Je vous la fais version courte. Les Aïnous chantaient que le Dieu Hibou chantait qu’un jour, alors qu’il survolait le village des humains, il vit un groupe d’enfants sur la plage. Tous avaient des arcs et des flèches d’or. Ils étaient les enfants de familles qui autrefois étaient pauvres et maintenant devenues riches. Tous ? Non, l’un de ces enfants au contraire n’avait qu’un arc tout pourri et des flèches de même qualité. Car il venait d’une famille qui avait été riche et était tombée dans la pauvreté. Comment savait-il tout cela rien qu’en les survolant ? C’est le privilège des Dieux Hiboux, pouvez pas comprendre, vu que vous n’êtes ni dieux ni hiboux.
Quand ils le virent, les enfants se mirent à courir sous lui et à crier : « Le bel oiseau ! L’Oiseau Sacré ! Qui tire sur cet oiseau et arrive à l’avoir en premier est un vrai guerrier ! Un vrai champion ! » Car c’étaient de vrais petits merdeux. Alors les enfants des familles qui étaient autrefois pauvres et désormais riches tirèrent sur le Dieu Hibou qui, évidemment, évita aisément les flèches. Celui qui n’avait qu’un arc et des flèches toutes pourries le visa également, mais les autres se moquèrent de lui : « Eh, regardez le bouseux ! Il pense l’avoir alors que nous on l’a même pas eu avec nos flèches en or, ouuuh, gros pauvre va ! » et ils le piétinèrent et lui filèrent des coups de poing. Mais lui ne faisait même pas attention à eux et il tira, et le Dieu Hibou avait eu tellement de peine pour lui qu’il attrapa la flèche avec sa main, sa main de Dieu Hibou plus dieu que hibou là pour le coup, et il se laissa tomber.
Tous les enfants se ruèrent vers l’oiseau, l’enfant pauvre le premier, et tous l’insultèrent une bonne vingtaine ou trentaine de fois (c’est le Dieu Hibou qui le dit, c’est sa chanson, j’invente rien) : « Eh petit merdeux, c’est pas juste, c’est nous qu’on l’avait visé en premier, sale clochard ! Casse-toi ! » Et ils le tabassèrent bien correct comme il faut. Après un long moment, le pauvre petit réussit tout de même à s’enfuir en tenant l’oiseau fort contre lui, et, ne faisant pas attention aux autres qui l’insultaient toujours, il fonça chez lui.
Quand les parents du petit, qui étaient des vieillards, virent l’oiseau sacré ramené chez eux, ils le saluèrent en se pliant en deux, et se mirent à pleurer et à le vénérer. Ils avaient bien honte de l’accueillir dans leur vieille baraque toute moisie, mais comme la nuit était tombée, ils le gardèrent tout de même en lui promettant une offrande et en lui dépliant une belle couverture brodée pour la nuit. Dès que tout le monde se mit à ronfler, le dieu hibou se leva sur la pointe des pattes et en quelques battements d’ailes magiques couvrit le sol et les murs de trésors et de tissus précieux, et de meubles et de bien d’autres merveilles, et comme la vieille cabane vermoulue n’était pas assez grande, il en profita pour la transformer en immense manoir de métal, qu’il remplit d’autant plus de trésors. À côté du Dieu Hibou, Valérie Damidot pouvait allait se rhabiller.
Au lever du jour, la petite famille n’en crut pas ses yeux. Ils pleurèrent à nouveaux quelques bons litres de bonnes larmes et remercièrent l’oiseau encore et encore, et le vieillard coupa un arbre pour lui fabriquer un Inaos dont il le décora, et la vieille femme alla ramasser du petit bois et recueillir de l’eau pour faire du vin. Du vin de chez eux, qui n’était pas le vin de chez nous, puisque le Dieu Hibou nous raconte qu’en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, il y avait six bassines pleines de vin devant le foyer de la cheminée. Ensuite, le Dieu Hibou avec la Déesse du Feu et la Déesse des Personnes Âgées (oui), racontèrent diverses histoires de dieux en se sifflant le pinard avec le reste de la famille.
Après deux jours de beuverie, la vieille mère envoya son fils, qu’elle avait exprès sapé dans de vieilles loques, inviter à venir chez eux tous les gens qui avaient autrefois été pauvres mais étaient maintenant riches. Le Dieu Hibou regarda l’enfant entrer dans chaque maison et délivrer l’invitation, et vit que tous les gens qui avaient été pauvres et qui maintenant étaient riches riaient de lui. « Allons, allons, disaient-ils, quel genre de vin peuvent bien avoir fait ces sales pauvres qui puent et à quel genre de fête ringarde pourraient-ils bien nous inviter ? Allons-y donc pour nous foutre de leur gueule ! » Et donc une foule de personnes se mit en marche.
Certains, de voir seulement de loin l’immense maison furent si surpris et honteux qu’ils rentrèrent illico presto chez eux, la queue entre les jambes. Les autres avancèrent jusqu’à l’entrée de la maison seulement pour rester plantés là, paralysés, sous le choc.
Voyant cela, la vieille femme sortit et, les prenant par la main, les conduisit à l’intérieur de la maison. Tout le monde entra, lentement, plus que discrètement, et s’assit, et pas un d’entre tous ne fut capable de relever la tête. Le vieil homme prit alors la parole : « Comme nous étions pauvres, nous ne pouvions pas nous mêler à tout le monde, sans discrimination, mais le Dieu Hibou qui surveillait le village, a pris pitié de nous et nous a béni de cette façon, car nous n’avions jamais rien fait de mal. Alors, je voudrais demander à ce qu’à partir d’aujourd’hui, tous les habitants de ce village s’unissent et fassent en sorte de s’entendre les uns avec les autres. » Une fois qu’il eut dit ces mots, les villageois s’excusèrent tous auprès de lui et promirent tous très fermement de s’entendre les uns avec les autres dorénavant. Ce qu’ils firent, pour le plus grand bonheur du Dieu Hibou qui continue depuis lors de veiller sur le village des humains et de constater chaque jour qu’ils s’entendent bien les uns avec les autres.
Je vous laisse vous-même dégager une morale de cette histoire. Moi je saurais pas dire.