Ça y est. J’ai enfin une cause à défendre. Une vraie juste bonne cause. Une qui vaut incontestablement le coup de se battre. Une contre laquelle rien ne peut s’élever, même pas ma conscience pourtant peu clémente envers mes propres actions. Je n’avais encore jamais publiquement défendu une Cause, avec un C. Mais il y a des environnements qui poussent à la prise de position, à l’action radicale.
Cet environnement, qui me force aujourd’hui à me déclarer combattant du bien, c’est le supermarché. Quelle est ma cause ? Le respect du droit de chaque individu à ce qu’on ne l’oblige pas à supporter chaque jour une playlist composée à 95% des mêmes chansons d’un jour à l’autre.
Je n’en peux plus. Je connais tous les tubes à la mode d’il y a cinq ans, que je n’avais jamais entendus jusque là, puisque je n’avais jamais travaillé dans un supermarché. En un an et demi, j’ai bossé dans deux genres de magasins différents, de différentes enseignes. La playlist de celui dans lequel je travaille à ce jour est, aujourd’hui, à 50% identique à celle de l’autre supermarché il y a un an et demi. Et dans l’actuel, aujourd’hui, elle est à 80% identique à ce qu’elle était il y a un an. Estimations, mais je ne dois pas être loin du compte.
Les Maître Gims et Vianney (j’ignore encore à ce jour ce à quoi il ressemble, mais à chaque fois que je dis je déteste cette chanson, on me répond : c’est Vianney) en ont plusieurs dans la playlist. Les reprises plates de chansons vraiment sympa à la base (je pense à Mr. Blue Sky d’ELO surtout, mais aussi à Je t’emmène au vent de Louise Attaque, et King of bongo de Manou Negrachao) font crever de frustration. En période de Noël j’ai une fois eu droit aux Pogues, Fairy Tale of New York. Je ne sais pas ce qui a pu se passer. Le fin disc jokey qui contrôlait que la playlist en boucle tourne bien en boucle s’est sans doute assoupi et a appuyé sur un mauvais bouton dans sa somnolence. Et puis hop, on a dû repasser à Mariah Carey ou je ne sais pas quand il s’est réveillé.
Il y en a deux que je tolère depuis tout ce temps, et c’est étrangement le Havana de Camila Cabello qui passe une fois par jour, sûr, et une autre qui à l’instant m’est sortie de la tête et je pense que c’est une sorte de protection inconsciente. Ah non, ça y est, l’air m’est revenu, mais je ne connais pas le titre.
Et donc.
J’estime que nous, animaux, n’avons pas à supporter les mêmes suites de fréquences sonores bombardées chaque jour en boucle durant des semaines, des mois et des années. Il s’en faut de peu que j’utilise le mot torture.
Il y a assez de musiciens dans le monde pour qu’on n’ait pas à écouter le même morceau de musique deux fois dans sa vie, de la naissance à la mort.
Faisons un compromis.
Je propose que la même chanson ne soit pas jouée plus d’une fois par semaine, pas plus de deux mois d’affilée.
Vous avez vos chansons pour attirer le client, le faire rester plus longtemps dans le magasin, je ne sais pas, j’imagine. Vous devez avoir une bonne raison pour infliger ça à chacun de vos employés. (Si vous avez connaissance de cette raison, écrivez-là dans les commentaires, vous avez gagné.)
Et nous, nous n’avons pas à tolérer cette atteinte à notre santé physique et psychologique.
Le brouhaha incessant causé par les clients, les fours, les climatiseurs, les caisses, saupoudré des bruits de cartons qu’on déchire, de verres qui s’entrechoquent ou se brisent, de four micro-ondes, de machines à café, et d’insultes et autres vitupérations diverses, use bien assez nos tympans à longueur de journées. Vous y ajoutez de la musique. Soit. Mais pas ça. Pas cette répétition insensée.
Je vais donc me battre, dès demain, ou enfin dans pas longtemps, et sur tous les fronts, pour que les responsables des playlists de supermarchés s’engagent à respecter des quotas de chansons nouvelles sur des durées déterminées.
Alors ? Dites qu’elle est pas bonne, ma cause, pour voir un peu. Hein. En plus, maintenant que j’habite à quinze minutes à pieds du parlement européen, je pourrais aller manifester chaque jour de congé pépouze jusqu’à ce que je tombe sur le ou la bonne député. Je pourrais.