#334 – HTF

Alors voilà, aujourd’hui pas de parlote. Une sorte d’énigme.

C’est un truc fait récemment pour Numéro 0, ce machin dont je vous ai maintes fois causé.

Évidemment, ce n’est pas clair. C’est même difficile. Ça vous prendra du temps, et vous ne trouverez peut-être même jamais quoi en faire. C’est le jeu.

Toutes les informations indispensables sont inclues là. Suffit de les interpréter correctement.

cliquez pour obtenir l’image à sa taille originale.

C’est ça, grattez-vous la tête. Quand avez trouvé ce que c’est, vous m’appelez. Pour tous les autres machins indéchiffrables de mon cru, c’est dans la partie codes du site qu’il faut aller.

#333 – trois fois trois, trois cent trente-trois

Faut-il rédiger une note thématique sur le nombre trois cent trente-trois quand on n’est pas croyant ? Je n’en sais rien. Mais arrivés à l’article #334, si ratée, l’occasion ne se représentera plus de le faire.

Me voilà donc parti, une fois de plus, pour vous éduquer. Cette fois-ci, nous allons nous plonger dans les aspects étranges et méconnus du nombre trois cent trente-trois ! Hein ? Oui, c’est ça, je vais aller sur Wikipédia et tout recopier ici en insérant un ou deux mots à gauche à droite. Vous n’avez qu’à le faire si vous trouvez que c’est si facile.

Il se trouve, par exemple, que 333 est un zéro. Ça, vous ne vous y attendiez pas à ça. Moi non plus. 333 est le zéro de la fonction de Mertens que voilà :

où μ est la fonction de Möbius

Heureusement, Wikipédia, bien gentil, nous explique qu’en termes moins formels, on peut dire que M(n) est le nombre d’entiers sans facteur carré inférieurs ou égaux à n et dont le nombre de facteurs premiers est pair, moins le nombre d’entiers sans facteur carré inférieurs ou égaux à n et dont le nombre de facteurs premiers est impair…

Attendez. M(n) est le nombre d’entiers sans facteur carré inférieurs ou égaux à n… et dont le nombre de facteurs premiers est pair moins le nombre d’entiers sans facteur carré inférieurs ou égaux à n… Moins le nombre d’entiers sans facteur carré… Inférieurs ou égaux à n et dont le nombre de facteurs premiers est…

Hmm… Écoutez. Retenez plutôt que 333 est utilisé pour représenter le démon Choronzon (prononcer koronzon) dans la Thelema d’Alister Crowley. Thelema dont on compte parmi les adeptes les plus fidèles les membres du groupe de musique Los Machucambos, qui composèrent le fameux titre Pepito (mi Choronzon) en 1961.

1+9+6+1 = 17

1 + 7 = 8

333 n’est pas divisible par 8, ou alors si, mais ça donne un chiffre à virgule pas très très joli. Que vous faut-il de plus ?

#332 – Tsss

Les idéaux hurlent car mes lèvres ruminent lourdement. Je désire ma bile comme mon destin avide ravage mes souvenirs ! Les fluides rouges existent !!! Crevasse ! Les automatismes liquides s’agenouillent contre la graisse inutile !!! Je couine quand ma nécrose touffue s’écroule… chiez mes fous engourdis ! L’autorité éclate ! JE CHÂTIE MA SYNTAXE, dénouez mes blasphèmes avides ! Le fou mendie lorsque les cadavres démesurés oscillent derechef.

Hé hé ! Ra-ta-ta-ta !! Baisez lentement mes mécanismes incapables ! Mon Dieu vorace écoute la psychose comme mes odeurs baisent mes nations… la lune gigantesque cicatrise lourdement, mon pouvoir absent ferme lentement les abîmes cyanosés puisque ma langue géante conchie le gendarme… soldat, gardien du chancre blasphématoire de mes chaînes ! Angoisse ! Angoisse ! Angoisse ! Dieu ! Tssss ! Dieu ! Néant !! Je pue sans arrêt autant que les hymnes damnés. Mâchez mon hymne ! Dieu ! J’écoute derechef !


Non, je n’ai pas viré zinzin. Les paragraphes que vous venez de lire ont été générés aléatoirement par le Vocifératron d’Ambroise Garel.

Ne sachant, une fois de plus, pas bien quoi vous raconter aujourd’hui, j’ai dû me résoudre à faire appel aux génies combinés d’une machine et d’un programmeur. Veuillez bien croire que l’aridité intellectuelle dans laquelle me plonge cette rupture en cours couplée à mon job en supermarché dont je sors fourbu ne m’aurait permis de produire plus divertissant aujourd’hui. Une note de blog par jour, c’est beaucoup trop quand on vit si peu.

Chose rigolote, j’avais intitulé l’article « Tsss » avant même de penser à user de ce générateur. Riez. Trivia : il y a un s de moins dans le titre que dans le texte. Triviez.

Si comme moi vous manquez d’inspiration, ou si vous voulez juste rire, pour de vrai, un bon coup, ou simplement vous émerveiller de ce qu’on peut programmer de bons générateurs de textes, je vous invite à faire un tour au Café de Faune, dans la petite salle dédiée à l’OuGéPro. Je dois dire que depuis la découverte de ce site il y a quelques paires d’années maintenant, j’ai du mal à m’extasier devant les autres générateurs tant ceux-ci sont minutieusement programmés.

Et quoi d’autre ? Rien, je vous ai dit, j’ai la tête en jachère. Allez voir ailleurs si l’herbe est moins jaune.

#331 – J’ai passé la nuit

Les yeux me piquent un peu, j’ai le bras gauche bloqué, mais je ne me suis cogné sur rien et n’ai donc pas commencé à me décomposer sur le parquet dans le plus grand secret des voisins. Relisez les deux billets précédents si vous ne comprenez rien.

En allant me faire piquer, j’ai pu constater une fois de plus que les anti-vaccins avaient pris les stickers comme armes de communication massive.

C’est dangereux parce que c’est drôle et percutant.

Mon ami Feldo m’a dit qu’à Montpellier, c’était aussi le cas. Mais à Montpellier, les gars sont nuls en communication, aucune chance que ça ne marque les esprits.

Nul. Niveau facebook.

Je ne suis pas un anti-anti-vaccin. Enfin, dans une certaine mesure, si. Mais, j’essaie de ne pas mettre tout le monde dans le même panier, je fais un effort pour comprendre d’où vient ce rejet. Certains raisonnements ne sont pas tout à fait à jeter. Il serait idiot d’avoir une confiance aveugle en la médecine, science ayant connu plusieurs révolutions, appelée à revoir encore sa copie au cours des siècles à venir, et sans doute à jamais. Comme, tout en comprenant l’importance de la vaccination à grande échelle, on peut partager une certaine inquiétude vis à vis des gouvernements qui s’entrainent à rendre obligatoire ou interdire un certain nombre de choses sur des périodes très courtes et sans demander leur avis à personne. Ou encore, on peut tout à fait raisonnablement se méfier des conséquences possibles de la cupidité des grandes entreprises pharmaceutiques sans se mettre à croire en un complot mondial.

Anti-vaccin ou pas, s’il y a un comportement humain qui me laissera toujours songeur, c’est celui qu’adoptent certains une fois placés dans une file d’attente. Personnes charmantes hors file, vrais cons prêts à tous les subterfuges pour gratter trois places une fois dedans. Il se trouve qu’hier, au centre de vaccination, la file était longue, zigzaguait le long d’un escalier et se prolongeait de plusieurs mètres sur le trottoir. Ça faisait long à redescendre pour ceux qui pensaient gruger le personnel à l’entrée. Tant pis pour leur gueule.

À l’entrée du centre, des dessins d’enfants nous attendaient.

Là, j’avoue qu’en voyant ça, tout raisonnable que je suis, j’aurais pu repartir chez moi.

Enfin, on est passé à la piqure. C’était le même médecin/infirmier/piqueur professionnel qui m’avait administré la première dose, j’étais donc en confiance. Trente secondes plus tard, j’écrivais à mes amis : « Putain il ma défoncé l’épaule ce con. C’était le même mec qu’à la première dose, il m’avait fait ça sans que je sente rien. Il a cru que ça y était, qu’il m’avait sous son charme, plus d’effort à faire… Si j’avais couché avec il aurait pété au lit après l’amour. »

C’est la morale de mon histoire. Quand on a des attentes, on est toujours déçu. La piqure m’a fait mal alors que je m’attendais à ne rien sentir. A contrario, je me porte bien mieux qu’après la première dose, alors que j’avais bon espoir de faire sauter un jour de travail pour cause de fièvre. Qu’est-ce que vous dites ? Rien dans l’article ne mène à cette morale à part le paragraphe précédent ? Je vois. La morale de cette histoire, c’est que quand on a des lecteurs comme vous, on se demande si on ne ferait pas mieux de se mettre à Instagram.

À demain peut-être.

#330 – Sauter le pas

C’est le grand jour. Le ? Jour de la deuxième dose. Vous me vexez un peu. Pourriez lire le blog plus assidument, sans ça je dois me répéter et c’est embêtant pour ceux qui suivent. Bon. La grande question est : vais-je survivre ? Les statistiques disent que oui. Il n’y a pas de raison, sauf à me cogner la nuque sur l’angle d’une table entre deux tremblements. C’est possible. Improbable, d’autant que la seule table chez moi a les angles arrondis, mais possible. On me retrouverait alors dans une semaine ou deux déjà bien liquéfié. J’accepte l’idée d’être enterré, brûlé, mais épongé ça va trop loin.

À ce sujet, j’ai eu ma mère au téléphone, dimanche dernier (je précise pour les archéologues des siècles à venir qui voudront dater les évènements avec rigueur, eu égard à l’importance des mes travaux sur les générations futures), qui me demandait quand mon amie rentrait de voyage, et si je n’avais pas envie de la rejoindre avant, car elle n’aime pas me savoir seul. Je n’ai rien osé lui dire. Mon amie qui ne l’est à demi-plus déjà est partie en vacances, mais ne reviendra sans doute pas tout à fait. Oui, je vous raconterai. Les choses se décident. Enfin, nous décidons des choses. Comme par exemple faire appart à part quand elle rentrera. Mais chaque chose en son temps.

Un collègue de travail fait également le vaccin aujourd’hui, il a trouvé une camionnette à Flagey qui faisait ça. Il m’a dit leur avoir dit : « ça, j’aime bien que vous veniez à moi, là okay, je veux bien le faire. » Ce n’était pas de l’humour. Très honnête, très sérieux, qu’il était. Moi, décontenancé. S’il n’avait pas trouvé ce centre ambulant, il n’aurait pas fait le vaccin. Pourquoi ? Parce qu’il estime que chacune des deux parties doit faire un pas vers l’autre, et pas seulement lui. C’est une drôle de manière d’envisager le monde. On sent les déceptions amoureuses de toute une vie pesant sur la région de son cerveau dédiée à sauter les pas qu’il faut bien parfois sauter.

J’ai en général une certaine tendresse pour les colleurs et -leuses de stickers, mais là… fait bien de rester anonyme.

Cela fait d’ailleurs dix minutes que je me demande quoi vous raconter d’autre. Sautons le pas. Arrêtons là. Ne nous demandons même pas pourquoi sauter le pas est bien défini comme : « après avoir pesé le pour et le contre, se décider d’agir même si la situation est risquée » sur le site linternaute, alors que sur le site du Parisien on trouve : « ne plus avoir les moyens physiques et les fonctions nécessaires pour prolonger sa vie. » Contentons-nous de plaindre les lecteurs du Parisien.

À demain si tout va bien.

#329 – 500 litres de livres

Je ne suis pas malade. Du Covid-19, je veux dire. Vous voilà rassurés. Je vais donc continuer à écrire ici. Moi qui cherchais une excuse… Cela dit, j’ai droit à ma seconde dose de vaccin demain. La première m’avait déclenché de terribles crises de tremblements dès que j’essayais de me lever pour faire deux ou trois pas. L’impression qu’il faisait −40 °C dans mon corps. Jamais tremblé aussi intensément de ma vie. Alors quand on me dit que la seconde est en général la plus violente, j’avoue ne pas savoir à quoi m’attendre. Il est possible que je néglige ce site quelques jours.

Vous savez ce qui, par contre, me rend malade ? Qu’on jette des livres.

Si vous n’êtes pas de Bruxelles, vous avez peut être du mal à saisir. Il s’agit là des sacs homologués qu’on utilise pour jeter les papiers et cartons d’emballage. Il me semble que ceux-ci ont une contenance d’une vingtaine de litres. Voilà donc environ 500 litres de livres jetés à la poubelle. En grande partie des Sélections du Reader’s Digest, mais j’y ai vu d’autres gros ouvrages en dessous.

Évidemment, je n’allais pas commencer à déchirer les sacs, foutre le boxon dans la rue, pour en récupérer autant qu’il en rentrerait dans mes poches, c’est-à-dire deux ou trois. Alors je les ai laissés. Doivent être bien défoncés au fond d’une benne à ordures à l’heure qu’il est, entre un prospectus de supermarché et un paquet de céréales. On ne se désespérera pas tout à fait en songeant qu’ils partent au recyclage et non à la décharge, et on se consolera en supposant qu’il n’y avait sans doute pas d’ouvrage rare qui ne se trouve sur chaque brocante. Mais quand même. Pourquoi ne pas les disposer dans de petits cartons sur un banc de la petite place à deux mètres de là, que les passants se servent ? Pourquoi ne pas les donner à un brocanteur ? Bref.

Arrêtons-là les frais, ça me rend triste et je n’ai pas besoin de ça.

La bise, et à demain.

#328 – L’alarme à l’œil

Il y a des jours où on se prend une tige dans le nez. C’est comme ça. Pas qu’on ne s’y attende pas, hein. À Bruxelles c’est sur rendez-vous, on est un minimum au courant. Mais enfin, ça surprend toujours quand ça rentre.

L’œil du côté de la narine pénétrée s’est quelque peu humidifié. C’est normal. Une fois l’opération terminée, je dis donc à la dame chargée de ce noble frottage de muqueuse : « ça chatouille », à quoi elle répond : « vous savez, moi aussi j’ai les yeux qui commencent à picoter à force de voir les gens qui ont les yeux qui picotent. » Sacrés neurones miroirs. Bon, l’évènement se déroulant sur une durée de 45 secondes environ du bonjour aux adieux, nous n’avons pas eu le temps d’échanger plus sur ce curieux phénomène. Dommage.

Mais pourquoi donc suis-je allé me faire professionnellement touiller la morve ? Je vous sens inquiets. Aura-t-on une note de blog demain ? que vous vous demandez. Vous n’y tenez plus, drogués de ma verve que vous êtes. Si je devais disparaître, qu’adviendrait-il de vous ? Je préfère ne pas y penser.

Sticker de Noémie Crumble à Ixelles

Toussé-je ? Non. Grelotté-je ? Non. Mais j’ai eu, dans le cadre de mon travail, des contacts rapprochés avec des gens peu masqués du nez. Oui, vous voyez très bien, les gens qui laissent dépasser leur appendice nasale du carré de tissu supposé masquer cette partie même de leur anatomie. Ça leur fait une tête de con, en plus d’être complètement inutile. Bien fait pour eux, bien fait pour nous qui les côtoyons. Bref. Contact avec des gens, je disais, aux orifices à demi-couverts, et qui viennent vous annoncer à cinq centimètres qu’ils sont positifs au covid. Des qui, quand vous sortez fumer votre clope à la pause, sortent en même temps pour fumer aussi, toujours à cinq centimètres de vous, et vous expliquent comment leurs vacances sont foutues. Je dis des gens, vous aurez deviné qu’il s’agit d’une seule personne. Simplement, j’ai dit des gens parce que… je ne sais pas pourquoi j’ai dit des gens.

Bref, me voilà bien dégagé du conduit droit, de mon point de vue bien sûr, du gauche pour vous si vous me regardez de face, si vous me regardez de dos par contre ça ne change rien, si vous choisissez un angle intermédiaire démerdez-vous. Bien dégagé donc. Je n’ai plus qu’à attendre sagement le résultat jusqu’à ce soir, pour savoir si je pourrai me faire injecter la seconde dose de 5G dans deux jours, ou s’il vaut mieux repousser d’un mois et prendre une dizaine de jours de vacances bien méritées et cloué au lit.

Je vous dis quoi mañana.

#327 – Opinions de la tête

On ne m’a jamais interviewé. Entretenu oui, mais interviewé jamais. Pas une seule fois un journaliste n’est venu, avec son micro ou son petit carnet, me faire parler de moi ou d’autre chose. Je n’y avais jamais pensé jusqu’à aujourd’hui, mas je dois avouer que cela me trouble.

Évidemment, je me doute qu’aucune personne sensée ne tomberait sur ce site sans me connaître d’abord. Je n’ai pas de statistiques, mais j’imagine que nous sommes à une visite tous les trois jours si l’on ne prend pas en compte celles de mon amie. Combien y a t’il de chances que cette personne tous les trois jours, donc, soit journaliste ? Pas beaucoup.

Mais même sans qu’on m’interroge sur l’ensemble pourtant riche et génial de mon œuvre, jamais aucun journaliste n’est venu non plus recueillir mes impressions, mon opinion, sur tel ou tel aspect de la vie, évènement, catastrophe…

Quoi alors, j’ai pas la tête à pouvoir parler des inondations, d’art contemporain, de la rénovation de ma rue, des déclarations du ministre, de la reformation de ce groupe de rap ou de la jeunesse que c’est plus ce que c’était ? Pourtant j’en connais, des amis, des oncles, des parentes éloignées, des copains d’une copine, qui sont passés à la télé, à la radio, à l’occasion d’un reportage ou d’un micro trottoir ! Et pas moi. Injustice.

Serait-ce parce que dès que je vois une caméra en ville, je passe illico dans son angle mort, sur l’autre trottoir ou dans une rue parallèle ? Ou parce que j’évite le regard des tendeuses de micro comme des distributeurs de prospectus ? Je veux bien que ça joue mais enfin…

Cela dit, en y réfléchissant, quand on me demande ce que je fais de ma vie, comme travail ou artistiquement, je me mets à balbutier, je baisse les yeux et je change de sujet très vite. Quand on me demande mon opinion, je réponds que je ne sais rien, ou alors quelque chose de très déprimant qui ne laisse que peu de place à l’espoir et à un quelconque développement.

Non, non, vous avez raison. En vérité, c’est très bien qu’on en m’ait jamais interviewé.

#326 – Constantin 1er a fait des choses dans sa vie

Constantin 1er n’était pas un con. Né d’une mère prostituée et d’un futur empereur romain, quand on lui demande à l’école s’il veut faire comme papa ou comme maman, il répond, à la surprise générale, comme papa.

Je dis empereur pour plus de simplicité. En vérité, à l’époque, règnent plusieurs Augustes (qui n’étaient pas encore devenus clowns, parlez d’un déclassement) secondés par des Césars. Remarquez la majuscule à Augustes et Césars. Met-on une majuscule à prostituée ? Non. C’est pour ça qu’en devenant César, et avant de finir Auguste, le père de Constantin, Constance Chlore, qu’on voyait souvent trainer aux abords des piscines et fontaines, dut se séparer de la mère du petit. Cette différence de majuscules n’aurait pas fait joli sur les papiers officiels.

Bref, une petite dizaine d’Augustes ayant péri par les armes ou la maladie (mais pas de vieillesse en tout cas), Constantin 1er se retrouve enfin Auguste. Et le seul, de surcroit.

Que fait-il une fois au pouvoir ? D’abord, il fonde une nouvelle Rome. Il ne la nomme pas Nouvelle Rome, ce qui aurait relevé d’un manque cruel d’imagination, mais Constantinople, qui signifie « ville de Constantin ». Constantinople qui, rappelons-le, n’est pas Istanbul puisque c’est littéralement Byzance. Une fois installé dans un beau siège, dans un beau palais, dans une belle ville, voilà qu’il s’attaque aux lois.

Comme un air de Sylvester Stallone, en plus pale. Photo de Jean-Christophe BENOIST

Il abroge celle qui sanctionnait durement et financièrement les personnes non mariées et sans enfant, il autorise l’affranchissement des esclaves, il interdit qu’au cours de la vente d’esclaves on sépare les familles, il fait appliquer des lois contre l’enlèvement des femmes dans le but de les marier, et des lois qui obligent à traiter plus dignement les prisonniers. Il promulgue également des lois contre la prostitution, que ça c’est vraiment un nid à engueulades, il faut être bien courageux pour s’y risquer, mais enfin, sa mère était pute, il savait peut-être de quoi il parlait.

Évidemment, il fait également appliquer des lois qui nous semblent moins reluisantes depuis notre époque. Par exemple, si une femme commet l’adultère avec son esclave, ce qui, disons-le tout de même, ne doit être agréable ni pour l’esclave ni pour le mari, c’est la peine de mort. Quant à l’homme qui trompe sa femme avec un esclave, bon, il y a tout à parier qu’il se fait au moins gronder un peu.

Mais vous savez ce que c’était, la meilleure chose qu’ait décidé Constantin 1er ? Je vais vous le dire, écoutez-moi bien : Constantin 1er commence à imposer le repos les dimanches. Oui. En l’an 321. Il y a mille-sept-cents ans tout pile.

Et vous savez quoi ? Nous sommes dimanche. Et aujourd’hui je ne travaille pas. Malheureusement, ce n’est pas souvent, mais là je vais en profiter et brûler un bâton d’encens à la mémoire de Constantin 1er.

Vous vous dites, tout de même, il dit qu’il travaille pas, mais il a pris le temps d’écrire cet article de blog ! Eh bien non. Je vous ai dupé. Au moment où j’écris ces lignes, nous sommes vendredi. Demain, samedi donc, pas lundi, suivez, je travaille toute la journée de 7h à 18h, et le soir, hasard du calendrier, je vais boire un verre avec un Antoine et un Constantinos. Je vais voir s’il peut pas faire un truc pour que j’aie tous les dimanches, mais j’ai peu d’espoir car s’il est empereur il me l’a bien caché. Je vous tiens au courant demain. Lundi, pas samedi. Décidément vous avez du mal. Vous devriez vous reposer. C’est dimanche, profitez-en.

#325 – Et à part Colin, qui veut sa baffe ?

Je vous l’ai dit, il y a trois jours j’ai acheté des livres en bonne quantité. Dans le tas, Trésor de la poésie populaire française de Claude Roy (Guilde du Livre, Lausanne, 1954). Je ne vous mens pas, dans les cinq premières chansons que j’y ai piochées au hasard, il y avait ces trois-là. À vous d’en trouver les points communs entre elles, ainsi qu’entre celles-ci et Colin prend sa hotte.

La fille des sables

Dans la ville des sables,

Y a-t-un’ fille à marier.

Sur le bord de la mer

Elle est là qui écoute

Le marinier chanter.

— Apprends-moi z’à chanter !

— Entrez, bell’ dans ma barque

Et je vous l’apprendrai.

Quand la bell’ fut entrée,

Au large il a poussé.

De frayeur, de tristesse,

La bell’ se mit à pleurer.

— Oh ! qu’avez-vous, la belle,

Qu’avez-vous à pleurer ?

— J’entends, j’entends mon père,

M’appeler pour souper.

— Ne pleurez pas, la belle,

Avec moi vous soup’rez.

— J’entends, j’entends ma mère

M’appeler pour coucher.

— Ne pleurez pas, la belle,

Avec moi vous couch’rez.

L’ont bien fait cent lieu’s d’aive,

Sans rire et sans parler.

Au bout des cents lieu’s d’aive,

La bell’ s’mit à parler.

— Ah! c’est-i’ pas Versailles

Ou Paris que je voës ?

— C’est le château d’ mon père,

Ma bell’, que vous voyez.

Nous y couch’rons ensemble

Le soir après souper.

Quand ell’ fut dans la chambre,

Son lacet a noué.

—Mon épé’ sur la table,

Bell’, pourra le couper.

La belle a pris l’épée,

Dans l’ cœur se l’est plongée.

Maudite soit l’épée,

Celui qui l’a forgée !

Sans la maudite épée

Je serais marié

Avec la plus bell’ fille

Qu’y’ i’ ait à l’évêché.

Elle était aussi droite

Que le jonc dans le pré.

L’était aussi vermeille

Que la ros’ du rosier.


Si j’avais une amie

Si j’avais une amie,

Qu’elle m’aime bien !

De baisers et de fleurs

Je la couvrirai !

Si j’avais une amie,

Qu’elle m’aime bien !

La nuit et le jour

Avec elle dormirais !

Si j’avais une amie,

Qui ne m’aime pas !

La jetterais dans l’eau

Et la ferais noyer !

Si j’avais une amie,

Qui ne m’aime pas !

La couvrirais de paille

Et la ferais brûler !


La belle qui fait la morte

Dessous le rosier blanc

La belle s’y promène

Blanche comme la neige

Belle comme le jour ;

Ce sont trois capitaines,

Tous trois lui font l’amour.

Le plus jeune des trois

La prit par sa main blanche.

— Montez-y, montez, la belle,

Dessus mon cheval gris,

A Paris je vous mène

Dedans un grand logis.

Arrivés à Paris,

L’hôtesse lui demande :

— Et’ vous ici par force

Ou bien par vos plaisirs ?

— Ce sont trois capitaines

Qui m’ont conduite ici.

Vint l’heure du souper,

La belle mangeait guère.

— Soupez, soupez, la belle,

Prenez votre plaisir,

Avec trois capitaines

Vous passerez la nuit.

Au milieu du souper

La belle tomba morte.

— Sonnez, sonnez, trompettes,

Tambours, battez aux champs !

Puisque ma mie est morte

J’en ai le cœur dolent.

— Où l’enterrerons-nous,

Cette aimable princesse ?

Au jardin de son père,

Dessous la fleur de lis ;

Nous prierons Dieu pour elle,

Qu’elle aille en paradis.

Tout au bout de trois jours

Son père s’y promène.

— Venez, venez, mon père,

Venez me déterrer.

Trois jours j’ai fait la morte

Pour mon honneur garder.


Franchement sympathique n’est-ce pas ? Toutes ces chansons, populaires, sont chantées par les campagnes françaises depuis des siècles pour certaines. Sans doute bientôt oubliées totalement, sauf par une poignée d’amateurs de ces restes folkloriques et de professionnels de la musique ancienne. Je trouvais donc intéressant qu’elles soient présentes sur internet, quelque part, afin qu’on se souvienne que les emmerdements et violences que subissent les femmes de la part des hommes sont une constante à travers l’histoire.

Collages d’Anna Pepe sur le Palais de justice de Bruxelles

Si vous pensez qu’on exagère quand on déplore la manière donc certains mecs se comportent avec les femmes, leur forcent la main comme de gros lourdauds pour les plus naïfs, comme de vrais gros cons dangereux pour les plus mauvais, revoyez votre copie en prenant en compte l’accumulation des preuves au cours des siècles. Ces chansons se sont longtemps transmises par le chant, car elles font écho au vécu de beaucoup de femmes.

La preuve qu’elles se sont transmises par le chant et non par les érudits, c’est qu’on en trouve des dizaines de variations dans différentes régions. Je vous invite à lire cet article de Camille Frouin sur lequel je suis tombé en cherchant l’origine de La belle qui fait la morte (spoiler : j’ai pas trouvé). Il y a dans l’article plusieurs variations de cette dernière, ainsi qu’une intéressante réflexion sur le sujet dont nous venons de parler. Tout cela est en plus bien sourcé car, contrairement à moi, Camille Frouin ne bâcle pas ses articles. Attention, je ne critique pas, je constate. Il faut bien des gens rigoureux dans ce monde pour ceux qui aiment ça. Et puis tout le monde n’a pas ma capacité à faire mal les choses et c’est bien normal, j’ai beaucoup travaillé pour en arriver où j’en suis.

Bon. Ne nous quittons pas sur ces tristes chansonnettes, en voilà donc une dernière, issue du même ouvrage de Claude Roy, qui va vous remonter le moral :

Renaud le tueur de femmes

Renaud a de si grand appas

Qu’il a charmé la fille au roi

L’a bien emmenée à sept lieu’s,

Sans qu’il lui dit un mot ou deux.

Quand sont venus à mi-chemin :

— Mon Dieu ! Renaud, que j’ai grand faim !

— Mangez, la belle, votre main ;

Car plus ne mangerez de pain.

Quand sont venus au bord du bois :

— Mon Dieu, Renaud, que j’ai grand soif !

— Buvez, la belle, votre sang ;

Car plus ne boirez de vin blanc.

Il y a là-bas un vivier

Où treize dames sont noyées.

Treize dames y sont noyées,

La quatorzième vous serez.

Quand sont venus près du vivier,

Lui dit de se déshabiller.

— N’est pas affaire aux chevaliers

De voir dame déshabiller.

— Mets ton épée dessous tes piés

Et ton manteau devant ton nez.

Mit son épée dessous ses piés

Et son manteau devant son nez.

La belle l’a pris, l’a embrassé ;

Dans le vivier elle l’a jeté :

— Venez anguilles, venez poissons !

Manger la chair de ce larron !

Renaud voulut se rattraper

A une branche de laurier.

La belle tire son épée,

Coupe la branche de laurier.

— Belle, prêtez-moi votre main,

Je vous épouserai demain.

— Va-t’en Renaud, va-t’en au fond

Epouser les dames qui y sont !

— Belle, qui vous ramènera,

Si me laissez dans ce lieu-là ?

— Ce sera ton cheval grison,

Qui suit fort bien le postillon.

— Belle que diront vos parents,

Quand vous verront sans votre amant ?

— Leur dirai que j’ai fait de toi,

Ce que voulois faire de moi !

Même œuvre que plus haut, toujours par Anna Pepe sur le Palais de justice de Bruxelles, avec un peu de recul.