#411 – Capturer la lumière même quand il n’y en a pas

Ces derniers temps, j’évite de rester devant mon ordinateur. Problèmes de dos, problèmes de à quoi bon faire des choses en ligne. À la fois le besoin et l’envie d’aller faire des tours dehors. Alors pour occuper mes balades j’ai commencé à prendre des photos. Avec mon téléphone. Faut pas pousser.

Je prends surtout des photos de vieux bâtiments, de rues étroites, d’oiseaux et de végétation. À Bruxelles, ce n’est pas toujours facile, car pour faire de la photo, il faut de la lumière.

Enfin, quand le temps est trop moche, je passe la photo en noir et blanc, et en général ça fait l’affaire.

#378 – Au Strof

Avant-hier au Strof, il y avait concert. Hier au Strof, il y avait concert. Ce soir au Strof, il y a concert. Et demain ? J’en sais rien, mais au doigt mouillé je vous répondrais bien : il y aura concert.

Pourtant, le Strof n’est pas une salle de concert. C’est un bar aux chiottes atypiques. Seulement il se trouve qu’à partir de 22h, la playlist n’est plus assurée par une quelconque application mais par des êtres humains ayant fait le curieux choix de vie de monter sur scène, un morceau de bois ou de ferraille entre les saucisses, pour voir si leur manière de faire vibrer l’air déclenche plutôt une marée de déhanchés ou une pluie de légumes pourris. Certains aiment vivre dangereusement, que voulez-vous que je vous dise.

Kike Perdomo Quartet

Avant-hier, jeudi donc, alors que je faisais ma petite balade du soir, me perdant totalement dans les rues du centre-ville comme à mon habitude, j’entends au loin un groupe qui joue. Fort. Et sacrément bien. Alors, à l’oreille, je me dirige vers cette batterie qui tape des rythmes ultra-syncopés, et je finis par tomber sur le Strof. Sur scène, c’est le Kike Perdomo Quartet. Piano, basse, batterie et saxophone. Nom de nom ! Il était tard et je n’ai assisté qu’à la dernière demi-heure du concert, mais c’était laisser bien assez de temps à cette bande de jazzeux sauvages pour qu’elle me prenne par la croupe et me retourne comme une crêpe. Avouons-le, on flippe tous de se retrouver coincés dans un concert de jazz aussi technique que chiant. Tout le contraire ici. C’était technique et jouissif. Les tours de passe passe, les ruptures, les sinuosités, tout au service de l’ambiance et du feeling. Si vous étiez là et que vous ne vous êtes pas surpris à hocher la tête à un moment ou à un autre, c’est que vous avez un problème de cervicales. Contactez un kiné.

J’ai donc pris une petite mousse et me suis posé sur la terrasse avec vue sur le concert, par les fenêtres ouvertes du rez-de-chaussée. Le rez-de-chaussée, c’est là que tout se passe. Les concerts et les cocktails. Il y a l’étage, mais il est aussi ouvert sur le rez-de-chaussée. En vérité, je crois qu’il n’y a que les chiottes qui ne donnent pas sur le concert, mais enfin elles sont déjà bien croquignoles, n’en demandons pas trop. Je dis que j’ai pris une mousse, mais j’en ai vu qui ne prenaient rien. J’en suis venu à me demander comment il était possible qu’on soit là, quasi gratos et tout à fait gratos pour certains, à écouter ce quartet de folie qui aurait sa place dans n’importe quel bon festoche de jazz. C’était tellement bon. Et puis voilà, le concert s’est terminé, j’ai vidé mon verre et j’ai décarré.

Maple Paper

Hier, vendredi, alors que je faisais ma petite balade d’après-midi, je décide de passer devant le Strof, voir si par hasard y aurait pas re-concert. Aucun suspense, je vous l’ai dit en début d’article : y avait. Je décide de revenir plus tard.

22h. C’est Maple Paper qui joue. Trois jeunes gens talentueux. Ils disent faire du rock psyché aux influences progressives et des ambiances chill. Et ils ne mentent pas. Oui. Vous avez tout à fait raison. De même qu’à un concert de jazz abstrus, on peut tout à fait se faire chier à en crever dans un concert étiqueté rock prog psyché. Eh bien pas avec Maple Paper. Les atmosphères s’enchainent, les transitions sont bien senties, bien bossées aussi, il y a plus d’instruments que d’instrumentistes sur scène, ce qui est toujours sympa et permet de varier véritablement les ambiances. De chill à pêchu, tout y passe. Les sons qui sortent de la guitare sont impeccablement sculptés. Je ne sais pas comment font ces gratteux avec leur vingtaine de pédales d’effets pour, premièrement, avoir la patience de trouver LE son qu’il faut et, deuxièmement, réussir à ne pas juste appuyer sur huit des vingt pédales en même temps dans le feu de l’action, le tout sans se prendre les pieds dans leur câble jack, évidemment. En tout cas ce guitariste-ci s’en est très bien sorti. Bon et puis en dehors de ça, les mélodies sont belles, les harmonies de voix aussi. La batteuse chante divinement bien. C’est déjà pas simple de faire les deux séparément, alors en même temps, ça m’impressionnera toujours. N’oublions pas le bassiste-guitariste-clavieriste qui saute d’un instrument à l’autre tout en maniant ces enfers de machines que sont les pédales de boucle.

Puisqu’on cause de ça, je sens bien que je pédale dans la semoule pour vous décrire le concert. C’est que j’ai picolé plus que je ne me l’étais autorisé, quatre pintes de trop à la louche, et ce matin j’ai bien du mal à remettre mes neurones en ordre de travail. Maple Paper fait donc de la musique qui pousse à boire. C’est une bonne excuse pour moi, et une belle occasion de faire fortune pour les patrons d’établissements qui les inviteront à se produire sur leur scène.

Quand le concert s’est terminé, j’ai entendu une bonne partie de mes co-imbibés se demander pourquoi musique déjà finie ? C’est bon signe. Ça vous arrive souvent quand vous vous taisez que les gens soient un peu déçus ? Voyez. Maple Paper a sans doute plus d’avenir que vous.

Est-ce que je viens de décrire un groupe qui pousse à l’alcoolisme et frustre son public ? Si vous préférez voir le verre à moitié vide, ça n’engage que votre côté pervers. Je ne me suis pas privé de faire des retours sans enrobage au groupe après le concert, car je suis un sale con quand j’ai bu. Mais je leur tire vraiment mon… allez, chapeau, j’ai pas la force de trouver mieux, parce qu’ils ont vraiment bien géré les problèmes de sono advenus durant la première partie. Pas de son sur le clavier, ni sur un des trois micros, et une basse sans basses. Eh ben roule ma poule, ils ont continué à jouer et je suis sûr que les gens qui n’avaient pas les yeux rivés sur la scène ne se sont rendus compte de rien.

Heureusement l’ingé son du Strof a réglé tout ça pendant l’entracte, et la seconde partie s’est déroulée sans accroc. Et au Strof, quand le son est bon, le son est bon.

Le Strof

Et donc le Strof. Boissons un peu chères à mon goût, mais bon, les concerts sont gratos et vous pourriez en profiter depuis la rue. Le lieu est convivial, les gens discutent entre eux facilement. Le patron a l’air d’être souvent là, même s’il laisse son équipe gérer. On le sent sincèrement heureux quand on le voit sourire en contemplant son bar et ses clients qui passent un bon moment. On sent qu’il veut en faire un beau lieu de vie, de musique, de fête et d’échanges. Eh ben ça fait plaisir, je vous le dis. On a trouvé là le coin parfait pour passer les soirées d’été qu’on espérait à peine après ces satanées confinettes. Ah, et j’oubliais. Il doit y avoir une quinzaine de jeux d’échecs à disposition !

Vous pouvez donc, selon vos besoins, vous faire paraître bien plus intelligent que vous ne l’êtes en jouant aux échecs pendant un concert de jazz tout en sirotant votre cocktail préféré, ou vous lâcher au son d’un bon rock et renverser toute votre bière sur votre pantalon. C’est vous qui décidez. Remarquez, vous pourriez également vous poser tout simplement au soleil, l’après-midi, quand il n’y a pas de concert, et siroter un thé en bouquinant, personne ne vous l’interdira.

Bref, le Strof est bien parti pour être l’un des lieux les plus agréables et conviviaux de Bruxelles, à mon goût en tout cas. Je suis bien content d’être tombé dessus.

Et d’ailleurs, j’ai rencontré hier les membre du groupe qui doit jouer ce soir, j’y retourne donc dès que je sors du travail. Ce soir, par contre, je reste à l’iced tea. Ça va bien les gueules de bois, mais j’ai plus dix-huit ans. Et puis j’ai pas arrêté de fumer de joints à l’excès pour me vautrer dans la picole aussi tôt. Faut que je me surveille.

#329 – 500 litres de livres

Je ne suis pas malade. Du Covid-19, je veux dire. Vous voilà rassurés. Je vais donc continuer à écrire ici. Moi qui cherchais une excuse… Cela dit, j’ai droit à ma seconde dose de vaccin demain. La première m’avait déclenché de terribles crises de tremblements dès que j’essayais de me lever pour faire deux ou trois pas. L’impression qu’il faisait −40 °C dans mon corps. Jamais tremblé aussi intensément de ma vie. Alors quand on me dit que la seconde est en général la plus violente, j’avoue ne pas savoir à quoi m’attendre. Il est possible que je néglige ce site quelques jours.

Vous savez ce qui, par contre, me rend malade ? Qu’on jette des livres.

Si vous n’êtes pas de Bruxelles, vous avez peut être du mal à saisir. Il s’agit là des sacs homologués qu’on utilise pour jeter les papiers et cartons d’emballage. Il me semble que ceux-ci ont une contenance d’une vingtaine de litres. Voilà donc environ 500 litres de livres jetés à la poubelle. En grande partie des Sélections du Reader’s Digest, mais j’y ai vu d’autres gros ouvrages en dessous.

Évidemment, je n’allais pas commencer à déchirer les sacs, foutre le boxon dans la rue, pour en récupérer autant qu’il en rentrerait dans mes poches, c’est-à-dire deux ou trois. Alors je les ai laissés. Doivent être bien défoncés au fond d’une benne à ordures à l’heure qu’il est, entre un prospectus de supermarché et un paquet de céréales. On ne se désespérera pas tout à fait en songeant qu’ils partent au recyclage et non à la décharge, et on se consolera en supposant qu’il n’y avait sans doute pas d’ouvrage rare qui ne se trouve sur chaque brocante. Mais quand même. Pourquoi ne pas les disposer dans de petits cartons sur un banc de la petite place à deux mètres de là, que les passants se servent ? Pourquoi ne pas les donner à un brocanteur ? Bref.

Arrêtons-là les frais, ça me rend triste et je n’ai pas besoin de ça.

La bise, et à demain.

#322 – Comme à la maison

Vous je sais pas, mais moi, je me sens ici chez moi.

Comment expliquer qu’après des années à Montpellier qui me semblait être devenu une prison pour ne pas dire un caveau, une année à Lyon où j’avais le sentiment que je ne pourrais jamais vraiment faire mienne cette ville, une année à Prague où tant de touristes se pressent dans tellement de lieux faits pour eux qu’on a du mal à en retrouver le pittoresque malgré sa beauté et sa richesse culturelle, comment donc expliquer qu’après tout ça, et je sais la phrase est longue mais si vous avez perdu le fil recommencez depuis le début en lisant lentement et suivez avec le doigt, depuis que je suis en Belgique, je n’ai pas éprouvé une seule fois l’envie d’aller voir ailleurs ?

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, mauvaises langues. Tout n’est pas parfait. Non, contrairement à la croyance populaire, les Belges ne sont pas tous gentils. Non, les rues de Bruxelles ne sont pas toujours de la plus grande propreté, et les enchevêtrements des bâtiments d’architectures diverses ne sont pas toujours du meilleur goût. Non, la vie n’est pas bon marché. Mais quoi, je n’y peux rien, je m’y sens bien. Au moment où je vous écris, je m’imagine parfaitement y passer ma vie, et je n’arrive pas à m’en expliquer les raisons.

J’ai quelques pistes, mais rien qui ne sonne comme une grande révélation. Par exemple, j’aime m’y promener, à Bruxelles, et causer un brin avec les commerçants, les passants, les voisins de table. Jusqu’à maintenant, eux et moi avons toujours trouvé un sujet de conversation, pour dix secondes ou vingt minutes, qui fait naître une éphémère connivence et nous fait nous quitter avec un léger sourire.

Si j’avais été chargé de la communication à Bruxelles Mobilité, j’aurais fait exactement la même affiche. Bravo les zozos qu’ont pondu ça.

Je me régale de trouver de petites œuvres d’art à chaque coin de rue, et de grandes sur chaque place, dans chaque parc. Car des parcs, il y en a. Et de la verdure. Et des animaux. Rien à voir avec les pelouses sèches et jaunes gratte-cul du sud de la France, assorties de ces places sans un arbre où vous abriter du soleil qui cuit les crânes.

J’ai parlé de la musique ? Non, j’en ai pas parlé. Évidemment, avec ce virus présent depuis mon arrivée et qui ne semble pas vouloir nous foutre la paix dans l’immédiat, j’imagine que je n’ai rien vu de la vie musicolocale. Mais rien qu’à l’air libre, tout le temps qu’a duré le printemps, on pouvait entendre ici un groupe, là une sono, à l’occasion d’une guinguette, d’une kermesse ou même d’un mariage. Et le joueur d’orgue de barbarie ambulant, qui m’a réveillé un des mes rares jours de repos, j’espère au fond qu’il repassera sous mes fenêtres à 10h du matin.

Je sais bien. Je suis là depuis peu, j’aurais bien le temps de me lasser, de trouver des défauts aux pavés, de trouver les gens et leur conversations aussi moyens qu’ailleurs. Mais pour l’instant, malgré l’appartement minable dans lequel je vis, dans un immeuble à peu d’années de tomber totalement en ruine, je vous le dis : je me sens chez moi comme je ne m’étais encore jamais vraiment senti chez moi ailleurs. Le chez moi que j’attendais. Celui, un peu flou, que j’imaginais depuis quelques paires d’années.

Hein ? Mes états d’âmes, ça vous fait une belle jambe ? Eh ben profitez-en pour enfiler un short et allez la montrer par rues et par champs aux badauds ébaubis, plutôt que de faire des commentaires désobligeants. Bande de malpolis.

#319 – L’art, ce n’est pas une science exacte

Aujourd’hui, alors que je marchais paisiblement, un doute violent m’assaillit. Quel nom donne-t-on déjà à l’art des hommes préhistoriques ?

Je ne me souvenais plus. L’art rupestre ? C’est ça ? Peut-être bien. Mais l’art rupestre ce n’est pas celui qu’on fait tranquillement installé à la campagne ? Non, ça c’est l’art champêtre. L’art champêtre, ne cherchez pas, ça n’existe pas. Pas plus qu’il n’y a de gardes rupestres.

Garde champêtre, c’est un joli nom. En vérité cela veut dire policier. Ce qui est moins bien connoté de nos jours. Il ne faut donc pas le confondre avec le garde forestier. Garde champêtre, en France, c’est policier de la police rurale. Qui n’est pas la même chose que la police municipale. On devrait sans doute appeler les policiers municipaux des gardes villageois, et ceux de la police nationale des gardes intervilles, ce qui rappellerait cette vieille émission rigolote qui rythmait nos étés d’enfance. Enfin bon, monsieur le ministre de la justice française, si vous trouvez la police par trop mal aimée, c’est une idée.

Mais revenons à l’art préhistorique. Alors que je marchais toujours, le terme art pariétal fit un joli pop quelque part dans mon cerveau. L’art pariétal, oui. Ce doit être ça. Ou est-ce autre chose ? L’art pariétal ne serait-il pas le pendant masculin de l’art marital ? Non impossible, le mariage n’est pas un art mais une erreur. Ce doit donc bien être ça, l’art pariétal.

Aussi tôt rentré de ma promenade, je lance une recherche wikipédia. Et voilà donc le fin mot de l’histoire :

L’art sur bloc restera par contre à jamais un mystère.

Vous vous demandez maintenant ce qui a déclenché cette réflexion, et c’est bien normal. Pardon ? Si, faites-moi confiance, vous vous le demandez. Peut-être sans même vous en rendre compte. Et, dans tous les cas, si vous ne vous le demandiez pas, vous vous le seriez demandé dans quelques heures, ça ne fait aucun doute.

Eh bien voilà. Cette question m’est venue car je me demandais comment qualifier cette œuvre :

Magnifique n’est-ce pas ? Ce n’est pas une blague, j’aime beaucoup cette peinture. J’aime croire qu’il s’agit de renards. Renards roux. Animaux présents à Bruxelles. Certains les trouvent envahissants, d’autres adorables. Vous pourrez d’ailleurs tomber, à différents endroits de la ville, sur des renards peints par l’artiste Rose Delhaye, assortis de la phrase : « je ne suis pas un nuisible. »

Personnellement, j’irais pas les caresser mais enfin, ils ont le droit de vivre comme nous et, pour ma part, même en me promenant tard, je n’en ai encore jamais croisé.

Mais cette peinture-ci, art rupestre ou pariétal ? Pensez-vous que je sois allé me promener dans une grotte ? Non. Car j’ai peur des araignées. Voici donc cette peinture dans son environnement naturel :

XXV est-il le nom de l’artiste ? Nous ne le saurons pas.

Art rupestre donc.

Enfin… Le béton, ça compte pour de la roche ?

#318 – Découvrir la ville

Fraîchement débarqué à Bruxelles, je…

Je ne sais pas si on peut dire fraîchement débarqué quand on est là depuis dix mois. Même si j’ai passé les six premiers à bosser comme un âne, enfermé dans un supermarché. Essayons autre chose.

Débarqué à Bruxelles, je me…

Oui mais alors là, on perd le côté petit nouveau dans le coin. Ça ne m’arrange pas puisque je veux vous causer du fait que je ne connais pas la ville et que j’y découvre donc chaque jour de nouvelles choses. Et puis je suis arrivé par route et pas par mer, débarqué ne convient pas franchement. Bon.

Arrivé en bus à Bruxelles il n’y a pas si longtemps, mais pas non plus très peu de temps, je découvre chaque jour un peu plus cette magnifique capitale.

C’est vrai que c’est beau, des parcs toutes les trois rues, des architectures foisonnantes ! Tournez la tête à gauche, vous verrez un immeuble Haussmannien, tournez la tête à droite, vous verrez…

Nom de dieu…

Je…

C’est…

Qu’est-ce…

Écoutez, tout compte fait, je vais peut-être rester enfermé à bosser six mois de plus.

#317 – Dans les vitrines de Bruxelles, y a pas que des putes

Je n’ai pas été tout à fait honnête avec vous. Dans l’article de mardi dernier, quand je disais être sorti pour trouver l’inspiration, fondre un peu de graisse et respirer l’air frais, j’avais omis l’une des principales raisons de ma promenade : retrouver une vieille échoppe délabrée, devant laquelle j’étais passée quelques semaines auparavant.

Ce jour-là, mon amie et moi avions envie de nous promener. – On va où ? que je demande. – Tu veux aller au marché aux puces ? Il y en a un grand, place du Jeu de Balle, me propose mon amie. – Okay, que je dis. Et nous voilà partis de bon matin.

Nous descendons la chaussée d’Ixelles, et paf ! Prise de tête. Direct. Pour des broutilles, sur un quiproquo. Nous suivons le boulevard de Waterloo jusqu’à la station Louise, puis nous dirigeons vers la place Poelaert en longeant le palais de justice, tout ça sans plus nous adresser un seul mot.

Nous descendons enfin la pente qui mène à la rue des Minimes, et c’est là que nous renouons le dialogue. Tout occupés à parler et faire retomber la tension, nous nous dirigeons vaguement vers les Marolles, quartier où se trouve la place du Jeu de Balle. Vaguement, car n’y étant jamais allé moi-même, et mon amie n’ayant pas l’ombre du début de la queue d’un sens de l’orientation.

C’est comme ça qu’au hasard d’une rue, nous tombons sur l’étrange échoppe. Devanture en bois vert, aucune inscription, large vitrine. Dans la vitrine, un curieux spectacle. Des sortes de… poupées ? automates ? pantins ? sont posés là, sinistres, à pourrir lentement sous les yeux des passants qui pourtant ne semblent pas y prêter attention. Un rideau derrière eux interdit de voir ce qui se trouve dans le reste du local semble-t-il à l’abandon. Ce spectacle me fascine autant qu’il me met mal à l’aise.

Mais je décris mal. Des images seront plus parlantes.

Alors ? Ça met pas mal à l’aise, ça ? Si, que ça met mal à l’aise.

Enfin bon, nous avons avancé, sommes tombés sur la place du Jeu de Balle et son marché aux puces, où je n’ai acheté ni cette photo grand format et encadrée d’un enfant souffrant de déficience mentale, ni ce petit portrait peint d’un chien dans un costume d’époque. Comprenez-moi, j’étais encore sous le choc de cette rencontre, rien ne pouvait plus m’impressionner ce jour-là.

Dès le lendemain, j’ai voulu retourner voir cette vitrine et demander aux riverains de quoi il s’agissait. Atelier de marionnettiste à l’abandon ? Artiste contemporain souhaitant créer le malaise ? Eh bien figurez-vous que je n’ai jamais pu la retrouver. Je suis retourné quatre fois dans le quartier, j’ai passé plus d’une dizaine d’heures à arpenter les rues dans ce seul but. Rien.

Heureusement que j’ai pris les photos, si ça n’avait pas été le cas, j’aurais commencé à douter de ma santé mentale.

#314 – Recopieur !

Ce matin, je me suis levé tôt. En manque d’inspiration, je me suis dit qu’une petite balade, en plus de me faire tomber le gras du bide et de m’emplir les poumons du bon air sain du centre-ville, m’aiderait sûrement à la trouver. L’inspiration, c’est quelque chose ! C’est quelque chose qui vous donne envie de faire quelque chose. C’est quelque chose qui vous donne parfois une idée précise du quelque chose à faire. Mais attention ! Si l’idée est trop précise, ce n’est sans doute plus de l’inspiration mais du plagiat.

Et voilà, j’ai marché, marché, marché… et rien n’est venu. Alors cinq minutes avant de rentrer, j’ai pris la photo du premier truc qui me tombait sous les yeux. Un collage qui m’a fait sourire en passant. On ne peut pas dire que la photo soit très inspirée, ni originale, ni complètement du plagiat même si je profite du travail d’un·e autre pour faire le mien alors que je n’ai pas d’idée. Après tout, il y a des livres entièrement constitués de photos de street art dont les bénéfices ne vont qu’aux éditeurs et photographes.

Crédits : Photo de moi. Dessin et collage de… Janki ? Jonki ? Tanki ? Tonki ? Janla ? Tonla ? Tarki ? On lit pas très bien. Tag derrière le collage de Roni ? Les plagiaires et voleurs de paternité s’arrêteraient là, mais nous savons vous et moi que cela relèverait de la malhonnêteté intellectuelle. Cette photo n’aurait en effet jamais pu exister sans le papier sur lequel est réalisé le dessin qui en est l’objet principal. Papier que beaucoup pensent être une création de l’Égyptien monsieur de Papyrus, mais qui à la vérité, de ce que l’on en sait, est l’invention de monsieur Cai Lun (prononcer 蔡伦 ). Il ne vous aura pas échappé que ce papier est collé, créditons donc l’inventeur de la colle, du premier ou de la première à en avoir enduit un papier. Évidemment, il faut également citer l’entreprise ayant fabriqué ce papier-ci précisément, entendons par là toutes les personnes y aillant travaillé, du PDG au personnel de ménage empêchant au quotidien le lieu de devenir un dépotoir, permettant ainsi d’y travailler dans des conditions tolérables, sans oublier les ingénieurs ayant soigneusement étudié le grammage idéal du papier, la texture, et la brillance adéquates, ainsi que les matériaux à utiliser pour y parvenir. Mais cela serait oublier les personne ayant débité et fourni le bois, ainsi que ceux ayant planté et entretenu les arbres. Il faut également citer, pour le tag, l’inventeur de la peinture, de la peinture blanche précisément, de la peinture blanche en bombe, de la bombe, du capuchon pour ne pas que la peinture sèche, l’inventeur de l’aluminium et du plastique. Mais aussi, sans quoi le tag n’aurait pas existé faute de support, l’inventeur de l’aggloméré, et de la plaque d’aggloméré qu’on pose sur les fenêtres pour les condamner, et de celui ou celle qui a eu l’idée de coller un papier, brun ici, sur l’aggloméré pour faire plus propre (pour la paternité du papier, voir plus haut). Il faut également nommer les ouvriers ayant fabriqué cette plaque, ainsi que ceux qui ont conduit le camion pour la transporter jusque là (et les inventeurs du camion, du moteur, de l’huile, de l’essence et plus généralement de tout ce qu’on trouve dans un camion, et le constructeur), ceux et celles qui l’ont posé, mais également qui en ont donné la consigne. Sans oublier les maçons, contremaîtres, commanditaires qui érigèrent cette maison sur la fenêtre de laquelle on a installé cette plaque, les tailleurs de pierre, charpentiers, architectes, propriétaires et locataires l’ayant entretenue jusque là puis abandonnée. N’oublions pas le bourgmestre ainsi que toute personne ayant contribué à faire une rue à cet endroit-là pour qu’on puisse y faire une maison. Enfin il faut bien admettre que cela n’aurait jamais été rendu possible sans les personnes ayant inspiré tous ceux nommées plus haut, ainsi que ceux qui les ont engendrés et leurs aïeux à eux. Je me rends bien compte maintenant, et alors que je n’ai pas cité les inventeurs de la photo, des smartphones, des internets, des stylo-feutres et j’en passe, que je n’arriverai jamais à faire la liste exhaustive des hommes et femmes sans qui cette image qui restera pour toujours gravée dans les mémoires n’aurait pas existé, mais tout honnête intellectuellement que je suis, je vois mon pourcentage de droits d’auteur potentiels se réduire peu à peu à peau de zob, et je préfère donc m’arrêter là. Bon joueur, je vous laisse le soin d’avertir les autorités compétentes si vous pensez avoir été lésés car votre nom n’apparait pas ici.

Rien à vous raconter aujourd’hui donc. Bien sûr j’aurais très bien pu profiter de l’occasion de cette photo de collage pour vous faire un petit discours sur l’absurdité du droit d’auteur, mais j’ai un peu la flemme.

À demain si tout va bien.

#313 – C’est quand qu’on va où ?

Il y a quelques jours m’est venue une idée. Une grande idée. Une de celles qu’on n’a pas tous les jours. Une qui nous fait nous dire, dis donc toi, t’en as dans la caboche hein, tu finirais président de la république que ça m’étonnerait pas, avec des idées comme ça. Et quelle était-elle donc, cette idée merveilleuse ?

Eh bien voilà, je me disais qu’il me faudrait ouvrir un blog, où j’écrirais un peu chaque jour, sur des sujets divers et variés afin d’améliorer mon écriture en même temps que de vous divertir. C’était donc une très bonne idée, jusqu’à ce que je me souvienne que j’ai déjà un blog, où fut un temps j’écrivais quotidiennement, qui ne m’a jamais permis d’améliorer mon écriture, ni de vous divertir, et dont je paye toujours l’hébergement chaque année. Comme quoi, entre l’idée neuve et celle déjà eue et oubliée, il n’y a qu’un pas.

Plus sérieusement —je sens que vous ne me croyez pas quand je vous dis sérieusement, vous avez tort—, il m’est apparu qu’avec le temps, je m’étais laissé aller à travailler dans ce job alimentaire en supermarché, sans plus rien faire en dehors de ça. Il m’est apparu n’est pas le bon terme. Mon amie me l’a fait apparaître. Elle me l’a fait apparaître en me disant combien il était difficile pour elle de s’imaginer rester avec quelqu’un qui ne souhaitait pas d’enfant, ne s’investissait dans rien, et n’avait plus de passions. C’était donc une apparition douloureuse. J’aurais préféré voir la vierge.

Aussi, pour éviter de perdre la personne qui m’est aujourd’hui la plus chère au monde, et pour moi-même ne pas me perdre totalement, j’ai décidé de me reprendre. Non, je ne veux toujours pas d’enfant, mais pour le reste, disons que ça reste jouable.

Et voilà donc comment, pour me reprendre, je reprends ce blog. Pas le couteau sous la gorge, mais le malheur à venir sur la conscience. Certaines et certains penseront que c’est une bien mauvaise raison de se remettre à l’œuvre. Ce à quoi l’homme que je suis depuis plusieurs mois leur répondra qu’il n’y a que des mauvaises raisons de se mettre à l’œuvre, puisqu’on doit tous crever, autant y aller en silence et anesthésié par les substances adéquates. Voyez comme il est vilain.

Évidemment, le blog n’est qu’un outil pour me pousser à recommencer à faire des choses, rencontrer des personnes passionnantes, et découvrir des lieux où faire des choses et rencontrer des personnes passionnantes. Car si je dois tartiner des lignes de pixels sur vos écrans biscottes —et il ne vous aura pas échappé que je brode toujours d’aussi belles métaphores qu’avant—, il va bien falloir que j’en trouve, des trucs à vous raconter.

D’ailleurs, il me semble que j’ai assez blablaté pour aujourd’hui, et je me figure que j’ai oublié d’agrémenter ce texte d’une image. Voilà donc le chat du voisin qui, dès que je passe la tête par la fenêtre pour fumer une cigarette, entame une baston de regard qu’à ma grande honte je n’ai encore jamais gagnée.

Je profite de cette occasion pour vous rappeler qu’étant loin de ces Sud-de-Francistes de Koinkoin et Gwlad, vous ne trouverez plus ici que des photos prises par mes soins et de la plus haute qualité.

Voilà, si vous voulez me soutenir dans mon entreprise et que mon amie ne me quitte pas, abonnez-vous, cliquez sur la cloche, et dites-moi dans les commentaires si vous préférez les bastons de regards avec des chats ou avec des chiens. J’ai pas de patreon mais j’accepte les virements bancaires.

La bise.

#312 – Ça colle dans les rues d’Ixelles (5)

Et voici quelques stickers de plus aperçus aux alentours des places Fernand Cocq et Flagey à Ixelles :

Précédents articles de la série :
#311 – Ça colle dans les rues d’Ixelles (4)
#310 – Ça colle dans les rues d’Ixelles (3)
#309 – Ça colle dans les rues d’Ixelles (2)
#308 – Ça colle dans les rues d’Ixelles (1)