoir été vénéré par tant de civilisations, doit sans doute en être. Ne lançons pas de polémique inutile.

Écoutez, je crois que pour aujourd’hui, j’ai fait le maximum. Mon patron vient de me prévenir à l’instant qu’il me faudrait venir en avance au travail car il manque de personnel. Il devrait me prévenir les jours où je peux venir à l’heure convenue dans mon emploi du temps, ce serait plus simple.

Bises à vous.

#375 – Je ne supprimerai pas mes notes de blog. Enfin faut voir.

Si vous avez commencé à touchotter à quelque discipline artistique en même temps qu’internet est apparu par chez vous, et que vous n’avez pas lu I will not delete my games de Sweetfish, allez-y. Sûr qu’une part de vous s’y reconnaîtra.

J’ai fait mes premiers dessins à la maison, auprès de ma maman, qui loin de se soucier de la qualité de ma production souhaitait simplement que je passe un bon moment. Puis j’ai continué à l’école maternelle. Avec un faux départ tout de même. Quand ma mère a su que je m’étais fait durement réprimandé pour avoir dépassé en coloriant le loup en gris, elle m’en a retiré jusqu’à l’année suivante. La maîtresse détestait les enfants. Sur la dizaine de jours que j’ai dû passer dans cette classe, j’ai pu assister à la fessée cul nul debout sur une table et devant toute la classe d’un camarade avec un retard mental, parce qu’il avait fait caca dans la classe. Ah, la bonne époque.

Plus tard, avec les copains, à l’école primaire, on s’enregistrait. Soit improvisant des chansons, soit des sketchs « comiques » sur des cassettes, sur les chaînes hi-fi de nos parents, avec des micro de karaoké dénichés en brocante j’imagine.

Bon et puis il y a eu les premiers poèmes de pré-adolescence, les petites chansons fades, les trois accords de guitare…

Tout cela ne s’est jamais retrouvé sur internet. Et j’en suis fort heureux voyez-vous, que des millions de personnes ne nous aient pas entendus, ou pire vus, chanter « Mario, il court, il saute, il fait des flips à l’envers. » Notre scolarité n’en aurait pas été facilitée. Si la cassette est sans doute encore au fond d’un tiroir ou d’une malle, chez l’un de nos parents, la bande magnétique doit être collée et irrécupérable. Et si je suis soulagé que ce n’ait jamais été diffusé au grand public, j’avoue trouver un peu dommage que tout cela n’existe plus que dans mes souvenirs.

Internet n’est arrivé qu’en 1998-99 pour moi, quand mon frère nous a légué son ordinateur et son modem à la fin de son stage chez IBM à Montpellier. J’avais 11 ans. Je m’en servais alors uniquement pour télécharger et imprimer des images Dragon Ball ou South Park, en les cherchant sur Copernic. Ensuite, c’est devenu ma source des paroles de musiques anglophones auxquelles je ne pigeais pas grand chose. J’imprimais tout Eminem, The Offspring, Korn, Metallica… (si je dis Blink-182 et Sum 41 je devrais effacer cet article plus tôt que prévu alors excusez-moi de ne pas les mentionner)

CD-ROM trouvé hier dans la rue. Heureux hasard !

Ce n’est qu’en 2006, que j’ai commencé à mettre ce que je faisais sur internet, si l’on ne compte pas ce que je partageais directement avec les amis sur AIM ou MSN. Les blogs, MySpace et le tout début de Facebook faisaient qu’un utilisateur cazu qui n’y connaissait encore rien en programmation ou en méthodes d’hébergement pouvait désormais facilement publier en ligne et gratuitement.

Que reste-t-il de mes chefs-d’œuvre de la période 2006-2022, en ligne, sur CD ou disque-dur ? Pour ce qui est des dessins, je dirais 80%, pour le textes sans doute 40%, pour la musique pas loin de 100%. Les textes en disent long sur ce que vous pensez, et j’ai toujours honte de ce que je pense. C’est donc ce que j’ai le plus effacé. Voyez, je suis en général assez convaincu de ce que je pense, mais cette conviction ne perdure qu’une minute ou deux après que ma pensée s’est manifestée par l’entremise de mes cordes vocales, et avec le soutien non-négligeable de mes dents, ma langue et mon palais. Une fine équipe qui ne manque jamais une occasion de me mettre dans l’embarras.

Les dessins et les morceaux de musique, s’ils ne sont pas associés au texte, me gardent au moins de cette honte. Honte de penser mal ou de dire mal ce qu’on pense bien. Ils me font simplement honte de n’avoir pas assez travaillé, ou d’avoir des goûts très discutables.

Il y a donc tout à parier que je ferai, un jour ou l’autre, disparaître ce blog d’internet. Mais effacerai-je tout, même mes backups ? Pour moi qui ai si mauvaise mémoire, ne serait-il pas utile de conserver quelques notes, pour me souvenir, à l’occasion d’une relecture, des évènements que j’aurais traversés quelques années auparavant ? Des personnes que j’aurais rencontrées ? Sans doute que si. Ce serait utile. J’oublie trop vite trop de choses. Il me faut des aide-mémoire.

#374 – Des dents jaunes au bluetooth il n’y a qu’un pas

Nous sommes le 10 mai. Je fais des bêtises. J’achète des claviers bluetooth pour pouvoir écrire sur ma tablette depuis n’importe quelle terrasse de café, n’importe quel banc de parc. C’est pas des bêtises vous dites ? Si que c’en est. Tout ça parce que j’ai arrêté de fumer. Je ne vous avais pas dit que j’avais repris ? Ben voilà. J’avais repris, j’ai rarrêté.

Tiré de l’exposition de rue du Fandax Collective

Rarrêté, tout à fait. J’avais repris car, n’ayant plus de quoi calmer les angoisses par la fumée, j’avais repicolé. Une ou deux fois seulement, dont une contre mon gré pour faire plaisir à quelqu’un, mais ça ne m’avait pas fait du bien. Alors bon. Je m’étais dit qu’il valait mieux fumer, l’alcool est vraiment un poison trop puissant pour moi. Maintenant je vais tenter de ne retomber ni dans l’un ni dans l’autre de ces modes de fuite durant au moins un mois ou deux. Pfou, c’est long un mois. Déjà qu’une journée c’est long quand on ne boit ni ne fume pas… Une journée sobre, c’est sans fin. On se rend pas compte, essayez un jour vous verrez.

Tiré de l’exposition de rue du Fandax Collective

Enfin bon. Il me faut trouver un nouveau travail au plus tôt. Je commence à en avoir vraiment ma claque de trier des bries par date de péremption dans des frigos trop froids, alors je dois une fois encore faire les efforts nécessaires pour récupérer tout mon cerveau, au moins momentanément.

Tiré de l’exposition de rue du Fandax Collective

C’est mon jour de repos, et je fais n’importe quoi, donc. J’ai dépensé presque cent euros en une journée. Un clavier, une salade au resto, deux cafés, un thé glacé maison, un cookie, un bouquin dont j’ai parlé à un ami il y a deux jours et que j’ai trouvé par hasard dans une bouquinerie aujourd’hui, un ramune pêche à l’épicerie japonaise, boulevard Anspach je crois, ou rue du Midi je sais pas je me paume toujours dans ce coin. Cinq balles la limonade mais la bouteille est belle et puis merde faut que je me fasse plaisir un peu pour compenser l’arrêt d’afflux artificiel d’endorphines que je me tapais en continu depuis des mois dès que je sortais du taf par la magie des pétards. Toutes les factures sont payées et le loyer aussi, mais il doit me rester à peine deux cent euros pour vingt-et-un jours à tenir maintenant. Heureusement que je me nourris uniquement des produits périmés du supermarché dans lequel je bosse, je vous le dis. Ça va me faire drôle quand je vais quitter ce taf et que je devrais recommencer à faire mes courses comme tout le monde.

Tiré de l’exposition de rue du Fandax Collective

J’aimerais donc vous prendre une photo de moi devant ma tablette, mon clavier bluetooth, mon café et mon cookie, à cette terrasse installée dans une cozy cour intérieure du quartier des boutiques semi-chics, au départ de Louise. J’aimerais, mais si je prends une photo en plus de tout ça, je crains un effondrement cosmique par un trop brutal bouleversement du ratio schlagions/hipsterions dans l’univers.

Tiré de l’exposition de rue du Fandax Collective

Qui a l’œil affiné voit d’ailleurs très bien que je ne suis pas véritablement un hipster. Je suis rasé. Eh oui, ça arrive. Mes chaussures sont défoncées car je n’en ai que deux paires dont une réservée au travail, les lacets ne sont pas de la même couleur car je n’avais rien d’autre sous la main quand l’un d’eux a cassé. Mon sweat-shirt est bouffé aux manches, aux poches et à l’encolure, pas par les mites mais par les années, car je le porte depuis bientôt dix ans. Il était noir, il est maintenant de ce gris rougeâtre des trucs noirs qu’ont trop pris le soleil. Le pantalon que je porte est trop court car il a rétréci à la laverie, les deux autres sont sales… Bref. Ça ressemble à un hipster, ça va dans les lieux de hipster, mais c’est du Canada Dry. Les moins de trente ans auront pas la réf, tant pis.

Tiré de l’exposition de rue du Fandax Collective

Je fais des bêtises, mais je n’ai pas trop le choix. Des deux vrais amis que je me suis fait ici, l’une a déménagé hors de Bruxelles, l’autre a onze ans de moins que moi et si on passe de bons moments à tchatcher on ne va pas non plus passer toutes nos journées ensemble, alors… je me fais chier. Je me promène dans de jolies rues, je pense à des trucs, mais personne avec qui partager tout ça. L’idée d’écrire, pour le blog, pour moi-même, en sirotant un café par jours de grand soleil, est la seule qui me donne un peu envie. Je n’aime plus écrire sur papier, mais je ne veux pas rester enfermé dans mon appart pourri pour taper à l’ordi.

Tiré de l’exposition de rue du Fandax Collective

Je veux des gens autour de moi, je ne veux pas avoir à picoler dans un bar pour me faire de nouveaux potes même si c’est une technique qui marche ici. Alors de toutes les bêtises que je peux faire, écrire en buvant des cafés, entouré de gens qui vivent leur vie, c’est sans doute pas pire. J’ai le cadre qui me fait plaisir, et je suis concentré sur ce que j’ai à raconter. Voilà qui m’occupe presque sainement.

Enfin, vu le fric que j’ai lâché aujourd’hui, faudra quand même penser à aller plus souvent au parc qu’au café.